Meet Angelus Death (suite)

C'est sans répondre à la provocation de Jole que nous avions quitté les cuisines - non sans saluer Mila et nous excuser de devoir lui fausser compagnie si rapidement.

Je gardai néanmoins en tête d'interroger Morgan sur les vertus des brownies que le cuisinier avait absolument voulu me faire manger.

Il faut dire que j'étais soulagé de les quitter et de m'expliquer avec lui, seul à seul. Il avait accepté de m’accompagner à Adsav, mais peut-être ne l'avait-il fait que pour paraître poli aux yeux des autres ? Ne désirant pas me mettre dans l'embarras... quoique de nous deux, il paraissait le plus... perdu dans ses pensées.

Sa main n'avait pas quitté la mienne depuis notre ascension des escaliers menant au foyer. Nous n'avions pas plus échangé un mot. Je rompis le silence:

― Tu m'en veux ? demandai-je en craignant sa réponse. "Autant d'avoir écourter notre visite que de t'avoir pris au dépourvu avec mes projets de vacances... ?"

Etait-ce une plaisanterie ? Comment pourrais-je être fâché alors que mes vacances auraient consisté à de longues heures passées seul à errer dans les couloirs, à croquer les lieux dans leurs moindres détails, à noircir les pages de mon carnet à dessins...?

Naturellement, c'était ce que Lord Witherby espérait ― et tout à coup, mon coeur s'affola autrement : je ne voulais pas rester à Brocéliande ! Pas alors qu'Angel me proposait de passer les vacances avec lui !

Il faudrait que je croque le plus de lieux possibles avant de partir afin que je puisse les lui envoyer pendant mon séjour à Adsav ; il ne remarquerait rien ainsi...

...que n'aurais-je fait pour rester avec l'élu de mon coeur ?

Je me tournai vers lui, l'enlaçai de mes bras, me serrai tout près de lui.

― Non, Angel, respirai-je tout bas, son parfum d'herbes fraîches m'apaisant. Du tout. Tu crois que tes parents accepteront...?

Et que ferais-je, si ce n'était pas le cas, à présent que des ailes me poussaient presque ?

Don't let yourself get carried away, me morigénai-je. La déception serait trop douloureuse...

Je laissai Morgan se serrer tout contre moi et l'enlaçai à mon tour. Depuis que j'avais pris la décision de ne plus nous cacher, je ne reculai plus devant ses marques d'affection, allant jusqu'à les rechercher, comme plus tôt en cuisines.

― Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas... mais je ne les laisserai pas me séparer de toi, répondis-je, en resserrant mon étreinte. Ce qui me fait penser qu'il me faut prévenir Olympia. J'espère qu'elle n'aura pas déjà rendu réponse à Mère...

Ne me restait plus qu'à la trouver et lui expliquer que nous avions un invité surprise. Je préférai éviter de penser à la réaction de ma soeur en découvrant l'identité du-dit invité.

Angel était mon paradis sur terre : dès qu'il me serrait dans ses bras, le monde s'évanouissait ; ne restait que nous, notre amour, sa chaleur, sa douceur, son parfum si entêtant lorsque je me portais bien, et tant apaisant lorsque j'étais mal...

Angel, mon hâvre de paix, de désir, de plaisir.

Angel, qui complétait mon âme, me donnait une raison d'être.

Angel, à qui j'étais accro dès le premier jour : une drogue, ma drogue.

Angel que j'aimais éperdument.

Et qui m'aimait en retour.

― Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas... mais je ne les laisserai pas me séparer de toi, promit-il, me pressant encore davantage contre son torse.

Je ne laissai fondre en lui.

« Ce qui me fait penser qu'il me faut prévenir Olympia. J'espère qu'elle n'aura pas déjà rendu réponse à Mère... »

Olympia...! J'avais momentanément oublié la soeur de mon cher et tendre boyfriend...

...une furie doublée d'une peste envers Angel. Je devais avouer qu'elle m'amusait assez lorsqu'elle venait me chercher ; bien moins, lorsqu'elle s'en prenait à Angel.

― Je parlais de ma visite à Adsav, pas de nous, précisai-je, ma tête toujours enfouie dans son cou. Nous ne sommes pas ― tu n'es pas obligé de leur dire que nous sommes ensemble... Je serai sage. Très sage. Je garderai mes mains et mes lèvres pour moi...

En bref, un retour en arrière ― mais être ainsi avec lui était mieux qu'être séparé de lui !

"Je garderai mes mains et mes lèvres pour moi..."

Les derniers mots de Morgan me semblaient résonner à l'infini contre la pierre froide des murs. Chaque écho m'enserrait le coeur me culpabilisant un peu plus. Ce n'était pas comme cela que cela devait être...

― Je ne veux plus que tu gardes tes mains et tes lèvres pour toi... Je ne veux plus me cacher... Je veux que tous sachent que nous sortons ensemble, affirmai-je, avant de me détacher doucement de son étreinte.

"Viens, nous devons trouver Olympia", commençai-je à dire avant de me reprendre: "Sauf si tu préfères me laisser y aller seul ? Je comprendrais, rassure-toi !"

Je pensais avoir assez "secoué" Morgan pour la journée. Je ne voulais pas aggraver son état en l'obligeant à supporter ma soeur et sa réaction, qui je le savais, n'allait pas être une partie de plaisir à vivre.

Comprendre...?

Comprendre que je ne saurais faire d'effort pour être avec toi, à tes côtés, pour clamer ce « nous » qui m'anime d'ardeur et de passion, me comble d'extase et d'ivresse ?

MPER.

Je rivai mes prunelles à celles d'Angel, l'océan bleu rencontrant une terre d'or :

― Je suis avec toi, protestai-je avec une force calme et posée. Nous sommes ensemble.

A jamais.

Ma main trouvant la sienne, je la plaçai sur mon coeur ― pour qu'il ne doute pas du colibri qui s'excitait sur sa branche :

― Ensemble, répétai-je. C'est sans concession : je ne te laisserai pas voir ta soeur seul en regardant le spectacle de l'autre côté de la pièce ! Alors, allons la trouver, ensemble.

Je conclus d'un baiser sur ses lèvres charnelles, un baiser chaste mais symbolique : nous étions un couple.

Je n'avais pas de colibri qui chantait dans ma poitrine comme Morgan mais je sentis la mienne se gonfler d’orgueil en entendant sa réponse.

"Ensemble"

― J'aime t’entendre parler ainsi...,J'aime tes mots et ton assurance, dis-je en lui rendant son chaste baiser. Allons trouver Olympia, ponctuai-je en le tirant par la main, impatient de montrer à tous que nous étions ensemble.

Je ne comptais plus me cacher et m’empêcher de vivre notre relation pleinement, au grand jour. Si notre couple dérangeait certains, ils n'avaient qu'à regarder ailleurs...

C'est fort de mes résolutions que je débouchai sur le palier du foyer, Morgan à mes cotés.

Et c'est parti, pensai-je en cherchant la chevelure blonde de ma soeur à travers les élèves présents.

Pourvu que tout se passe au mieux, tentai-je de me rassurer.

Je n'espérais qu'une chose: qu'Olympia soir assez civilisée pour ne pas me taper un scandale et n'en vienne à mettre Morgan mal à l'aise. Je ne le supporterais pas. Une fois avait été largement suffisante. Si elle le blessait lui, elle me blessait tout autant et il avait assez souffert de sa méchanceté gratuite.

Le pas décidé, Angel m'entraîna donc dans le foyer, serpentant entre les fauteuils et les chaises disséminés dans la pièce, à la recherche de sa soeur. Quelques têtes se tournèrent à notre passage ; les regards, toutefois, restèrent discrets, en majorité : le bruit courait depuis quelques jours déjà que nous étions ensemble et le baiser d'Angel avait enflammé les ragots... quoi que ragots, ils ne l'étaient pas réellement ― mais je n'aimais pas savoir que les uns et les autres babillaient à notre propos.

J'avais d'ailleurs pensé que Phil, Klet et Nick m'auraient questionné après ce baiser mais, apparemment, mes camarades avaient déjà évoqué, entre eux, la possibilité que je sorte avec Angel ; que dis-je, ils avaient carrément ouvert les paris ! Klet avait donc eu le plaisir de perdre, ayant été persuadé qu'Angel préférait le sexe opposé et que je ne finirais que le coeur brisé (et peut-être avec un oeil au beurre noir si mon affection particulière ne plaisait à Angel ― il avait d'ailleurs déclaré qu'il serait aller rendre la pareille si tel avait été le cas, ce qui m'aurait touché s'il n'avait s'agi de mon mec). J'avais failli m'étrangler, en revanche, lorsque Nick avait demandé si je couchais avec ; bêtement, je m'étais récrié avant d'ajouter que cela ne les regardaient pas ! Nick s'était plaint : pourtant, vous dormez ensemble dans sa chambre... Je n'avais pas daigné répondre. Phil avait remporté leur pari : je sortais bien avec Angel mais je ne couchais pas... "encore". Sans commentaire...

Pourtant, quelque part, j'étais heureux et soulagé qu'ils le prissent aussi bien ; aussi, ces paris ne m'avaient pas outre mesure dérangé : c'était une preuve qu'ils m'acceptaient tel que j'étais...

Le notaire en ferait-il de même ? Pourrait-il accepter que je sorte avec un autre garçon ?

A présent qu'Angel était sur le point de révéler à sa soeur la vérité sur notre relation, je ne pouvais m'empêcher de me poser ces questions. Malheureusement, j'étais incapable d'y répondre : je savais que Lord Witherby n'aimait pas que je sorte avec qui que soit, tout court : il voyait cela comme une distraction inutile. Mieux valait, donc, ne pas lui parler d'Angel : garçon ou fille, il n'aurait pas apprécié...

― Par ici, fis-je lorsque, tout à coup, je vis Olympia, laquelle je désignai alors d'un geste de la tête.

Elle, non plus, n'apprécierait pas : après la paysanne, voilà que son frère sortait avec le groom... cela promettait.

Le foyer était plus animé que je ne le pensais. Normal. Que faire un samedi après-midi pluvieux à part rester dans sa chambre ou flâner à la bibliothèque ? Les possibilités étaient quelques peu réduites. Dans un sens, ce n'était pas plus mal qu'il y ait autant d'élèves présents: Olympia tempérerait peut-être ses excès d'humeur de se savoir entendue de tous cotés. Bien que je songeai aussi vite au scandale qu'elle m'avait tapé devant son casier, alors que le couloir était encore plus animé.

Trop tard pour reculer Angel ! me morigénai-je, honteux de plier devant le courroux de ma soeur.

Je pénétrai à l'intérieur tirant toujours Morgan derrière moi et me concentrant sur sa chevelure platine, passai à cotés de tables où certains jouaient aux cartes, aux dés et où d'autres lisaient ou discutaient tout simplement. Je sentis des têtes se retourner sur notre passage mais ne m'en préoccupais pas plus. J'avais fais mon choix et je l'assumais totalement.

Et oui, je sors avec un autre garçon, et alors ? avais-je envie de leur hurler à tous...

Quelque part, je me sentais pousser des ailes et me gonflais d'orgueil d’être celui que Morgan avait choisi. Il était loin d’être vilain garçon, c'était même tout le contraire: Morgan était vraiment très beau, avec ses cheveux d'ébène et ses yeux bleus cobalt - tout le contraire de moi, blond aux yeux caramel - même si je ne le lui disais que trop rarement... Nous formions un joli couple et j'étais fier d’être son mec et de me tenir à ses cotés, sans plus avoir à cacher mes sentiments. Cela devait certainement faire parler dans les chaumières comme nous devions par la même occasion rendre certains jaloux et d'autres déçus...

Je redescendis sur Terre en entendant la voix de Morgan:

― Par ici, me fit-il en désignant d'un signe de tête un fauteuil tourné face à la cheminée. Olympia y était bien assise, tête baissée. J'aurais l'avantage de la surprise...

― Ensemble, nous sommes ensemble, me rassurai-je en me dirigeant droit vers elle, ma main serrant plus que jamais celle de Morgan.

Je me positionnai à quelques centimètres et comptai jusque trois avant de me lancer:

"On peut se voir deux minutes, si tu n'es pas trop occupée, cela va de soi ?" questionnai-je poliment ma soeur, occupée à feuilleter un magazine de mode et non un livre comme je l'avais d'abord supposé.

Était-ce un effet de mon imagination ou aurais-je pu entendre une mouche voler ? Mis à part les battements de mon coeur, le foyer semblait bien calme... Étaient-ils tous à l’affût d'un nouvel esclandre ?

Assise près de la cheminée, Olympia tournait les pages d'un magazine, ses traits lisses cachés ses longues mèches blondes. A force de jouer avec celles d'Angel, j'avais fini par en connaître toutes les nuances, des teintes les plus sombres lorsqu'elles étaient gorgées d'eau ― de la douche ou de pluie ― ou les plus claires, lorsque le soleil y faisait chatoyer des reflets blancs... à côté, la chevelure de sa soeur me paraissait fade, sans attrait. Partial ? A peine ! Etait-ce de ma faute si la version féminine de mon boyfriend ne possédait pas la même beauté angélique et éthérée, elle qui était si prompt à la colère ?

Colère qui, d'ailleurs, semblait stresser Angel :

― Ensemble, nous sommes ensemble, l'entendis-je répéter alors que nous avancions, sa main se resserrant sur la mienne.

Je le laissai faire, comprenant parfaitement cette angoisse face à la furie que pouvait être Olympia.

Always, répondis-je intérieurement alors que nous faisions les derniers pas qui nous séparaient de sa jumelle.

― On peut se voir deux minutes ? questionna-t-il. Si tu n'es pas trop occupée, cela va de soi, ajouta-t-il poliment.

Posté légèrement en retrait, je restai toutefois près d'Angel, un petit sourire satisfait ornant mes lèvres : game on.

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Cela faisait presque trois semaines que j'étais arrivée à Brocéliande mais il me semblait que cela faisait des siècles. A mesure que je parcourais les pages du magazine posé sur mes genoux repliés, je m'effondrai. Mes tenues n'étaient plus d'actualité. Toute ma garde-robe était bonne à jeter. Comment avais-je pu accepter une telle chose de se produire ? Je ne pouvais décemment pas retrouver ma vie d'avant en portant ce que j'avais dans mes armoires. Il me fallait tout racheter.

Je songeais user de mon charme sur Père qui ne pourrait pas me refuser une telle demande. Si je devais souffrir d’être ici, je pouvais bien en trouver quelques compensations et faire les boutiques, n'était pas négociable. Mes pensées dévièrent forcément vers Angelus mais je les chassais rapidement, préférant me concentrer sur ma lecture. Il fallait que je me remette au gout du jour et connaisse les derniers potins à la mode. Je ne voulais pas arriver auprès de mes amies et passer pour la pauvre Olympia exilée à des lieux de chez elle, obligée de se couper du monde pour satisfaire les lubies de son père...

J'étais tombée bien bas, songeai-je dépitée.

C'était l'histoire de quelques jours, au pire deux semaines et je retrouverai mes marques. Dix jours loin de ce château de malheur, de ces élèves inintéressants, de cette vie de recluse... Toute absorbée que j'étais à réfléchir à mes futures acquisitions, je ne vis pas que l'on m'avait approchée jusqu'à que je reconnaisse la voix, fort polie, qui s'adressait à ma personne:

― On peut se voir deux minutes, si tu n'es pas trop occupée, cela va de soi ? demanda mon jumeau.

Peut-être un peu trop poliment aurais-je remarqué en temps normal, mais préoccupée que j'étais, je passai sur cette information.

― Et de quoi voudrais-tu m'entretenir qui vaille la peine que je lâche ma lecture, Angelus ? questionnai-je tout aussi doucereusement mon gêneur, sans décoller mes prunelles des pages glacées.

Je ne fus guère surpris de voir qu'Olympia ne daigna pas lever les yeux à la voix de son frère : ses prunelles brunes demeurèrent rivées au magazine qu'elle avait posé sur les genoux, observant les tenues vestimentaires proposées sur les pages glacées.

De nous, répondis-je intérieurement. De moi. Et cette dernière pensée me rempli d'orgueil et de fierté : Angel allait l'entretenir à notre sujet. Je serrai sa main un instant : nous étions ensemble.

― Et de quoi voudrais-tu m'entretenir qui vaille la peine que je lâche ma lecture, Angelus ? me demanda ma soeur - tout aussi poliment que je m'étais adressé à elle - sans décoller le nez de son magazine de mode.

Je n'ai aucune envie de faire marche arrière, me dis-je alors que Morgan resserrait sa main autour de la mienne, me confortant dans mon désir d'en finir avec cette situation.

Je ne perçus ni tremblement dans ma voix, ni hésitation dans mes mots quand je lui répondis, déterminé et assuré:

― De moi, de Morgan, d'Adsav et de notre séjour là-bas pour les prochaines vacances, répondis-je, en n'avouant que la vérité. Juste la vérité.

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J'encaissai le choc des paroles d'Angelus sans rien laisser transparaître. Je continuai à feuilleter tranquillement mon magazine, ne relevant toujours pas mes yeux sur lui, alors que je devinais "son" Morgan légèrement en retrait.

C'était donc vrai...

Tous les bruits qui couraient sur mon frère et le groom étaient donc fondés. Ils sortaient réellement ensemble... J'avais cru à des ragots, des oui-dires, des bruits de couloir, n'y prêtant pas l'importance que les autres semblaient vouer à cette affabulation...

Affabulation qui n'en avait plus l'air tout d'un coup...

Fort m'étais de constater que je m'étais trompée. Moi, Olympia, si vive d'esprit, si futée, si intelligente, n'avait rien vu venir...

Quelle idiote je faisais !

Hors de question d’être la risée de l'école en m'emportant devant tous les élèves réunis autour de nous. Je mettrais ma main au feu que "tous" avaient cessé leur activité et n'avaient d'yeux et d'oreilles que pour les jumeaux Death.

Je souris, amère, ne cherchant pas d'excuse à mon aveuglement. Je devais avouer qu'Angelus m'impressionnait pour le coup. Même moi qui avait toujours su lire en lui, n'avait rien déceler de ce qui se tramait à ma portée.

― Dois-je me charger de prévenir Mère que nous aurons un invité ou préfères-tu le lui annoncer toi-même ? l'interrogeai-je, en relevant enfin la tête vers les traits de mon jumeau.

Comme je l'avais envisagé, j'entrevis le groom et sa main qui enserrait celle de mon frère. Je me contenais pour ne pas laisser voir ma colère, ma jalousie, mon effondrement. Je ne leur ferais pas ce plaisir, je serais plus maligne, frappant là où ils ne s'y attendent pas et quand ils seront le plus vulnérables.

"Toutes mes félicitations Angelus. A vous aussi Morgan", ajoutai-je, leur offrant un sourire aussi sincère qu'il m'était alors permis de composer.

J'entrevis toutefois une brèche dans laquelle je me glissai avec délectation et sans laisser glisser mon regard ailleurs que sur les traits surpris de mon jumeau, poursuivis:

"Je n'ose imaginer la douleur que ressentira cette très chère Camélia en se sachant si vite remplacée. Le dicton dit donc vrai: "loin des yeux, loin du coeur". Puissent nos parents accepter que vous nous accompagnez Morgan. Connaissant Angelus, ce serait malheureux qu'il retourne vers des bras familiers pour combler votre absence".

Mon sourire se fanant comme il avait éclos, je me sentis pâlir alors que les paroles d'Olympia résonnaient sombrement à mes oreilles... dans mon coeur : qu'Angel me laisse et se remette avec Camélia était ma crainte la plus aiguë, la plus douloureuse, la plus terrorisante ― et sa soeur venait de la matérialiser en quelques secondes : « Loin des yeux, loin du coeur, avait-elle commencé, le ton trop doucereux. Puissent nos parents accepter que vous nous accompagnez Morgan. Connaissant Angelus, ce serait malheureux qu'il retourne vers des bras familiers pour combler votre absence. »

Le colibri s'était figé sur la branche et mon coeur s'était arrêté de battre : et si ? Et si Olympia, dans ses désirs de nous blesser, n'avait, quelque part, fait qu'émettre la vérité...?

MPER, protestai-je intérieurement, débattant avec moi-même : en sortant avec moi, Angel n'avait pas remplacé Camélia afin de combler son absence ; notre relation n'était pas une parenthèse et même si nous étions séparés pendant les vacances, jamais il ne retournerait vers celle qui, malgré les moments d'intimité partagés, n'était parvenu à le satisfaire. A le révéler à lui-même.

Je ne détachai pas mon regard assombri d'Olympia. Qu'elle jouisse du mal qu'elle apportait si cela lui plaisait, je ne la laisserais pas exacerber mes peurs.

Pour toute réponse, j'entrelaçai mes doigts à ceux d'Angel : qu'elle voit que nous étions ensemble, comme nous venions de nous le dire ; que mes craintes ne seraient jamais assez fortes pour ébrécher mon amour ; et que nous ne nous laisserions pas faire.

J'aurais du voir le coup venir. Les félicitations d'Olympia ne pouvaient ni être sincères ni prises comme telles. Ne lui avais-je pas signifié, encore la veille, de cesser de se mêler de ma vie privée ?

Ses mots avaient fait mouche, touchant là où ça fait mal. Je devinais Morgan atteint par son venin et sa méchanceté. Je ressentais sa douleur à travers nos doigts entremêlés.

Je pris sur moi pour ne pas laisser exploser ma colère. Un jour, elle paiera pour tout le mal qu'elle fait aux autres.

― Effectivement, je préfère me charger, seul, d'avertir Mère de la venue de Morgan à Adsav, assurai-je aussi courtois que je pouvais l’être. Merci pour tes félicitations, nous sommes émus que tu partages notre bonheur, ne pus-je m’empêcher de la provoquer.

Sans prendre la peine de contredire ses dernières paroles, je fis demi-tour, entraînant Morgan à ma suite avant de me tourner une dernière fois vers ma soeur et d'ajouter:

"Je te souhaite une bonne fin de journée, Olympia".

Après ce que je venais de lui annoncer, elle ne serait que pleine de ressentiments à mon égard, quoique cela ne changerait pas grand chose à son comportement actuel.

De mon coté, il fallait vraiment que je mette les choses au clair avec Morgan, à commencer par mes vrais rapports avec Camélia. Je n'avais que trop retardé l'échéance et comme cette journée semblait être axé sur la vérité et rien que la vérité...

Angel ne réagit pas à ses propos ― une façon de répondre comme une autre pour lui signifier que ses paroles étaient si négligeables qu'ils ne valaient pas la peine que nous nous mettions à protester ; il prit d'ailleurs diligemment congé de sa jumelle et je l'imitai d'un bref coup de tête, désirant ardemment quitter les lieux et me détestant de ne pas avoir eu la répartie qu'il fallait : si Angel et moi avions gagner les premières joutes verbales, Olympia venait de remporter celle-ci haut la main.

Je n'avais pas l'habitude de perdre et la défaite avait un goût amer, doublé d'une dose de mal être : elle avait frappé bas et même si j'avais confiance en Angel ― forcément si je passais toutes mes nuits avec et que je dormais à ses côtés sans passer au sens biblique du terme ― je ne pouvais m'empêcher, quelque part, d'avoir peur ; de me haïr d'avoir peur ; d'être faible ; de vomir cette faiblesse !

Je resserrai ma main autour celle d'Angel : je ne douterai pas de mon mec ; nous n'étions pas ensemble pour se méfier des sentiments de l'autre ― Angel m'avait dit m'aimer et, en dépit de ses désirs de se cacher, avait fait tout le contraire, et m'avait même embrasser devant tous !

...devant tous... ou presque ― cette chère Oly n'avait pas été présente ; en fait, seule une partie infime des élèves de l'école avaient été au premier rang de ce baiser...

J'eus tout à coup envie de faire mieux ― je m'arrêtai brusquement, stoppant Angel par la même occasion, puis me collai tout près de lui, nos corps s'effleurant, mes lèvres chatouillant les siennes :

― C'est à mon tour de t'embrasser devant tous, fis-je tout bas, d'une voix aussi voluptueuse que possible.

Je glissai ma main libre sur son torse, remontant doucement sur sa nuque, à la lisière des cheveux que j'entremêlai de mes doigts :

« A mon tour de prouver que tu es mon mec... rien qu'à moi... »

Caressant ses lèvres des miennes, comme une exquise tentation pour le garder près de moi, je fis un petit pas en arrière et m'assis sur la table que j'avais cognée : si Angel le voulait, ce serez le baiser le plus mémorable de l'Ecole de Brocéliande...

Nous avions presque quitté le foyer lorsque Morgan s’arrêta, me coupant dans mon élan, se colla tout contre moi et effleura mes lèvres des siennes.

― C'est à mon tour de t'embrasser devant tous, déclara-t-il subitement, sa voix se faisant caressante.

Trois secondes suffirent pour me faire perdre mon assurance.

Je ne voyais ni la nécessité, ni la raison d’un tel geste. Tous, y compris ceux qui doutaient encore, ne pouvaient plus douter que nous étions en couple. Pas après nous avoir vu faire irruption dans le foyer, main dans la main.

« A mon tour de prouver que tu es mon mec... rien qu'à moi... » continua de me provoquer Morgan, sa main glissant sur mon torse jusque ma nuque où elle se fit caressante; parsemant mes lèvres de baisers; m’attirant à reculons contre une table sur laquelle il s’assit.

Trois autres secondes qui achevèrent de me liquéfier.

― Morgan… Tu n’as rien à prouver à qui que ce soit. Ni à tous ceux qui nous observent, ni même et surtout à Olympia. Mais juste pour leur donner une bonne raison de parler de nous, je veux bien te donner ce baiser auquel tu tiens tant…

Trois ultimes secondes pendant lesquelles je songeai à Olympia et la fureur qui serait sienne de me voir embrasser Morgan aussi éhontément…

...mais Angel sembla réticent : je le sentis dès qu'il prononça mon nom ― sa voix d'habitude empreinte de désir s'était teintée d'un ton de douce réprimande :

― Tu n’as rien à prouver à qui que ce soit. Ni à tous ceux qui nous observent, ni même et surtout à Olympia.

Parce que, toi, tu n'avais rien à prouver lorsque tu m'as publiquement embrassé par surprise...?

Certes, dans l'absolu, Angel avait raison ; mais sa soeur m'avait fait si mal que le désir de lui montrer à quel point elle avait tort s'était emparé de tout mon être ― et que de tel qu'un baiser, plus efficace que milles mots ?

Seulement, Angel n'était pas aussi disposé à la détromper ; et les paroles qui suivirent ne firent que figé le colibri sur sa branche pour la seconde fois :

« Mais juste pour leur donner une bonne raison de parler de nous, je veux bien te donner ce baiser auquel tu tiens tant… »

Etait-ce que nos baisers étaient à présent ? Un caprice auquel il concédait par commodité ?

Et si ? Et si Olympia n'avait fait qu'émettre la vérité ? Et si Angel, rappelé à la souffrance de celle qu'il avait un jour appelée sa fiancée, contemplait la possibilité qu'avait émise sa jumelle : retourner vers Camélia...?

Non !

Mon coeur protesta si fort, si vivement, qu'il me sembla presque exploser ― sa soeur pouvait être fière d'elle, elle avait merveilleusement semer le doute ! en moi, en nous, en tout...

― Ne te sens pas obligé de m'embrasser pour leur donner une raison de parler, arrêtai-je Angel. Ils jaseront davantage encore si tu ne le fais pas...

Morgan, publiquement humilié par son mec... le baiser le plus mémorable de Brocéliande se transformait en moment de rabaissement le plus total. Olympia serait ravie. Ou peut-être même pas : c'était son frère qu'elle désirait viser ; sauf que c'était moi qui était blessé. Dommage collatéral pour une cible qu'elle n'avait même pas atteinte...

Apprenti Sorcier Messages : 110 Age : 28

Après avoir poliment pris congé de ma personne, sans même chercher à contredire ma dernière provocation, Angelus et Morgan m'avait laissé à mes occupations. Je n'avais pas daigné leur répondre. A quoi bon leur souhaiter mes bons voeux de fin de journée alors que la mienne et celles à venir étaient d'ores et déjà gâchées; emplies de ce sentiment d'échec, de frustration et de jalousie ? Tumultueux mélange qui pouvait me faire devenir de fort méchante humeur.

J'en viendrais presque à plaindre les malheureux qui croiseraient mon chemin...

Malgré toute ma bonne volonté de ne pas me laisser déborder par mes émotions, comme la dernière fois au réfectoire, je n’empêchais pas mon bras de lancer mon magazine dans l’âtre. Le papier ranima quelques flammes et je me perdis quelques instants dans la contemplation des flammèches ocres qui léchaient si avidement le papier. Ne restèrent que des cendres qui s'envolèrent jusqu'à mes pantalons que je frottai d'une main rageuse.

Je me levai sans même me préoccuper de ceux qui m'entouraient. J'avais mieux à faire que d'affronter leur regard de pitié, de sympathie ou ne sais-je encore...

A quelques pas de la porte, je stoppai nette devant la vision qui s’offrait à mes yeux agrandis par le choc. Angelus et Morgan dans une position plus que suggestive, s'embrassant et se collant comme s'ils avaient besoin de prouver, aux élèves présents et occupés à les dévisager, qu'ils étaient bien ensemble. Je ne m’empêchai pas de dire tout haut ce que beaucoup devaient penser tout bas:

― De grâce, épargnez-nous cette vue. Quel age avez-vous donc pour vous donner en spectacle devant tout le monde ? Ne pouvez-vous donc pas attendre d'être seuls pour vous embrasser ?

Sans attendre leur réaction, je les dépassai, le menton haut et la démarche aussi assurée que me le permettait mon indignation.

J'en référerai à Père et l'on verra si tes écarts de conduite seront longtemps tolérés, petit frère, me fis-je la promesse. Savoure tes derniers moments de liberté car je sens qu'ils ne vont pas durer...

Je ne lui ferai pas le plaisir de lui montrer combien j'étais anéantie par sa révélation mais j'ourdirai pour lui rendre la vie, à Brocéliande, aussi impossible que je le pouvais.

― Ne te sens pas obligé de m'embrasser pour leur donner une raison de parler, me coupa Morgan alors que je m’apprêtais à l'embrasser. Ils jaseront davantage encore si tu ne le fais pas...

C'est clair que mes paroles portaient à confusion...

― Ai-je besoin de te ré-expliquer ma conception du mot "obligé", M. ? le taquinai-je en déposant un premier baiser sur ses lèvres, songeant à la fois où je lui en avais fais part, dans le parc.

" Mais j'aime ton idée de prouver à tous que je suis ton mec, rien qu'à toi..." poursuivi-je en déposant une multitude de baisers sur ses lèvres boudeuses.

― De grâce, épargnez-nous cette vue, me fit presque sursauter la voix de ma soeur en passant à nos cotés, quittant le foyer. Quel age avez-vous donc pour vous donner en spectacle devant tout le monde ? Ne pouvez-vous donc pas attendre d'être seuls pour vous embrasser ?

Non...., songeai-je un court instant avant de me reprendre.

― Je lui donnerai presque raison, même si cela me coûte de l'avouer, soufflai-je à Morgan en posant mon front contre le sien. Je n'ai pas envie de partager nos moments d'intimité avec le reste de l'école. Et toi...?

― Ai-je besoin de te ré-expliquer ma conception du mot "obligé", M. ? répliqua doucement Angel, sa voix teintée par une légère taquinerie.

Maybe... songeai-je alors qu'il déposait un doux baiser sur mes lèvres. Redis-moi que tu ne fais les choses avec moi que parce que tu le veux.

Redis-moi que tu m'aimes et qu'il n'existe plus que moi à tes yeux ; que même si tes parents n'acceptent ma présence à Adsav, tu ne te tourneras pas vers elle.

« Mais j'aime ton idée de prouver à tous que je suis ton mec, rien qu'à toi..., » poursuivit--il en faisant suivre une kyrielle de tendres baisers sur mes lèvres.

Je me laissai fondre près de lui, savourant la caresse si charnelle de sa jolie bouche ― Angel était si doué ! Et alors que la fragrance d'herbes fraîches emplissait mes poumons et me grisait l'esprit, je répondais à ces baisers avec une gourmandise que je n'osais finalement débrider devant tous les élèves présents.

― De grâce, épargnez-nous cette vue, nous interrompit sèchement la voix d'Olympia.

Son ton trahissait l'aigreur de voir son frère amoureux et me décrochait un sourire satisfait : si elle pouvait avoir aussi mal qu'elle ne m'en avait fait, c'était parfait. Je n'écoutai d'ailleurs pas le reste : seul Angel comptait.

― Je lui donnerai presque raison, même si cela me coûte de l'avouer, me souffla-t-il, son front contre le mien. Je n'ai pas envie de partager nos moments d'intimité avec le reste de l'école. Et toi...?

Je haussai les épaules, ne tenant pas à me soustraire de notre collé-serré : j'aimais cette proximité, sentir la chaleur de son corps.

― Peut-être pas nos moments à nous, concédai-je toute de même. Mais tu es mon mec et, cela, je ne veux pas que qui que ce soit en doute.

A mon tour, je déposai un baiser sur ses lèvres ― un baiser chaste mais joueur.

« Angel, mon Ange... tu crois que nous pourrions finir cette 'conversation' ailleurs ? »

Comprendre : dans la chambre, allongés sur le lit, pour mieux nous embrasser... Je me collais d'ailleurs davantage à lui.

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