Retrouvailles (suite)

Sa main glissa dans la mienne et nos doigts s'entrelacèrent naturellement ; l'oiseau sur la branche siffla fort : c'était si symbolique que mon coeur accéléra ― je me rappelai encore ses effleurements, ses caresses, la tendresse de cet instant magique...

― Tu m'as manqué, déclara Angel de sa voix douce, sincère.

Mon coeur explosa ― trop d'émotions qui le remplissaient !

― Tu m'as manqué, aussi, répondis-je. Enormément.

C'était la vérité ― Angel m'avait manqué ; tel un drogué, irrémédiablement accro au jeune homme, sa présence, sa voix, ses caresses ― même infimes ! ― j'avais passé quatre jours agités, à tout faire pour tromper mon désir de lui !

Aujourd'hui, le désir était toujours aussi fort, davantage, même ; mais la peur aussi était là, me laissant les idées claires ― assez pour ne pas me laisser aller à mes ardeurs : Angel semblait être le genre de garçon avec qui il fallait y aller avec lenteur et douceur.

Je n'avais jamais eu de relation qu'avec un seul autre garçon, d'un an plus âgé que moi. Notre idylle avait été courte, comme tous les autres ― celles que j'avais eues avec des filles ― car je me lassais vite : au bout de deux semaines, j'arrêtai de les voir, las de leur beauté creuse, extérieure seulement. Même les plus aimables, les plus serviables, finissaient par m'ennuyer ― et puis Lord Witherby ne paraissait pas apprécier ces relations : ses lettres, quant à mes 'connaissances féminines', me mettaient en garde contre la perte de temps qu'elles représentaient. "Faites vos expériences, avait-il écrit, mais, de grâce, sachez dissocier plaisir et amour ; ce n'est pas à seize ans qu'un homme le découvre ― n'ayez pas la bêtise de tout confondre." Je n'étais pas bête ; cela avait réglé tout problème de confusion.

Avec Angel, les choses n'étaient pas pareilles ― avec Angel... c'était magnétique : chaque parcelle de mon corps, de mon âme, avait été ensorcelée ― quelques heures à peine avait fait opérer le charme ! Et même Ella, que j'avais réclamée en chasse-gardée, s'était effacée ! La soirée, je l'avais passé avec Angel, mon esprit ailleurs, tourné vers le jeune homme...

Jamais aucune autre personne ne m'avait si fortement attiré ― si fortement intoxiqué ; malgré tous nos accrochages, je restais sous le charme, irrépressiblement ! Angel avait tout pour plaire : un physique de rêve, des cheveux de soie, des yeux caramel, un parfum grisant, un esprit vif et caustique allié à un côté plus réservé, plus fragile ― un mélange détonnant, irrésistible !

C'était pour cela, aussi, que j'avais proposé de nous promener dans le parc : à l'extérieur, je serais obligé de me tenir ; par ailleurs, c'était un terrain neutre, et nous avions encore à nous expliquer...

Je le tirai donc vers moi en même temps que je me dirigeai vers la porte, attrapant le panier de petit déjeuner au passage ; Angel suivit. Dehors, les couloirs étaient encore déserts et nous descendîmes sans rencontrer une seule personne... Une bonne chose car j'ignorais comment Angel réagirait devant les autres.

A l'extérieur du château, l'air était frais et la rosée matinale s'était déposée sur l'herbe ; le soleil, à peine sorti éveillé, éclaboussait le paysage d'une lumière rose mordorée, créant une ambiance particulière, presque magique ― tout, en somme, paraissait parfait pour ces retrouvailles...

Je finis par nous arrêter dans un petit coin de verdure, au pied d'un banc à moitié caché par les branches tombantes d'un gros arbre. Nous nous assîmes près l'un de l'autre, nous tenant toujours par la main, et je lui proposai de se servir dans le panier :

― Il y a des croissants et des petits pains grillés, expliquai-je. Je les ai fait moi-même ― quoique Jole m'ait un peu aidé. Et puis il y a du chocolat chaud mais... tu n'es pas obligé d'en prendre !

Ayant refusé de boire le chocolat qu'il m'avait apporté, je redoutais qu'il ne me fisse la même chose ― même si je l'aurais mérité !

Mon coeur appartenait à Morgan - ce n'était pas un scoop - il avait pouvoir de vie ou de mort sur lui. J'en eu confirmation au moment où il affirma que je lui avais manqué, énormément manqué. C'est à cet instant précis qu'il s’arrêta de battre ... Cette mort, plus douce que tous les sortilèges existants, était la plus belle que je puisse espérer. Je flottai au dessus de la moquette de ma chambre, ivre de joie, de vie et d'amour.

Je pris davantage conscience que je ne serais plus que son Angel. Il pouvait me réduire à néant en une fraction de seconde. Il venait d'ailleurs de le faire ... Je lui appartenais d'ores et déjà plus que je n'avais jamais appartenu à quiconque. Pas même à Camélia, avec laquelle - je me rendais compte maintenant - je n'avais fait que de me voiler la face et faire bonne figure des convenances.

J'étais amoureux. Littéralement amoureux. J'étais mort d'amour pour lui. Je venais de lui offrir mon coeur sur un plateau d'argent.

Mes pieds ne touchaient plus le sol. Je me laissai guider, ma main accrochée à celle de Morgan. Je ne pouvais faire autrement que de le suivre, mon corps ne m'appartenait plus, il était resté dans ma chambre, figé, inerte, tétanisé, amoureux ...

Je ne reconnaissais en rien celui que j'étais en sa présence. D'habitude je n'étais pas si docile. Si enclin à me faire mener par la main - garçon ou fille - à travers un château pour un déjeuner en toute intimité. M'avait-il jeté un sort ? De ceux qui lient une personne à une autre sans pouvoir de décision ? Quand je repensais à nos différents échanges, je ne pouvais faire autrement qu’être surpris de celui que je me découvrais être au fur et à mesure des jours. Il y avait deux personnes totalement différentes qui vivaient à travers moi. Celui que j'étais - ou paraissais être - au yeux de tous : froid, antipathique, hautain voir snob - et celui que j'étais sincèrement quand Morgan respirait le même air que moi, me regardait avec des étoiles plein les yeux et me faisait trembler d'émotions aussi intenses qu'inconnues.

Telle une marionnette, je suivis mon guide à l'extérieur sans pour autant voir le chemin que nous empruntions, je flottai toujours, plusieurs mètres au dessus du sol.

Je ne réintégrai mon corps qu'une fois arrivés à destination, quand il me fit asseoir à ses cotés, nos mains toujours liées.

― Il y a des croissants et des petits pains grillés. Je les ai fait moi-même ― quoique Jole m'ait un peu aidé. Et puis il y a du chocolat chaud mais... tu n'es pas obligé d'en prendre ! me précisa-t-il.

Je détachai avec regrets mes doigts des siens et ouvrit le panier, ce qui laissa s’échapper des odeurs si délicieusement sucrées et terriblement appétissantes.

― Merci Morgan, c'est juste ... parfait, ajoutai-je après une courte hésitation.

J'avais du mal à m'exprimer, à lui dire les mots que je voulais qu'il entende. Je ne m'en sentais pas encore capable, je n'avais pas son assurance - loin de là ! Mais je me sentis "obligé" de préciser un point important :

"Je n'étais pas obligé de t'ouvrir ma porte tout à l'heure. J'étais encore moins obligé d'accepter ta proposition à venir déjeuner ici avec toi. Tout comme je n'étais absolument pas obligé de te tenir la main. Je ne me suis jamais senti obligé de quoi que se soit en ce qui te concerne, Morgan. Si je le fais, c'est que j'en ai envie, que j'en éprouve le désir et - ou - que j'y trouve du plaisir ... Je sentis mon visage se colorer légèrement mais poursuivis. Jamais je ne le fais par obligation. Jamais, surtout quand tu es concerné. Alors arrête de croire que "si" ou"ça" en ce qui "me" concerne car tu as encore tout faux".

J'avais pioché deux viennoiseries de l'intérieur du panier et lui en proposai une.

"Je te laisse nous servir le chocolat ?" lui proposai-je, avant de croquer dans le croissant encore tiède.

― Merci Morgan, fit Angel avec émotion dans sa voix. C'est juste... parfait.

Je souris, ravi qu'il ait autant apprécié ce moment que moi !

― Ça me fait plaisir, répondis-je.

Mais Angel ne sembla pas m'entendre : il paraissait désirer ajouter autre chose, réfléchir quant à la manière de la formuler...

― Je n'étais pas obligé de t'ouvrir ma porte tout à l'heure, finit-il par dire.

Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas où cette nouvelle tournure nous mènerait ― évidemment qu'il n'avait pas été obligé de m'ouvrir sa porte ! Essayait-il de me dire qu'il m'avait fait une faveur...?

― J'étais encore moins obligé d'accepter ta proposition à venir déjeuner ici avec toi, poursuivait-il dans le même sens...

...apparemment, ce n'en était pas rien qu'une seule...

― ...tout comme je n'étais absolument pas obligé de te tenir la main.

Okay, j'avais compris ― ma notion de "moment parfait" prenait un coup ― Angel avait le don de se montrer adorable avant de l'être beaucoup moins ; comme dans le jardin intérieur, lorsqu'il m'avait enjambé, ou dans ma propre chambre, lorsqu'il m'avait fait la leçon. Une vraie douche écossaise...

― Je ne me suis jamais senti obligé de quoi que se soit en ce qui te concerne, Morgan.

...ou pas ― j'attendis le reste, curieux :

― Si je le fais, c'est que j'en ai envie, que j'en éprouve le désir et - ou - que j'y trouve du plaisir...

L'oiseau dans ma poitrine se gonfla d'orgueil et plus encore lorsque je le vis légèrement ― mais si délicieusement ― rougir ! Savoir que j'avais cet effet sur lui était hautement flatteur !

― Jamais je ne le fais par obligation. Jamais, surtout quand tu es concerné. Alors arrête de croire que "ci" ou"ça" en ce qui "me" concerne car tu as encore tout faux".

Avant même que je n'ais le temps de répondre, le jeune homme me proposa une viennoiserie ― à croire qu'il avait presque honte de ses révélations et préférait détourner mon attention avec un croissant à présent qu'il avait dit ce qu'il avait à dire.

― Je te laisse nous servir le chocolat ? demanda-t-il avant de croquer dans le petit pain.

Je hochai la tête, lèvres encore fleuries d'un sourire, et lui tendis un thermos chaud.

― Le chocolat, aussi, je l'ai fait moi-même, dis-je en même temps qu'il s'en emparait.

J'avais désiré personnalisé ce petit déjeuner autant que possible : une marque d'affection et de respect pour Angel, preuve que je tenais fortement au jeune homme : autrement, pourquoi prendre la peine de tout préparer moi-même lorsque d'autres pouvaient m'économiser l'effort et le temps ?

J'observai l'objet de mon affection, caressant l'arrête de son nez de mes yeux, lesquels descendirent sur ses lèvres rosée, traçant la courbe anguleuse de sa mâchoire ― il était réellement beau, à me couper le souffle ! Dire que je l'avais pour moi seul en cet instant, à l'abris des regards indiscrets, voire emplis de convoitise, pour ce garçon que je ne désirais en aucun cas partager avec les autres !

Il y avait quelques jours encore, j'aurais parlé de chasse-gardée ; mais Angel était davantage qu'un trophée de chasse : c'était un jeune homme qui me plaisait ― réellement, énormément, autant par son physique d'éphèbe que son esprit acéré.

― Qu'ai-je eu de faux ? m'enquis-je tout à coup.

Il avait fait allusion à cela mais je ne voyais pas ce à quoi il faisait allusion ― et puis, je ne me trompais que rarement... même si je devais avouer qu'Angel n'avait pas été, pour une fois, une douche écossaise...

Tout ou presque. Tes certitudes. Tes accusations erronées. Tes hypothèses sur la raison de mes agissements. Tes doutes sur ma présence à tes cotés, pensai-je en gardant mes réflexions pour moi. Ces réponses ne satisferaient pas Morgan , je le savais d'avance.

J'allongeai mes jambes devant moi en me laissant glisser sur le banc jusqu'à en tomber. J’étais avachi, le regard vague, fixé loin devant, car je ne pouvais pas regarder Morgan dans les yeux et lui confier mes sentiments. Je n'avais pas son expérience, son bagout et, je pouvais me l'avouer, il m'intimidait plus qu'il n'en avait conscience. A tel point que j'ouvris plusieurs fois la bouche avant de la refermer. Je ne savais pas par quoi commencer. Je me traitai de lâche, me moquant de mon incompétence à m'ouvrir à celui que mon cœur avait choisi. Puis sans m'en rendre compte, les mots fusèrent, me soulageant à mesure que je les entendais, comme sortis d'un autre que moi :

― Si j'ai été amené ici, à Brocéliande, c'est pour être digne de diriger les affaires familiales. Obligation due à mon rang de fils premier-né. J'en ai toujours voulu à Olympia - au-delà de son caractère infernal - de ne pas être un garçon. Étant l'ainée de nous deux, elle aurait eu en charge l'héritage des Death .

Je bu une gorgée du chocolat pour me donner du courage. Délicieux breuvage qui réchauffait mon corps. Je sentais le regard de Morgan sur moi mais ne pouvais toujours pas l'affronter. Pas encore...

"Avant, ma vie je l'imaginais à la campagne, loin des affaires, du manoir et de ce monde dont je ne désirais pas la charge, à élever des poules et des lapins et à vivre des récoltes de notre exploitation ..."

Je fis une pause et souris tristement en songeant à Camélia que j'avais si subitement abandonnée.

"... Puis je suis venu ici et je t'ai rencontré. J'ai pensé un moment que nous pourrions être amis. De grands amis, je n'en ai jamais eu à vrai dire. Puis, tu m'as embrassé et ..."

Je senti le même rouge que ce soir là me monter au visage. J'étais d'autant plus reconnaissant envers Morgan qu'il ne cherche pas à m'interrompre. S'il le faisait, je n'oserais pas poursuivre:

"... Je ne me sers pas de toi comme expérience de vie, tu sais. Tu n'es pas non plus un passe-temps en attendant la fin de l'année scolaire. Il y a juste qu’avant toi, je n'avais connu qu'elle, une fille ... Toi, tu débarques et tu chamboules tous mes projets, mes convictions et mes certitudes. Je ne fais pas exprès d’être celui que je suis parfois. Je t'ai peut-être offensé par mes gestes, blessé par mes paroles et je m'en excuse, sincèrement".

Je me redressai enfin et repris une gorgée de chocolat, j'appréhendai sa réaction.

" Je voulais juste que tu saches que je ne joue ni avec toi, ni avec tes sentiments" terminai-je avant de me tourner vers lui. Je n'avais pas trouvé mieux comme explication pour lui faire comprendre combien il m'était précieux et combien grâce à lui, je n'étais plus "perdu".

Angel eu l'air soudain accablé, brisé, comme si les réponses qu'il avait à me faire étaient telles qu'il ne pouvait que fléchir devant elles. M'étais-je autant trompé...? Etait-ce possible ? Je m'efforçai de respirer lentement, posément, afin de ne pas trahir mes appréhensions ― rester calme, paraître calme ; ne porter que qu'un masque de flegme impassible : à défaut de l'être, en avoir l'apparence était essentielle.

― Si j'ai été amené ici, à Brocéliande, c'est pour être digne de diriger les affaires familiales, finit par dire Angel.

Un début qui me désarçonna : qu'avait-ce à voir avec mes erreurs...?

« Obligation due à mon rang de fils premier-né, » poursuivait-il doucement.

Je n'interrompis pas : le jeune homme semblait tenir un bout des fils emmêlés de ses pensées et le remonter précautionneusement afin d'en défaire les noeuds...

« J'en ai toujours voulu à Olympia ― au-delà de son caractère infernal ― de ne pas être un garçon. Étant l'aînée de nous deux, elle aurait eu en charge l'héritage des Death. »

Cela, il me l'avait déjà dit, le premier jour, alors que nous laissions derrière nous le jardin aux nains ; des paroles qui m'avaient surpris et que je peinais encore à comprendre : reprendre les affaires de son père, n'était-ce pas là désir de tout fils ?

Mais Angel me parla d'existence simple et champêtre, de poules et de lapins, de récoltes et d'activités agricoles :

« Avant, ma vie je l'imaginais à la campagne, loin des affaires, du manoir et de ce monde dont je ne désirais pas la charge, disait-il. A élever des poules et des lapins et à vivre des récoltes de notre exploitation... Puis je suis venu ici et je t'ai rencontré. »

Gazouillis sur la branche alors que mes lèvres fleurissaient d'un sourire.

« J'ai pensé un moment que nous pourrions être amis... »

Etrangement, cette pensée ne m'avait jamais effleuré ― j'avais approché Angel comme j'approchais toute autre personne : parce qu'elle m'apporterait quelque chose, même si ce n'était que me distraire. Mes prunelles se posèrent au sol, sur l'herbe fraîche et verte ― Angel n'était pas 'toute autre personne' : c'était le garçon qui faisait siffler l'oiseau dans mon coeur ; un garçon avec qui je désirais être. Un garçon auquel je m'étais attaché et qui ― je devais me l'avouer ― comptait. Enormément.

« De grands amis, je n'en ai jamais eu à vrai dire. »

Avais-je eu, de mon côté, même un seul ami...? Peter, Colby, Ash... j'avais traîné avec eux mais jamais ne m'étais-je réellement rapproché ; jamais ne m'étais-je confier ni n'avais-je abordé quelque problème ― qu'étaient-ils si ce n'étaient des garçons qui me distrayaient entre les cours...?

« Puis, tu m'as embrassé et... »

Angel rougit ― apparemment le baiser avait laissé ses traces... agréables, si je pouvais m'avancer d'après le colori de ses joues rosées ! Je me remplis d'orgueil devant ce constat... une réaction d’ego mâle.

« Je ne me sers pas de toi comme expérience de vie, poursuivit Angel. Tu n'es pas non plus un passe-temps en attendant la fin de l'année scolaire. Il y a juste qu’avant toi, je n'avais connu qu'elle, une fille... »

L'orgueil fut tout à coup remplacé par une jalousie féroce : l'idée qu'Angel eut été avec d'autres ne me plaisait pas ― c'était mon Angel et le partager m'agacait ― jamais je n'avais eu à partager quoi que ce soit ― quoi que ce soit que je voyais comme mien ― et Angel... Angel était à moi. Objet ou pas, il était à moi.

« Toi, tu débarques et tu chamboules tous mes projets, mes convictions et mes certitudes. »

Etait-ce un reproche...? Transparaissait dans sa voix une étrange douceur... Angel, je réalisais, ne m'était pas toujours aisé à comprendre, particulièrement en cet instant : son monologue était trop décousu...

« Je ne fais pas exprès d’être celui que je suis parfois. Je t'ai peut-être offensé par mes gestes, blessé par mes paroles et je m'en excuse, sincèrement. »

Il se redressa enfin, marquant la fin de ce qu'il avait à dire :

« Je voulais juste que tu saches que je ne joue ni avec toi, ni avec tes sentiments. »

Touché, je ne répondis pas de suite ― j'avais précisément craint cela, un moment ― qu'il ne joue avec moi ― et même si l'épisode dans le foyer avaient calmé mes peurs, l'entendre prononcer ces mots, toutefois, me réconfortait : exit le joueur de poker, enter le garçon fragile dont je ne pouvais douter :

― Merci, Angel. Pour cela et pour le reste.

Pour avoir partager toutes ces choses personnelles avec moi.

Je tendis la main pour me saisir d'une mèche pâle et me mis à jouer avec ; Angel avait les cheveux aussi soyeux que le satin, leurs reflets irisés chatoyant avec la lumière... Tout chez Angel était beau ; j'avais beaucoup de mal à garder mes mains pour moi...!

« Tu m'as demandé, le premier jour, si j'avais des frères ou des soeurs..., fis-je doucement, hypnotisé par la mèche de sable clair avec laquelle je jouais. Je t'avais fait une réponse étrange, déclarant que j'avais été élevé en fils unique... »

Preuve que, déjà, j'étais sous son charme irrépressible : alors qu'un "non" aurait fait l'affaire, j'avais commencé à en révéler davantage que nécessaire...

« Je ne dis jamais cela ― à personne : trop personnel. Au mieux, je dis que je vis avec mon gardien, Lord Witherby. Ce qui est a vérité, d'ailleurs... »

...mais pas toute la vérité.

« Je parle plus rarement de ma mère, même s'il m'arrive de mentionner une Lady Le Fay dans le comté d'Eastborough, lorsque nécessaire... C'est la version officielle : enchanté, Morgan Le Fay, fils de Lady Le Fay, sous la garde de Lord Witherby. Une Lady Le Fay si occupée que jamais elle n'a daigné nous honorer de sa présence... »

Il y avait davantage d'amertume dans ma voix que je ne l'avais escompté, aussi observai-je une légère pause pour reprendre plus posément :

« La vérité est qu'il n'existe aucune femme de ce nom dans le comté d'Eastborough ― ou ailleurs : c'est un mensonge. Un mensonge comme le sont ceux de ce père et ce frère décédés avant ma naissance. Un mensonge hautement plus remarquable que le récit d'une banale adoption ; un mensonge ayant permis au notaire de me donner un nom qui marque les esprits ― c'est un homme qui aime se démarquer des autres, aussi lui fallait-il un fils... démarquable. Un fils qui serait le reflet de tout ce qu'il était, à commencer par la provocation ― je ne porte pas un nom quelconque et tout aussi féminin qu'il soit, je le porte avec fierté ! »

D'ailleurs, personne n'avait jamais osé se moquer ― le ton que j'employais pour le révéler lorsque demandé ne le permettait pas : j'y mettais bien trop de défi !

« Il y a évidemment un prix à payer pour se démarquage : jamais je ne pourrais dire être son fils et lui mon père ; nous ne sommes qu'un gardien et l'enfant qu'il garde sous sa tutelle ― nos relations sont telles et nous nous y conformons. »

Mais je ne me plaignais pas : Lord Witherby m'avait choisi, moi ― et même s'il n'exprimait d'affections particulières, elles étaient réelles : pourquoi faire de moi, autrement, un héritier à tout ce qu'il possédait ?

« Comme je te l'ai déjà dit, ce n'est pas quelque chose que j'ébruite: au delà du côté personnel de cette histoire, personne ne comprendrait ma relation avec Witherby ; beaucoup la trouve déjà si étrange... »

Lui aussi, très certainement. Je levai un rapide regard vers le jeune homme pour tenter de jauger ce qu'il en pensait...

« Je tenais, toutefois, à t'en faire part. Parce que tu es la seule personne avec qui j'éprouve le besoin de me confier et que cela explique sans doute nombre de choses que je suis aujourd'hui... »

― Merci, Angel. Pour cela et pour le reste, me dit Morgan après un temps qui me sembla une éternité.

Je n'avais pas réellement répondu à sa question mais je pensais lui en avoir plus dévoilé grâce à cette confession. Sans que je ne m'y attende, Morgan approcha sa main de mon visage et mon pouls accéléra. Il ne fit qu'attraper une mèche rebelle qu'il entortilla autour de son doigt. Je le laissai faire même si à la base, je n'étais pas une personne très tactile. Pour le peu où nous avions été réunis et les souvenirs que j'en avais, j'en déduisis que lui devait l’être. A part le baiser que je lui avait donné dans sa chambre, il avait toujours été à l'origine de nos contacts. Contacts que je ne repoussais pas, que j'apprenais à apprécier, à espérer. Le jeune homme avait vraiment la faculté de me faire être autre en sa présence.

Était-ce les effets de l'amour ? Le vrai ? Je ne m’interrogeais pas plus longtemps, buvant les mots que Morgan me livrait à son tour. Je l'écoutai, curieux d'en savoir un peu plus sur lui. A part sa passion pour le dessin et la photographie, je ne savais rien de lui ! J'écoutai alors chaque mot et m'offusquai ou m'attristai à mesure des secrets dévoilés.

« Je tenais, toutefois, à t'en faire part. Parce que tu es la seule personne avec qui j'éprouve le besoin de me confier et que cela explique sans doute nombre de choses que je suis aujourd'hui... »

Quand je compris que Morgan en avait terminé, je tournai la tête vers lui et lui attrapai la main. Celle qui n'avait pas cessé de jouer avec ma mèche. Je cherchai ses prunelles bleues si électriques et me perdit dans l'intensité de son regard. J'étais hypnotisé tel Ève avant moi dans le fabuleux jardin d’Éden, aux prises avec le serpent. Morgan m'avait tenté par son charisme, ses provocations, ses paroles, ses actes, ses baisers et moi je m'étais laissé charmer, incapable de me détourner de lui. Je revins à moi quand je me rendis compte que je le dévorais des yeux, comme lui l'avait si souvent fait avec moi. Je me forçai à reprendre mes esprits. Il ne me fallait pas perdre la tête. Je souris en songeant à l'air frais qui n'avait pas réussi à tenir les promesses que je lui avais présagé.

Morgan avait revêtu un masque, mélange de gravité et d'autre chose que je n'arrivais pas à déceler. Je me doutais que cela n'avait pas du être facile pour lui de se livrer aussi intimement alors que nous ne nous connaissions que depuis si peu. Cette marque de respect me gonfla d'orgueil. Je ne m'en sentais que plus fier. Qu'il m'ait choisi moi et pas un ou une autre ! Il y avait un lien très fort qui nous unissait lui et moi. Je le ressentais au plus profond de mon être. Ce n'était pas qu'une attirance physique ... Cela allait au-delà ... Morgan dégageait une aura de mystère et de magnétisme qui chamboulait toutes les cellules de mon corps quand nous étions réunis et d'autant plus lorsque nous nous touchions, comme maintenant. Je dus me ressaisir à nouveau pour ne pas laisser échapper le trouble que ses mots avaient laissés en moi.

― Tu m'honores en faisant de moi ton unique confident. Merci Morgan, déclarai-je enfin en portant nos mains jointes sur ma poitrine, là où mon cœur battait si fort.

Je n’empêchai pas la rougeur de mes joues de prouver mon émotion et tentai de plaisanter pour alléger l'atmosphère :

" Je ne le trouve absolument pas féminin ton nom. Il te va très bien même. Mystérieux, élégant, fantasque et ... unique. Tout à ton image ! Je pense qu'il est aussi responsable de celui que tu es devenu aujourd'hui que ton adoption, ton Lord Witherby ou les différentes expériences que tu auras subi dans ta vie".

Le jeune homme détacha ma main de sa mèche blonde, entrelaçant nos doigts dans une nouvelle étreinte ; ses prunelles caramel me sondèrent, brûlant d'un désir que je ne lui connaissais pas pour moi ― un désir hautement flatteur qui me faisait plaisir à voir : Angel ne me semblait pas le genre de garçon à laisser parler ses émotions, alors qu'il affichât pareille ardeur, aussi flagrante, remplissait à nouveau mon coeur d'orgueil !

Il finit toutefois par réaliser avec quelle flamme il m'observait, et ses joues reprirent une couleur rosée ; mais il n'essaya pas de se cacher : au lieu de cela, il posa nos mains liées sur son coeur ― un coeur qui battait fort : je le sentais au travers de son sweat... sweat qu'il avait enfilé sans rien en dessous, comme une exquise invitation pour mains baladeuses.

― Tu m'honores en faisant de moi ton unique confident, déclara-t-il gravement. Merci Morgan.

Mettant de côté les pensées peu chastes qui dansaient dans ma tête, je lui offris un sourire : Angel était spécial.

« Je ne le trouve absolument pas féminin ton nom, ajouta-t-il, essayant d'égayer l'ambiance. Il te va très bien même. Mystérieux, élégant, fantasque et ... unique. Tout à ton image ! Je pense qu'il est aussi responsable de celui que tu es devenu aujourd'hui que ton adoption, ton Lord Witherby ou les différentes expériences que tu auras subi dans ta vie. »

Ce n'était pas mon Lord Witherby ― pas comme Angel était mon Angel ― mais je laissai passer, préférant me concentrer sur ses remarques concernant mon nom :

― Il y a mieux que "La Fée Morgane" comme nom masculin, non ― car c'est ce que 'Morgan Le Fay' est en français ! Le trouves-tu toujours aussi mystérieux, élégant, fantasque et unique...?

Question rhétorique ― il l'était, parce que je le portais ainsi ; mais il restait un nom féminin, et peut-être davantage en français car l'Enchanteresse Morgane se transformait en fée...

J'arrachai à regret nos mains contre son coeur, les apportai à mes lèvres pour les embrasser avant de me retourner, m'allonger et poser ma tête sur ses genoux ; nos mains entrelacées se placèrent sur mon ventre.

Killian, le garçon avec qui j'étais sorti, s'était couché ainsi sur moi à quatre reprises ― je les avais comptées car ce geste m'avait surpris : c'était se mettre en position de faiblesse. Avec Angel... avec Angel, c'était physique : il me fallait être près de lui, avec lui. Ainsi couché, son parfum d'herbes fraîches et de fleurs emplissait mes poumons ; mais, contrairement à l'épisode du foyer, au lieu de griser mes sens, la fragrance les apaisaient : comme si j'avais trouvé une paix intérieure avec le jeune homme.

« Je n'ai pas envie d'aller en cours, » dis-je.

Une première. Lord Witherby serait choqué ― je l'écartai de mes pensées.

« Je veux passer la matinée avec toi, poursuivis-je. A parler de nous. De toi. Et peut-être de ce que tu veux pour nous... »

...tant il paraissait avoir peur de cette relation. Ou avait paru.

― Je n'ai pas envie d'aller en cours, déclara subitement Morgan après qu'il se soit allongé, sa tête reposant sur mes cuisses, nos mains toujours liées sur son ventre.

Moi non plus à vrai dire , pensai-je avec un sourire. Je n'avais jamais été un élève très porté sur les études donc y échapper quelques heures m'allait très bien.

"Je veux passer la matinée avec toi. A parler de nous. De toi. Et peut-être de ce que tu veux pour nous...", poursuivit-il.

Autant le fait qu'il s'allonge sur moi me surpris, surtout après l'épisode du jardin intérieur, autant je ne le lui montrais pas. Par contre, la suite de ses paroles n'eurent pas le même effet sur mon indifférence, même feinte. Je sentis, malgré moi, ma main se crisper autour de la sienne. Je baissai les yeux vers Morgan et sorti la première chose qui me sembla logique :

― Et si l'homme à tout faire ou encore le professeur Jonsi ou je ne sais qui d'autre nous attrape à faire l'école buissonnière, que risque-t-on ?

... ou lâche. Je préférai détourner son attention de ses préoccupations car même moi, je n'avais pas les réponses à sa question.

La main d'Angel se crispa autour de la mienne, emprisonnant mes doigts dans une cage de fer :

― Et si l'homme à tout faire ou encore le professeur Jonsi ou je ne sais qui d'autre nous attrape à faire l'école buissonnière, que risque-t-on ?

Un sourire amer fleurit mes lèvres en même temps que l'oiseau cessa de gazouiller. J'extirpai mes doigts de son étreinte rigide et me redressai doucement.

― Une colle, peut-être, répondis-je mollement, haussant les épaules. Pourquoi m'as-tu enjambé, dans le jardin intérieur ?

Je n'avais pas compté posé la question ― pas avant cet instant : Angel s'était excusé et j'avais pensé laissé cela de côté ; à présent, elle me servait de transition pour une autre question :

Pourquoi, à chaque fois que je baisse la garde, trouves-tu le moyen de me blesser...

Je perçu le changement d'humeur de Morgan dès que je vis son "sourire" apparaître sur ses lèvres. Coup au coeur. Je l'avais à nouveau blessé alors que je venais tout juste de m'excuser de l'avoir déjà fait par le passé. Qu'il repousse ma main et qu'il se redresse ne furent que des preuves supplémentaires de sa peine. Je fermai les yeux, géné de m'etre défilé devant les réponses qu'il attendait de moi. Pourquoi réagissais-je aussi stupidement avec lui. Je m'en voulais de perdre mes mots, mon assurance et ce qui faisait de moi celui que les autres n’approchaient pas. Pourquoi avec lui devenais-je aussi timide, inapte à m'exprimer ?

― Une colle, peut-être, répondit Morgan avant de me poser une autre question, laquelle augmenta davantage mon malaise. Pourquoi m'as-tu enjambé, dans le jardin intérieur ?

Je rouvris instantanément les yeux et le fixai sans détourner mon regard. Nulle trace de timidité ou de désir n'habitait plus mes prunelles. Juste de la surprise quant à la question. Ce n'est pas à cela que je m'étais attendu de sa part mais il est vrai que Morgan ne réagissait pas toujours comme je m'y attendais.

― Je croyais le sujet clos après les excuses que je t'avais adressé et par deux fois déjà. Si je l'ai fais c'est parce que je t'en voulais de m'avoir embrassé et d’être parti sans plus d'explications. Et aussi parce que tu n'es cessé de m'éviter pendant les quatre jours qui ont suivi et aussi parce que je ne pensais pas que tu m'en voudrais à ce point de l'avoir fait. Et comme on en est aux questions qui fâchent. Pourquoi m'as-tu embrassé alors que tu savais que j'avais déjà quelqu'un dans ma vie ? m'emportai-je en serrant mes poings.

Douche écossaise ― en une fraction de seconde, Angel était passé d'un garçon sensible et mal à l'aise à un jeune homme froid dont le regard noir me fit instinctivement mettre davantage de distance entre nous.

― Je croyais le sujet clos après les excuses que je t'avais adressées, et par deux fois déjà, fit-il, glacial, son ton ressemblant à au ton qu'usait Lord Witherby lorsque je le décevais. Si je l'ai fait, c'est parce que je t'en voulais de m'avoir embrassé et d’être parti sans plus d'explications. Et aussi parce que tu n'es cessé de m'éviter pendant les quatre jours qui ont suivi, et aussi parce que je ne pensais pas que tu m'en voudrais à ce point de l'avoir fait.

Même colère retenue, même fraîcheur péremptoire, preuve de l'extrême contrariété que j'avais causé ; même façon incisive de me présenter leurs reproches irréfragables ―

« Et comme on en est aux questions qui fâchent, pourquoi m'as-tu embrassé alors que tu savais que j'avais déjà quelqu'un dans ma vie ? »

― même manière de conclure, via une question qui n'appelait en vérité aucune réponse ―

Alors je réagis comme je l'avais toujours fait lorsque Witherby s'énervait contre moi ― je m'excusais :

― Je suis désolé de t'avoir causé une telle contrariété de part mes questions, commençai-je, ma voix dépassant à peine le seuil d'entendement. Je n'ai pas cherché à te mettre dans cet état, j'ai agi sans réfléchir... Mais cela n'arrivera plus.

Je me levai alors et demandai une dernière permission :

« Si tu me permets de prendre congé, le temps de faire passer ce déplaisir... »

...en espérant qu'Angel ne prolongeât pas ce temps en quatre longs jours ― les derniers avaient été encore plus difficiles à supporter...

― Je suis désolé de t'avoir causé une telle contrariété de part mes questions. Je n'ai pas cherché à te mettre dans cet état, j'ai agi sans réfléchir... Mais cela n'arrivera plus, s'excusa Morgan d'une voix à peine audible, avant de se lever et de poursuivre :

« Si tu me permets de prendre congé, le temps de faire passer ce déplaisir... »

Je restai sous le choc de ses excuses et de sa demande. A qui croyait-il s'adresser ? A son maître ? Quand je compris qu'il attendait sérieusement ma réponse pour s'éloigner, je ne me sentis que plus coupable du retournement de situation. D'une scène paradisiaque avec Morgan, chocolat chaud et petits pains, j'avais réussi à la détourner en une tragédie digne des plus grands orateurs grecs. Tout cela parce que je n'avais pas osé répondre à ses interrogations.

Je me levai pour lui faire face et m'approchai suffisamment pour entendre résonner les battements de son coeur. J'entourai son visage de mes mains, comme je l'avais déjà fait une fois, et m'adressai à Morgan, la voix vibrante d'émotion.

― Je ne sais pas ce que je vois pour nous ni comment je vais réagir une fois que nous aurons regagné le château. Je ne sais pas si je suis aussi important à tes yeux que tu l'es pour moi. Je ne sais pas plein de choses en fait sur toi, moi, nous ... Par contre ce que je sais c'est que je ne suis pas ton maître. Tu n'es ni mon esclave, ni mon domestique et encore moins mon chien. Alors je ne te rabaisserai pas en répondant à ta requête que je trouve insultante - à la fois pour moi mais surtout pour toi. Si tu veux partir, fais-le mais n'attends pas de moi que je t'en donne l'autorisation, conclus-je ému avant de le relâcher et de me rasseoir sur le banc.

Angel ne répondit pas ― en même temps, à ce stade, Lord Witherby me renvoyait d'un revers de la main, et je m'attendis à que le jeune homme, exaspéré, en fît de même ― mais il se leva et s'approcha...

...pour entourer tendrement mon visage de ses mains.

― Je ne sais pas ce que je vois pour nous ni comment je vais réagir une fois que nous aurons regagné le château, fit-il d'une voix étrangement tremblante. Je ne sais pas si je suis aussi important à tes yeux que tu l'es pour moi. Je ne sais pas plein de choses en fait sur toi, moi, nous...

Pouvais-je avoir réponse plus alambiquée que celle-ci ? Angel déclarait au même moment m'aimer énormément et ne savoir que faire d'une relation entre nous... Mal : je baissai les yeux, aussi triste que le colibri privé de fleur dans mon coeur.

« Par contre ce que je sais c'est que je ne suis pas ton maître, poursuivait-il. Tu n'es ni mon esclave, ni mon domestique et encore moins mon chien. Alors je ne te rabaisserai pas en répondant à ta requête que je trouve insultante ― à la fois pour moi mais surtout pour toi. »

Je fronçai les sourcils, perdu ― de quoi Angel parlait-il ? Maître, esclave, domestique... comme si nous étions à l'époque de la Grèce Antique ! Comment ma requête de congé pouvait-elle être rabaissante ? C'était celle que j'avais toujours utilisée avec Lord Witherby !

« Si tu veux partir, fais-le, fit-il, mais n'attends pas de moi que je t'en donne l'autorisation. »

Puis il se rassit sur le banc... comme s'il m'invitait à en faire de même... tout en ne m'accordant pas même un regard, à la manière de Lord Witherby lorsqu'il était fâché.

J'hésitais longuement : cette douche écossaise me déstabilisait et je ne savais jamais qu'attendre d'Angel...

...mais je finis par me rasseoir sur le banc, laissant au jeune homme son espace personnel. Il ne me regardait toujours pas ― avais-je pris la bonne décision ? Ce n'était pas aussi compliqué avec le notaire...!

― Tu lui ressembles, finis-je par dire. A Lord Witherby, lorsque tu te mets en colère.

Il n'y avait que leurs attentes qui paraissaient différer... et celles d'Angel étaient un vrai mystère.

Je ne sais pas à quoi je m'attendais de la part de Morgan. Qu'il parte ou qu'il se rassoie à mes cotés. Je ne savais pas comment moi j'aurais réagi à sa place. Je baissai intentionnellement les yeux vers mes boots. Je ne voulais pas que mon regard me trahisse et qu'il influence sa décision. Après ce qui me sembla une éternité - décidément que le temps pouvait paraître très long parfois ... - il opta pour rester et se rassit sur le banc, aussi loin que possible de moi. Envolée l'intimité des dernières minutes.

― Tu lui ressembles. A Lord Witherby, lorsque tu te mets en colère.

Autant j'avais été choqué par sa demande de quitter les lieux, autant là je venais de recevoir un coup de massue. Sous la surprise, je me retournai vers lui.

― Je n'étais pas en colère. J'étais surpris. Troublé surement. Malheureux aussi de te blesser encore une fois mais certainement pas en colère. Je ne connais pas ton Lord Witherby mais je doute de lui ressembler. Est-ce ainsi que tu réagis face à "ses colères" ? Tu courbes l'échine et tu t'excuses avant de demander l'autorisation de quitter les lieux ?

La réaction du jeune homme, pour une fois, s'avéra immédiate :

― Je n'étais pas en colère, protesta-t-il. J'étais surpris. Troublé, sûrement. Malheureux aussi de te blesser encore une fois mais certainement pas en colère.

Surprise ― Angel avait-il conscience de me blesser et en éprouvait-il réellement de la tristesse ? L'oiseau sur la branche releva la tête...

« Je ne connais pas ton Lord Witherby, poursuivit-il, mais je doute de lui ressembler. Est-ce ainsi que tu réagis face à "ses colères" ? Tu courbes l'échine et tu t'excuses avant de demander l'autorisation de quitter les lieux ? »

Je serrai aussitôt la mâchoire :

― Je ne courbe pas l'échine, répliquai-je aussi posément que possible. Je fais montre de respect envers une personne que j'aime et que j'ai offensée. Et tu étais bel et bien en colère, Angel... tu t'es emporté, poings serrés tellement tu trouvais ma question déplacée ― tu n'as laissé aucune place au dialogue concernant un sujet que tu considérais irrévocablement clos et, même si tu as consenti à revenir dessus, tu m'as bien fait comprendre que j'étais la seule personne à blâmer de cet enjambement ; et, pour finir, tu as terminé sur un reproche quant à ce baiser encore plus mal placé que ma question ― alors, oui, je m'excuse de l'énorme contrariété que je t'ai causée bien malgré moi ; et, oui, je t'ai demandé de prendre congé, comme la bienséance le veux ― parce que je tiens assez à toi pour vouloir l'observer ! Mais même cela, tu me le reproches ― à se demander pourquoi tu as accepté ce petit déjeuner si tout ce que je fais t'énerve, de mes baisers à mes demandes d'explications...

Je passai une main nerveuse dans mes cheveux.

« Je m'excuse de t'avoir embrassé, repris-je d'une voix brisée ― je perdais le contrôle. Je m'excuse d'avoir chamboulé ta vie avec ce baiser ― baiser auquel tu n'aurais pas même songé si tu étais réellement heureux avec cette autre personne dans ta vie... »

...petite pique...

« ...une personne avec qui tu devrais manifestement être puisque tu t'imagines déjà avec elle, alors que 'nous' te semble un concept tellement plus flou et imprécis ― »

Je fermai les yeux, ne pouvant ajouter un seul mot ― cette fois, c'était moi qui était gagné par la colère.

« I am an idiot, » fis-je dans un souffle frémissant.

Un idiot pour croire que l'affection qu'Angel me portait, aussi sincère qu'il le prétendait, pourrait avoir quelque profondeur, lui qui avait clamé haut et fort son amour pour Camélia et qui changeait de sujet à la simple évocation de notre relation !

J'en étais tellement malade que j'en tremblais malgré moi.

« I am a fool and an idiot. »

A fool, an idiot, utterly and irrepressibly addicted to him.

Bravo Angel ! me morigénai-je à nouveau en voyant Morgan accuser le coup de mes paroles. Avant que je n'ai le temps de m'excuser, il prit la parole d'une voix si calme que les mots eurent plus d'impact que s'il les avait hurler :

― Je ne courbe pas l'échine ...

A peine !

"... Je fais preuve de respect envers une personne que j'aime et que j'ai offensée. Et tu étais bel et bien en colère, Angel ..."

Non !

'... tu t'es emporté, poings serrés tellement tu trouvais ma question déplacée"

Un peu, j'avoue ... d'accord pour la colère mais pas pour la question ...

" ... tu n'as laissé aucune place au dialogue concernant un sujet que tu considérais irrévocablement clos et, même si tu as consenti à revenir dessus, tu m'as bien fait comprendre que j'étais la seule personne à blâmer de cet enjambement ..."

Non ! Je suis le seul responsable. C'était puéril et stupide comme geste ... et je m'en suis excusé !

" ... et, pour finir, tu as terminé sur un reproche quant à ce baiser encore plus mal placé que ma question ..."

Je fixai mes pieds, incapable de faire autre chose que de l’écouter. J'attendais juste qu'il finisse pour pouvoir riposter à ses accusations aussi fausses qu'injustifiées - ou presque. Décidément, la communication n'était pas notre point fort ...

" ... alors, oui, je m'excuse de l'énorme contrariété que je t'ai causée bien malgré moi..."

Morgan ... Je fermai les yeux, dépité de l'entendre parler ainsi. J'avais mon cœur qui se serrait à mesure des mots qu'il me jetait sans avoir conscience du mal qu'ils me procuraient.

"... et, oui, je t'ai demandé de prendre congé, comme la bienséance le veux ― parce que je tiens assez à toi pour vouloir l'observer !"

Depuis quand tu demandes l'autorisation avant de me quitter ? Je reposai mes coudes sur mes cuisses, la tête entre les mains, patientant ...

" ... Mais même cela, tu me le reproches ― à se demander pourquoi tu as accepté ce petit déjeuner si tout ce que je fais t'énerve, de mes baisers à mes demandes d'explications..."

... patientant qu'il finisse de démonter mon cœur ... Encore une fois tu n'as rien compris ! Je secouai la tête, peu surpris ...

« Je m'excuse de t'avoir embrassé .." continua Morgan d'une voix où transparaissait sa peine.

Tu t’excuses ? Comme dans "tu regrettes" ? Sous le choc, je reportai mon regard sur lui. Tu es sérieux ? criaient mes yeux.

" ... Je m'excuse d'avoir chamboulé ta vie avec ce baiser ― baiser auquel tu n'aurais pas même songé si tu étais réellement heureux avec cette autre personne dans ta vie... »

Merci de remuer le couteau ! en reportant mon regard vers l'herbe à mes pieds.

« ...une personne avec qui tu devrais manifestement être puisque tu t'imagines déjà avec elle ..."

Avant ! Avant toi ! Je serrai les poings de frustration, cette fois, patientant ...

" ... alors que 'nous' te semble un concept tellement plus flou et imprécis».

Je ne sais pas comment gérer ce "nous", ce n'est pas pareil !

« I am an idiot, »

Non l'idiot c'est moi, Morgan. Juste moi !

« I am a fool and an idiot. » répétât-il de sa voix si basse, presque inaudible mais qui n'avait pas moins d'impact.

Je n'étais pas - ou plus - en colère. J'étais déçu, blasé, dégouté qu'il pense cela de moi. Je l'observai à la dérobée, lui qui fermait les yeux, n'osant pas regarder vers moi. Était-ce ainsi que cela devait se terminer ? Fini avant d'avoir commencé ?

Hors de question !

Je n'allais pas le laisser me faire subir toutes ces émotions pour rien ! Je ne le laisserai pas croire que je m'étais joué de lui. Résolu à lui faire entendre raison, je me levai pour la deuxième fois du banc et vint m'accroupir devant lui. Je posai ma main sur son genou, ne sachant pas comment il réagirait si je lui prenais la sienne.

― Morgan ... commençai-je avant de bloquer. Je me traitai de triple idiot, sentant que si je n'arrivais pas à m'exprimer maintenant, je ne le pourrais jamais. Je pris une inspiration et me lançai, le regard fixé sur ma main posée sur son genou. Je ne savais pas qui de nous deux tremblait le plus ...

"Encore une fois tu n'as rien compris. Tu as tout faux ... ou presque. Ce que tu prends pour de la colère n'est en fait que de la peur. Ma peur. Ma peur de moi, de toi et de ce "nous" que tu penses que je rejette - chose absolument fausse, en passant. Tu confonds ma peur de l'inconnu avec des regrets ou je ne sais quoi. Pourquoi aurais-je rompu avec Camélia si ce n'était pour être avec toi ? Seulement toi ... Me crois-tu si insensible au point de me jouer de toi, de tes sentiments ?"

Je fis une pause avant de reprendre, je n'avais pas fini de lui dire ce que j'avais sur le cœur :

"Tu n'as pas à t'excuser de mes erreurs ou de mes peurs. C'est à moi de te présenter encore une fois mes excuses pour le mal que je te fais. Tu as raison, je n'assume pas notre relation. Non pas que j'en ai honte. Juste que je ne sais comment la vivre. Tout cela est nouveau pour moi et cela suffit à me faire agir comme un imbécile ..."

Je me redressai, n'ayant rien d'autre à ajouter pour plaider ma cause. Je fixai toujours son genou, là où ma main reposait encore il y a quelques instants.

"Je suis désolé que ce petit déjeuner ait tourné au drame, ce n'était pas mon intention, loin de là" précisai-je sans savoir pourquoi.

Douche écossaise : Angel avait délicatement posé sa main sur mon genou, m'apostrophant d'une voix douce, veloutée ―

― Morgan...

...prononcé comme un trésor.

J'ouvris les paupières et découvris le jeune homme au cheveux de sable agenouillé devant moi. Il sembla hésiter alors que je m'accrochai à ses lèvres, le colibri prêtant l'oreille, désirant ardemment entendre le reste...

...Angel finit par s'exprimer :

« Encore une fois tu n'as rien compris, commença-t-il, le regret perçant dans sa voix. Tu as tout faux ... ou presque. »

Ou presque... Qu'il m'explique, alors, car je doutais être si mauvais analyste...!

« Ce que tu prends pour de la colère n'est en fait que de la peur. Ma peur. Ma peur de moi, de toi et de ce "nous" que tu penses que je rejette ― chose absolument fausse, en passant. Tu confonds ma peur de l'inconnu avec des regrets ou je ne sais quoi. »

Peur... de 'moi', de 'toi', de 'nous'... mais de quoi ? Que les choses se passent mal ? Que je te brise le coeur ? Parce que c'est toi qui me le brise, là !

« Pourquoi aurais-je rompu avec Camélia si ce n'était pour être avec toi ? Seulement toi... »

Seulement moi...

L'oiseau se remit à chanter ― Tais-toi, colibri, et écoute avant de t'emballer !

« Me crois-tu si insensible au point de me jouer de toi, de tes sentiments ? »

Non, du tout... mais c'est ce que tu fais avec ces douches écossaises ― je suis perdu !

Angel observa une pause, comme pour me laisser assimiler tout ce qu'il avait dit. Je demeurai silencieux. Il reprit :

« Tu n'as pas à t'excuser de mes erreurs ou de mes peurs. »

Je ne m'excusais pas, je... je... Rahh, c'était si complexe !

« C'est à moi de te présenter encore une fois mes excuses pour le mal que je te fais. Tu as raison, je n'assume pas notre relation. Non pas que j'en ai honte. Juste que je ne sais comment la vivre. Tout cela est nouveau pour moi et cela suffit à me faire agir comme un imbécile... »

Mais pourquoi te paraît-elle si compliquée ? Parce que je suis un garçon...?

Angel se redressa, sa main délaissant mon genou, ne laissant qu'une empreinte fantôme de ce contact...

« Je suis désolé que ce petit déjeuner ait tourné au drame, ce n'était pas mon intention, loin de là, » finit-il gravement.

Je détachai mes yeux de mon genou, les levai vers Angel qui me dominait de toute sa taille. Position de faiblesse ― là, de suite, j'avais du mal ; ses mots avaient beau être empreints d'une certaine douceur, j'avais besoin d'être à la même hauteur :

― S'il te plaît, Angel, commençai-je dans un souffle, ma voix à peine audible. Pourrais-tu t’asseoir...?

Tout n'était peut-être pas fini tout compte fait ...

Je retins difficilement un soupir de soulagement. Rassuré, je repris place à ses cotés - ni trop près, ni trop loin - et fixai un point devant moi, patientant ...

Le jeune homme accéda à ma demande et se rassit à mes côtés, gardant ses prunelles sur l'épais rideau de feuilles vertes qui nous protégeait des regards... la peur que l'on nous surprît...?

Je levai lentement le bras et, d'une main légère délicatement posée sur sa joue, ramenai avec douceur sa tête vers moi. Ses prunelles caramel me regardèrent avec appréhension.

J'hésitai un instant avant de m'exprimer ― par où commencer ? Tout étais si confus !

Je relâchai sa joue et posai ma main sur la sienne, mes doigts cherchant à s'entrelacer aux siens...

― Tu n'es pas le seul à voir ta vie mise sens dessus dessous, commençai-je, ma voix toujours aussi basse. Mes projets, mes idées, mes...

...je passai ma langue sur mes lèvres, cherchant mes mots...

« ...mes... tout. »

J'observai à nouveau une pause : je me me dévoilais sans réfléchir devant Angel... une bêtise de plus ? J'étais si accro à lui que malgré le mal, la peine et la douleur, je n'arrivais pas à décrocher ! Rien que son contact provoquait en moi des étincelles, des émotions ravageuses qui me dévoraient de l'intérieur !

« Hier, repris-je plus doucement encore, les yeux rivés sur nos doigts entrelacés, hier, je t'aurais dit que je t'avais embrassé par jeu, par provocation, par amitié ; mais la vérité est tout autre : la vérité est que tu m'as charmé dès les premiers instants ― et que sous ton charme, je n'ai pas résisté... je ne résiste pas... tu me fais perdre la tête ! »

Complètement, irrémissiblement !

Je relevai les yeux vers Angel.

« Je m'excuse de t'avoir évité les premiers jours... j'avais si peur d'être rejeté que je préférais prendre les devants... tu avais l'air si... si... en colère... si froid... »

...alors que je savais qu'il avait apprécié ce baiser, ses lèvres s'écartant légèrement pour laisser ma langue glisser dans sa bouche et caresser sa propre langue... un baiser doux et tendre, un baiser...

...mais je chassai ces pensées de ma tête avant qu'elles ne m'embrument l'esprit.

« Tu as raison de dire que tu ne ressembles pas à Lord Witherby ― c'est un homme qui ne craint rien, qui rarement hésite, qui ne tergiverse pas ni tolère aucune fantaisie d'esprit ; il est... »

...un gardien, à défaut d'être un père...

« ...la seule personne qui ait jamais compté avant toi. Toi... toi, tu es... »

...le garçon qui me fait perdre la tête, dans tous les sens du terme...

« ...la raison qui fait gazouiller l'oiseau posé sur la branche de mon coeur. »

Je baissai les yeux pour éviter de rougir.

« J'aimerais seulement être avec toi sans craindre que tu ne détales parce que j'aurais essayé de t'embrasser ou fait une chose similaire te déplaisant énormément... »

Morgan m’incita à tourner la tête vers lui d'une main qui ne tremblait plus. Je me laissai faire, appréhendant quelque peu la suite. Les battements de mon cœur accélérèrent mais il semblait avoir d'autres priorités que celle de m'embrasser. Il retira sa main de mon visage et accrocha ses doigts aux miens.

Soulagement ou déception ? Désirant une chose et incapable de faire le premier pas .... Tout bonnement pathétique.

― Tu n'es pas le seul à voir ta vie mise sens dessus dessous, murmura-t- il soudain. Mes projets, mes idées, mes...

Bienvenu au club ! pensai-je avant de perdre le fil. Voulait-il se venger de moi à jouer ainsi avec sa langue ?

« ...mes... tout. »

Je n'imprimai qu'en surface ce qu'il venait de m'avouer. J'avais subitement du mal à me concentrer sur la conversation.

« Hier, reprit-il comme dans un souffle, m'obligeant à écouter et non à fantasmer, hier, je t'aurais dit que je t'avais embrassé par jeu, par provocation, par amitié ; mais la vérité est tout autre : la vérité est que tu m'as charmé dès les premiers instants ― et que sous ton charme, je n'ai pas résisté... je ne résiste pas... tu me fais perdre la tête ! »

Bienvenu au club ... répétai-je encore avant de détourner, difficilement, les yeux de ses lèvres.

« Je m'excuse de t'avoir évité les premiers jours... j'avais si peur d'être rejeté que je préférais prendre les devants... tu avais l'air si... si... en colère... si froid... »

Au moins ne s'excuse-t-il plus de m'avoir embrassé. Je n'étais pas en colère contre toi Morgan. J'étais ... troublé.

« Tu as raison de dire que tu ne ressembles pas à Lord Witherby ― c'est un homme qui ne craint rien, qui rarement hésite, qui ne tergiverse pas ni tolère aucune fantaisie d'esprit ; il est... »

Aussi froid qu'une porte ?

« ...la seule personne qui ait jamais compté avant toi. Toi... toi, tu es... »

Aussi froid qu'une porte ... Nous étions peut-être un peu pareils tout compte fait !

« ...la raison qui fait gazouiller l'oiseau posé sur la branche de mon cœur. »

J'en perdis mon souffle avant que mon cœur ne s'emballe encore plus fort dans ma poitrine. Je souris, flatté, fier, soulagé et heureux de savoir que j'avais le même effet sur Morgan que lui sur moi.

« J'aimerais seulement être avec toi sans craindre que tu ne détales parce que j'aurais essayé de t'embrasser ou fait une chose similaire te déplaisant énormément... »

Sourire qui se fana aussi vite qu'il était apparu, remplacé par un sentiment de gène. Moi aussi je voulais profiter de sa présence, mais pas aux yeux des autres. Pas encore. Égoïstement ou lâchement, je désirais nous préserver - me préserver. La vision d'Olympia nous prenant sur le fait à nous tenir la main ou pire à nous embrasser au détour d'un couloir me donna des frissons. C'était trop tôt ...

Lâche !

― Morgan ... entamai-je avant de m’arrêter. Je n'ai pas d'oiseau ou d'autre créature qui chante dans mon cœur. Mais quand je suis avec toi, comme maintenant, il s'emballe. Il chante, à sa manière. Quand tu n'es pas là, il attend impatiemment que tu apparaisses pour reprendre vie ...

Je me tus à nouveau et portai nos mains toujours réunies sous mon sweat. Je sentais ma poitrine sur le point d'exploser mais grisé par le contact de sa peau contre la mienne, je me forçai à poursuivre, la voix plus éraillée que je ne l'aurais souhaité. Je ne devais pas me détourner de mon objectif : lui prouver, à ma manière que moi aussi je tenais à ce "nous" qui me faisait si peur ...

"Morgan, repris-je, moi aussi j'aimerais seulement être avec toi. Je ne détalerais pas lorsque tu essayeras de m'embrasser - ce ne sera plus le cas, je te le promets" le rassurai-je en souriant malgré ma gène.

Je n'avais pas sa facilité à me livrer comme lui venait de le faire. Je repris mon souffle, le plus délicat restait à dire:

"Par contre, je ne peux pas te jurer que je serai capable de vivre notre histoire au grand jour. Pas avec Olympia sous le même toit que moi, que nous. Je ne sais pas quelle serait sa réaction et les conséquences qui en résulteraient si notre histoire arrivait aux oreilles de mon Père ..."

J'en frémis rien qu'à l'idée qu'il me chasse de cette école et m'expédie dans des contrées connues de lui seul. Loin d'ici, loin de celui qui faisait battre mon cœur si rapidement.

"Je suis désolé Morgan ..."

Dès que je parlais de l'embrasser, les traits d'Angel s'assombrirent tout à coup ― coup au coeur ! Il finirait par tué le colibri qui l'habitait à force de douches écossaises.

― Morgan..., fit-il de sa voix douce, observant un arrêt aussitôt mon prénom prononcé.

Pourquoi as-tu si peur de moi ? répondis-je intérieurement.

« Je n'ai pas d'oiseau ou d'autre créature qui chante dans mon cœur, poursuivait-il. Mais quand je suis avec toi, comme maintenant, il s'emballe. Il chante, à sa manière. Quand tu n'es pas là, il attend impatiemment que tu apparaisses pour reprendre vie... »

...et me fuir dès que je m'approche !

Mais Angel ne décampa pas : au lieu de cela, il glissa nos mains liées sous son sweat, à l'emplacement de son coeur ― boum boum, boum boum, boum boum ― ses battements trahissant ses émotions ; le colibri dans ma poitrine se mit à chanter en choeur.

« Morgan, reprit-il d'une voix quelque peu éraillée, moi aussi j'aimerais seulement être avec toi. Je ne détalerais pas lorsque tu essayeras de m'embrasser ― ce ne sera plus le cas, je te le promets. »

Mais il m'offrit un sourire teinté de gêne, tendant à prouver qu'il avait de la peine à accorder les désirs de son coeur et de sa raison...

Les paroles qui suivirent me le confirmèrent :

« Par contre, fit-il, je ne peux pas te jurer que je serai capable de vivre notre histoire au grand jour. Pas avec Olympia sous le même toit que moi, que nous. Je ne sais pas quelle serait sa réaction et les conséquences qui en résulteraient si notre histoire arrivait aux oreilles de mon Père... Je suis désolé, Morgan... »

Mon coeur se serra ― d'amour, de peine, de désir...

― Ce n'est pas grave, dis-je, m'efforçant de lui sourire. Ça me va...

Je l'aimais assez fort pour accepter cette promesse de baisers volés, à l'abri des regards indiscrets... à l'abri de sa soeur.

― Elle m'a pris pour son groom..., dis-je doucement, levant ma main libre pour caresser sa peau dénudée du bout des doigts, à l'encolure de son sweat. Ta soeur... Elle m'a demandé de porter des affaires... c'était le jour de son arrivée...

Mes doigts glissèrent sur l'os saillant de sa clavicule...

« Je ne sais pas si elle a apprécié le service... j'avoue avoir manqué de galanterie lorsque je lui ai remis sa valise sans grand ménagement ! »

Je relevai alors mes yeux pétillants de son cou et les plongeai dans ses prunelles caramel.

― Ce n'est pas grave. Ça me va...

Pourquoi avais-je la désagréable sensation qu'il me mentait ? Je m"en voulu de le peiner encore une fois mais préférais être honnête avec lui dès le départ ...

― Elle m'a pris pour son groom...Ta sœur... Elle m'a demandé de porter des affaires... c'était le jour de son arrivée... m'informa Morgan d'une voix calme, presque "ailleurs".

J'allais l'interroger davantage sur leur rencontre quand comme précédemment lorsqu'il avait joué avec sa langue, je me laissai distraire. D'une douce caresse, Morgan traçait la ligne de ma clavicule ...

― Oly ne demande pas ... elle exige, déclarai-je les yeux mi-clos.

... laissant à chaque centimètre parcouru, un sillage de frissons.

"Je ne sais pas si elle a apprécié le service... j'avoue avoir manqué de galanterie lorsque je lui ai remis sa valise sans grand ménagement !" poursuivit-il, conscient ou non de mon trouble.

Sa dernière remarque me sortit de ma torpeur. Je relevai les yeux vers lui et en eut le souffle coupé. Son sourire et la lueur dans ses yeux illuminaient ses traits.

"Tu es beau lorsque tu souris ainsi. Tu devrais le faire plus souvent" déclarai-je ému de voir ses yeux briller ainsi.

Depuis notre première rencontre, je ne l'avais plus vu avec cette expression sur le visage. J’eus mal au cœur en pensant que j'étais responsable de cela. Avant. Maintenant, ce serait différent ... Je rebondis sur le sujet qui me préoccupait :

"Comment a-t-elle réagi ? questionnai-je, soucieux, connaissant ma sœur et ses caprices.

― Tu es beau lorsque tu souris ainsi, déclara Angel, sa voix encore éraillée. Tu devrais le faire plus souvent.

Les étoiles dans mes yeux scintillèrent de mille feux ― tu me trouves beau...? C'est vrai...? Avec toutes ses appréhensions, Angel m'avait surpris avec ses paroles ― agréablement surpris ! ― bien qu'il les eût nuancé : "lorsque tu souris ainsi" ! Ne suis-je pas beau autrement...?

Pas aussi beau que lui ! me chanta le colibri. Angel était magnifique ― cheveux de soie, yeux caramel, corps de rêve...

― Comment a-t-elle réagi ? s'enquit-il soudain, soucieux.

Je haussai les épaules avant de m'approcher, mes lèvres effleurant les siennes :

― Elle m'a traité de prétentieux, dis-je doucement contre sa bouche. Apparemment, elle me trouve sans intérêt... mon audace l'a laissé sans voix...

Mon coeur bondit alors que Morgan se rapprochait dangereusement au point d'en avoir ses lèvres collées aux miennes. Était-ce la réaction qu'avait eu Oly ? L'avait -il provoqué allant jusqu'à l'embrasser ? Il ne s'était pas gêné avec moi le premier soir ... Trouble ... Désir ... Jalousie ... Tant d'émotions qui parcouraient mon corps et mon esprit à mesure qu'il me torturait de ses sensuelles caresses.

Alors que j'allais me reculer - non pas par peur de lui, mais impatient d'avoir la réponse à la question qui dansait dans mon esprit - Morgan éclaira quelque peu ma lanterne, ce qui ne me rassura pas pour autant :

― Elle m'a traité de prétentieux. Apparemment, elle me trouve sans intérêt...

Sans intérêt ? Tant mieux ! pensai-je.

"... mon audace l'a laissée sans voix..."

Tout comme moi ... avant de redescendre de mon nuage.

Je connaissais suffisamment ma soeur pour savoir qu'elle ne laisserait pas cet affront de coté. A regret, je détachai nos mains de sous mon sweat et portai la mienne sur son torse, le repoussant légèrement, très légèrement ... Je ne voulais pas que ce moment prenne fin. Pas maintenant alors que j'étais à deux doigts de perdre totalement la tète, de succomber et de me jeter sur lui pour l'embrasser. Nos lèvres en prenaient le chemin et cette fois, ce ne serait pas un baiser emprunt de provocation mais de désir. Mutuel désir ...

― Ne la sous-estime pas, déclarai-je avant de reprendre mon souffle. Je doute qu'elle ait pensé cela de toi. La connaissant, ce serait plutôt le contraire ... ajoutai-je tentant de moduler la jalousie dans ma voix avant de poursuivre :

"De toute façon, comment sais-tu que c'est bien d'Olympia qu'il s'agissait ?"

OSEF de sa soeur... non ?

Mais alors que je l'avais senti prêt à m'embrasser, Angel s'était tout à coup repris : il avait délié nos mains et posé la sienne sur mon torse, m'arrêtant d'une légère pression ― apparemment, il n'était pas aussi prêt que je le croyais... Ceci dit, il n'avait pas détalé ; seulement essayé de détourner mon attention...

― Ne la sous-estime pas, avait-il déclaré, avant de reprendre son souffle. Je doute qu'elle ait pensé cela de toi. La connaissant, ce serait plutôt le contraire... De toute façon, comment sais-tu que c'est bien d'Olympia qu'il s'agissait ?

Je jouai le jeu, ma main restant toutefois posée sur son coeur, sous son sweat, traçant des cercles autour de son téton :

― Tes cheveux, tes yeux ― ou presque, sans les éclats dorés ― une langue acérée et un caractère de petite princesse capricieuse en diable ! répondis-je avec un sourire espiègle. Qu'ai-je à craindre d'elle...?

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