Action ou vérité ?

Morgan m'avait proposé de continuer notre "conversation" dans notre chambre, à l'abri des regards; je n'avais pas objecté, me détachant doucement de ses lèvres, enserrant sa main et ouvrant le chemin vers notre chambre.

Nous devions effectivement avoir une discussion mais je me doutais que si la sienne ne contiendrait que des baisers, la mienne ne serait faite que de mots et de vérité. J'espérais simplement qu'il soit assez compréhensif et me pardonne les doutes, les peurs et les douleurs que mon mensonge avait pu lui causer.

Trouver les mots justes et lui avouer ce que je dissimulais depuis trop longtemps, ne me semblait plus si facile, maintenant que j'étais sur le point de le faire.

Je refermai la porte derrière nous et pris mon courage à deux mains:

― Tu veux bien t'asseoir, Morgan ? Il faut que je te dise quelque chose d'important.

Empreint soudainement de sévérité, je vis les traits elfiques d'Angel s'assombrirent ― l'idée de poursuivre ses baisers était-elle si détestable ? Douche écossaise de toujours, mon boyfriend avait balayé mes peurs de quelques baisers pour mieux m'assaillir de doutes ; je me mordis la lèvre, tendu : qu'était-ce pour que je doive m'asseoir ?

C'est forcément Camélia. Parce qu'il se croit coupable, comme il a cassé. Parce qu'il n'ose pas me présenter à ses parents alors qu'il avait une fiancée aux dernières nouvelles. Parce qu'il éprouve encore quelque chose pour elle, qu'il a quitté si brutalement. Parce qu'il est en train d'hésiter entre nous deux. Et si ?

― Je pourrais toujours dire que Lord Witherby préfère que je reste ici, répondis-je, demeuré debout ― m'asseoir aurait été obéir, soit octroyer une forme de dominance...

...ce qui était au-delà de mes forces alors que je sentais qu'il s'apprêtait à me dire qu'il avait besoin de temps afin de réfléchir...

...quoique c'était tout réfléchi ― s'il n'était pas certain qu'être avec moi était ce qu'il lui fallait, c'était que je n'étais pas la personne avec qui il devait être.

Le pire ?

Je méritais ce qui m'arrivait : avoir un coup de foudre pour un mec déjà maqué et le faire rompre ― que m'était-il passé par la tête ? Comment pouvais-je espérer que jamais elle ne réapparaisse dans ses pensées alors qu'il avait imaginé leur vie à deux, à élever des poules et autres créatures de la ferme ? Comment pouvais-je espérer rivaliser avec elle ― mieux, la remplacer ? Qu'étais-je d'autre qu'un briseur de couple ?

Je baissai les yeux, affreusement coupable. Peut-être devrais-je reprendre mes affaires et retourner dans ma chambre...

...peut-être devrais-je retourner dans ma chambre et reprendre mes affaires plus tard ― ne pas verser de larmes ; faire comme si ça allait. Ce n'était pas une querelle, rien qu'un au revoir. Peut-être mon absence lui ferait-elle réaliser que, moi aussi, il m'aimait ? Qu'il m'aimait presque aussi fort... qu'il n'y avait pas qu'elle qui pouvait habiter ses pensées... ou peut-être passerait-il ces deux semaines ravi de l'avoir retrouvée, rattrapant le temps perdu, gaspillé à mes côtés ―

Je croisai les bras contre mon corps, me préparant à ne dévoiler aucune émotion : je ne pleurerais pas. Je ne m'emporterais pas. J'attendrais seulement qu'il finisse et je prendrais congé. Je serais de marbre. Je serais tel Lord Witherby.

Morgan ne semblait pas décidé à s'asseoir, ne me laissant pas d'autre choix que de m'adosser à la porte que je venais de refermer.

Je ne savais pas vers où le menaient ses pensées mais à le voir si tendu, je me dépêchai de trouver le premier mot pour débuter ma confession. Je fermai les yeux, comptant jusqu'à dix avant de me lancer -- pourquoi n'arrivai-je pas à avouer la vérité ? -- quand Morgan me surprit par ses paroles:

―Je pourrais toujours dire que Lord Witherby préfère que je reste ici.

Je rouvris instantanément les yeux, me culpabilisant davantage. Je n'aimais ni sa posture, ni sa tête baissée. Qu’allait-il encore imaginer ? Que je regrettais d'avoir été si impulsif en l'invitant à passer les prochaines vacances à Adsav ?

― Je ne sais pas ce qui te fait croire que j'ai changé d'avis, mais oublie ! le détrompai-je rapidement. Tu viens avec moi, sauf si ton Lord Witherby tient absolument à t'en empêcher...

Pensée qui ne me plaisait pas mais à laquelle je n'avais pas encore songé.

Et si, son tuteur ne voulait pas que Morgan sorte de l'enceinte de Brocéliande, que ferai-je ? Resterai-je ici à ses cotés ou retournerai-je, seul, passer quelques jours en famille ?

Je chassai mes hypothétiques questions qui n'avaient pas lieu d’être et me concentrai sur ma priorité: la vérité.

Après un dernier regard sur celui pour qui mon cœur battait si rapidement; celui pour qui la vie valait d’être vécue; celui pour qui je risquai gros en bravant mon Père et sa volonté; celui pour qui mon avenir était rendu si incertain, je soupirai et me lançai:

"J'ai rencontré Camélia pour la première fois quand je devais avoir dans les huit ou neuf ans. Mère rendait parfois visite aux exploitants agricoles du domaine et ce jour-là, je l’avais accompagnée. C’est aussi la première fois que je rencontrais une enfant autre que ma sœur. Cette fillette blonde m’a demandé si je savais d’où provenaient les œufs et je lui ai bêtement répondu de la cuisine de Lénaïc. Elle a bien ri de moi et m’a emmené voir le poulailler pour que je puisse me rendre compte par moi-même de ma stupidité. Pour la première fois de ma vie, je me salissais les mains à ramasser des œufs pondus du jour et je m’amusais comme les enfants de mon âge sont sensés le faire…"

Je souris légèrement, empli de nostalgie envers ce temps où tout me semblait si simple.

"Une fois les œufs rapportés à nos mères, occupées à discuter de choses de grandes personnes, nous sommes ressortis et la fermière qu'elle était alors, malgré son jeune age m'a fait visiter son terrain de jeu: la porcherie, l'écurie, l’étable, les clapiers… Une visite guidée doublée d’une découverte pour moi qui, petit garçon noble élevé dans un manoir, à l'abri derrière ses murs de pierre, n’avait jamais approché d’autres animaux que nos chevaux et notre chien. Je crois que je me suis mis à faire des rêves tout éveillé..."

Je repris mon souffle et poursuivis sans oser décoller les yeux du bout de mes chaussures:

"...Je crois que c'est ce jour là, ce premier jour, que nous avons décidé que nous serions fermiers quand nous serions grands. Nous avions alors de nombreuses années devant nous pour qu‘elle m‘apprenne à traire les vaches et nourrir les cochons…"

Je culpabilisai parfois de n’avoir pu tenir la promesse que je lui avait fait mais je ne devais pas regretter mon choix. Morgan était le seul auprès de qui je désirais vivre ma vie. Sans lui à mes cotés, je ne voyais pas l’intérêt de la vivre… Plus maintenant, alors que mon cœur n’appartenait qu’à lui. Cette dernière pensée me donna la force suffisante pour achever ma confession:

"Avec elle -- sache que c’est la seule personne de mon âge que je côtoyais en dehors de ma sœur -- les choses se sont passées sans qu'on sache vraiment comment. Cela s'est fait c'est tout. Naturellement. Presque comme une évidence. On ne se voyait pas souvent, pas toutes les semaines du moins, mais les rares fois où j'allais dans sa ferme, ou qu’elle nous apportait les produits issus de leur exploitation, nous imaginions notre vie plus tard. Cela nous semblait, encore une fois, normal, naturel. Tout autant que l’ évidence que nous nous marierions..."

Je sentis mes joues se colorer en songeant à ce qui allait suivre:

"...Puis il y a eu toi, Morgan…"

Je me décollai de la porte et me rapprochai de lui, le touchant presque.

"Je n’ai jamais aimé Camélia comme je t’aime toi, Morgan…Je n’ai jamais touché Camélia comme je te touche toi, Morgan…Je n’ai jamais embrassé Camélia comme je t’embrasse toi, Morgan…Je n’ai jamais tenu Camélia comme je te tiens toi, Morgan…Je n’ai jamais désiré Camélia comme je te désire toi, Morgan…Je n’ai jamais été avec Camélia au-delà de quelques baisers emplis d’innocence et d’inexpérience…"

Moment d'espoir : Angel protesta et ma proposition fut rejetée ; moment où je me laissais à rêver : et si Angel n'hésitait pas ? Et si tout était clair dans sa tête ? Et si ?

Et puis Angel me parla de Camélia. Me parla d'eux. Un sourire doux-amer ornait ses lèvres alors qu'il évoquait les détails d'une rencontre empreinte de nostalgie ; ses rêves d'enfant émerveillé qui découvrait un nouveau monde, ses promesses d'avenir à la ferme, de mariage...

...ne pas pleurer, ne pas verser de larmes, ne pas révéler sa douleur...

...à se demander quelles étaient les raisons qui poussaient Angel à désirer que j'aille à Adsav avec lui alors qu'il se remémorait ces moments passés avec elle...

...à se demander ce qu'il faisait avec moi alors que celle qui avait comblé son coeur ces huit dernières années était encore présente dans ses pensées...

« Puis il y a eu toi, Morgan…," fit-il, le ton si doux, se rapprochant de moi.

Moi qui avais tout cassé. Je baissai encore davantage la tête.

"Je n’ai jamais aimé Camélia comme je t’aime toi, Morgan… Je n’ai jamais touché Camélia comme je te touche toi, Morgan… Je n’ai jamais embrassé Camélia comme je t’embrasse toi, Morgan… Je n’ai jamais tenu Camélia comme je te tiens toi, Morgan… Je n’ai jamais désiré Camélia comme je te désire toi, Morgan… Je n’ai jamais été avec Camélia au-delà de quelques baisers emplis d’innocence et d’inexpérience… »

De battre mon coeur s'arrêta pour la troisième fois aujourd'hui ― je faillis défaillir, la tête me tournant tout à coup ; les mots se bousculaient dans mon esprit et leur sens m'échappaient ― l'ivresse de ses paroles m'avaient grisé tel un vin millésime : étais-je le seul qui avait réellement amoureusement compté ?

Je posai mes bras sur ses épaules et me pressai contre lui, si fort, qu'il semblait que je désirais me fondre en lui, la tête enfouie dans son cou. Je tremblais presque.

― Je t'aime, soufflai-je à son oreille. I Love You. Infinitely so. I Love You. Incredibly so.

Je laissai Morgan se fondre contre moi avant de l'enserrer à mon tour, soufflant de soulagement. Je ne sais pas à quoi je m'étais attendu mais certainement pas à ce qu'il réagisse ainsi: pas aussi bien, pas aussi calmement.

Avait-il pris toute la mesure de ce que je venais de lui confesser?

― Je suis désolé de t'avoir fais croire autre chose que la vérité. Je suis désolé d’avoir été lâche, en proie à mes peurs. Je suis désolé de ne pas t’avoir avoué tout cela auparavant. Je suis désolé que tu aies eu à endurer la méchanceté des paroles de ma soeur. Je suis désolé de t'avoir fais douter de moi, de toi, de nous, de mon amour pour toi...

Je me sentais réellement soulagé, en paix, déculpabilisé... Le poids de mon mensonge par omission s'envolant à mesure de ma confession.

"Je sais aujourd'hui ce que le mot aimer veut dire et je sais que je n'ai jamais aimé avant toi. Mon coeur t'appartient, il n'a jamais appartenu à personne d'autre. Je n'aime que toi, Morgan. Tu es mon présent, mon avenir et je ne me vois pas passer ma vie ailleurs qu'à tes cotés. Quels que soient les obstacles, nous les affronterons ensemble."

Tendrement, les bras d'Angel se refermèrent autour de moi et il exhala un soupir ― étrange ; si étrange ― qu'avait-il craint ? C'était moi qui avait eu peur qu'il regrette Camélia ; qu'il hésite ; qu'il réalise l'énorme erreur qu'il avait commise...

― Je suis désolé de t'avoir fais croire autre chose que la vérité, poursuivit-il d'une voix sincèrement peinée. Je suis désolé d’avoir été lâche, en proie à mes peurs. Je suis désolé de ne pas t’avoir avoué tout cela auparavant. Je suis désolé que tu aies eu à endurer la méchanceté des paroles de ma soeur. Je suis désolé de t'avoir fais douter de moi, de toi, de nous, de mon amour pour toi...

Moi aussi, je l'étais, désolé. Désolé d'avoir douté. Douté de lui, douté de nous. Je me pressai davantage contre lui, ne respirant plus que son parfum d'herbes fraîches ― parfum qui avait des effets aussi apaisants que grisants.

"Je sais aujourd'hui ce que le mot aimer veut dire et je sais que je n'ai jamais aimé avant toi. Mon coeur t'appartient, il n'a jamais appartenu à personne d'autre. Je n'aime que toi, Morgan. Tu es mon présent, mon avenir et je ne me vois pas passer ma vie ailleurs qu'à tes cotés. Quels que soient les obstacles, nous les affronterons ensemble."

Je déposai un baiser dans son cou, toutes les fibres de mon âme touchées par sa déclaration : elle était si belle, si vibrante d'émotions ! Cette fois, je tremblais réellement ― d'extase mais aussi, quelque part, de peur...

― Moi aussi, je suis désolé, soufflai-je, ma voix chatouillant son cou. D'avoir brisé tes rêves d'enfants (la culpabilité me tenait toujours), d'avoir douté de toi alors que je savais que ta soeur essayait seulement de te blesser ― j'ai paniqué ; j'ai eu peur... Et je me suis senti coupable ― coupable d'avoir brisé ton couple...

...avec celle que j'avais encore du mal à nommer.

― Morgan, tu n'as pas à te sentir désolé et encore moins coupable...

Je passai ma main dans son dos, tentant de calmer ses tremblements; tentant de le rassurer; tentant de lui faire comprendre qu'il n'y était pour rien.

Absolument pour rien…

Tout était de ma faute. J'étais le seul à blâmer, le seul coupable. Le seul à devoir être désolé de voir dans quel état Morgan s’était mis à cause de moi, mes non-dits, Olympia...

Ma sœur aussi avait sa part de responsabilité. Comment avait-elle pu devenir cette jeune femme aussi méprisable ? Elle se trompait en pensant que je pouvais retourner dans des bras familiers pour combler l’absence de Morgan. J’étais tellement possédé par mon amour pour lui, que les souvenirs de ma vie d’avant s’estompaient à mesure des jours qui passaient. Je ne vivais, respirais que pour celui que je tenais dans mes bras. Olympia se trompait. Elle ne connaissait rien de l’Amour.

Puisse-t-elle un jour être amoureuse et comprendre…

Malgré la méchanceté dont elle faisait preuve, je le lui souhaitais sincèrement. Peut-être serait -elle à son tour transformée, devenant la sœur que j’aurais tant souhaité avoir.

« En ce qui concerne ma rupture avec Camélia…» commençai-je avant d’hésiter, pesant mes mots. « Je sais aujourd’hui qu’elle n’était pas celle qui m’était destiné. Tu n’as pas brisé un rêve d’enfant, tu sais ? Au contraire, tu m’as permis d’ouvrir les yeux sur moi, sur celui qui couvait, tapi à l’intérieur. Tu m’as révélé ma vraie nature, ma vraie place… Avec toi.»

Je laissai passer quelques secondes, le temps que mes mots atteignent leur but.

« Tu as chassé un rêve d’enfant pour m’en faire vivre un d’adulte. »

C'était si curieux : alors que, d'habitude, le parfum d'Angel et ses caresses dans mon dos me grisaient à me faire perdre la tête, lors de mes moments de stress, sa fragrance si particulière et ses tendres effleurements m'apaisaient si efficacement que si je n'étais pas aussi agité, je me serais demandé si, malgré ses dires, Angel n'usait pas de charmes.

― Tu n’as pas brisé un rêve d’enfant, tu sais ? me souffla-t-il.

Non... et cela m'apaisait de l'entendre ― j'avais, jusqu'ici, évité de penser à elle, me sentant trop coupable.

« Au contraire, poursuivit-il après une légère hésitation. Tu m’as permis d’ouvrir les yeux sur moi, sur celui qui couvait, tapi à l’intérieur. Tu m’as révélé ma vraie nature, ma vraie place… Avec toi. Tu as chassé un rêve d’enfant pour m’en faire vivre un d’adulte. »

...je me laissai encore davantage fondre en lui. Fondre à chaque caresses. A chaque parole. A chaque respiration.

― Tes mots me touchent et font éclore toutes les fleurs du jardin de mon coeur, Angel, répondis-je, la voix émue. Le colibri sur sa branche s'excite et je me sens prêt à défaillir de ravissement ― je t'aime, Angel ! Je t'aime si fort que je voudrais partir avec toi ailleurs, pour n'être rien que nous ; laisser derrière toutes nos attaches pour ne vivre que de toi, d'Amour et d'eau fraîche !

« Je serai toujours avec toi, mon Ange, même si tes parents ne désirent pas ma présence à Adsav : je t'attendrai sagement, même si impatiemment, que tu me reviennes. Que tu retrouves ta place à mes côtés et moi la mienne sur ton coeur. »

― Ça va aller..., essayai-je de rassurer Morgan, même si je ne savais pas moi-même si mes parents accepteraient sa présence au sein de notre manoir.

Je réfléchis un court instant, trouvant les mots vrais, tels que je pensais que mes parents verrait la situation:

"Pourquoi ne t'accepteraient-ils pas ? Je pense qu'au contraire, ils seront ravis de savoir que je suis devenu assez social pour me lier avec une autre personne. Ils verront combien cet environnement m'est bénéfique. Et puis, il ne pourront que tomber sous ton charme... Tu as déjà deux Death qui ont succombé, mes parents ne pourront que suivre", le taquinai-je en songeant à Olympia qui ne laisserait pas passer l'humiliation de me savoir avec celui qu'elle avait, un jour, convoité.

― Ta soeur me déteste parce que tu es avec moi, répliquai-je d'une voix quasi plaintive. Et avant, elle m'avait désigné comme son groom personnel ― je doute qu'elle soit sous un charme quelconque...! Si tes parents sont comme elle, ils me haïront...!

Elle m'avait déjà fait très mal en évoquant la possibilité qu'Angel aille voir ailleurs pendant les vacances ; et si leurs parents, dépités de voir Angel avec un garçon alors qu'il sortait avec une superbe jeune fille au préalable, essayaient de le remettre avec ?

« Je serai sage, » promis-je. Je ne risquerai pas ma relation avec Angel pour qui ou quoi que ce soit !

― Détrompe-toi, Morgan...Tu ne connais pas ma soeur comme moi je la connais... Je sais reconnaître la lueur d’intérêt qui l'anime quand elle jette son dévolu sur quelque chose....

...ou quelqu’un. En l'occurance, toi, songeai-je. en me remémorant le comportement qu'elle avait eu envers Morgan au réfectoire. Olympia n'était pas du genre à faire des manières et ses simagrées ne signifiaient qu'une chose: Morgan l’intéressait déjà...

"Et mes parents ne te détesteront pas... Tu verras, tout se passera parfaitement bien."

Je me refusai à envisager que cela ne soit pas le cas. Je devais avoir foi en mes parents, en leur ouverture d'esprit et en leur amour pour moi.

Olympia, jeter son dévolu sur ma personne... c'était fort improbable ! Pas alors qu'elle ne me voyait, au mieux, que comme un groom pour la servir, ou, au pire, un ami ― maintenant amant ― de son frère si détesté !

― J'avoue que même si visiter Adsav me comble de joie, rencontrer tes parents me fait un peu peur, confessai-je.

Je ne serais pas dans mon élément : s'ils ne m'aimaient pas, je ne pourrais pas répondre, briller de piques et de sarcasme ; je devrais me laissais faire et ― j'eus tout à coup du mal à respirer : les laisser faire ? Je ne pourrais pas !

Et ils me détesteraient plus encore. Dilemme.

― Je te fais confiance, Angel, finis-je par dire.

Il les connaissait mieux que moi. Tout comme il connaissait sa sœur mieux que moi, d'ailleurs...

...était-ce possible qu'Olympia éprouve réellement quelque chose pour moi ? Était-ce bien moi, en fait, qu'Olympia avait cherché à blesser au foyer ?

― Tu crois que je devrais parler à ta soeur ? demandai-je.

Mon corps se figea, mes mains cessèrent leur va-et-vient, mon coeur eu un raté...

Laisser Morgan s'entretenir avec Olympia ?

MPER !

― Bien sur. Et n'oublie pas de lui apporter des fleurs et une boite de chocolats pendant que tu y es...!

Rien qu'à l'idée de ce que pourrait encore lui raconter Olympia, j'en étais malade. Ce n'état pas ma jalousie qui parlait...juste mon bon sens et ma parfaite connaissance de ma harpie de soeur. Je me méfiais d'elle comme de la peste. Elle pouvait être mauvaise lorsqu'elle n'obtenait pas satisfaction et comme elle n'obtiendrait jamais Morgan...

...normalement.

J'avais foi en nous; en lui; en notre amour; en mes parents...

...tout irait bien...

― Angel ! protestai-je.

Etait-ce ma fête pour que le frère, après la soeur, s'en prenne à moi ?

« Si le sarcasme, les piques et l'ironie est un trait de famille, je préfère encore rester ici, » déclarai-je. J'étais déjà assez blessé, assez stressé ; si ma visite à Adsav s'avérait n'être que l'occasion de me descendre de tous les côtés, je passerais deux semaines d'enfer, seul contre tous.

« J'essaie seulement d'arrondir les angles avec ta soeur, ajoutai-je. Pour toi. »

― Excuse-moi, Morgan...

Je déposai un baiser au creux de son oreille avant de laisser mes mains reprendre leurs caresses.

"Fais comme tu veux. Va trouver ma soeur si tu penses que tu peux réussir à la changer... mais ne t'attend pas à un miracle.... Au mieux, elle restera égale à elle-même... Au pire, tu ne feras que grossir sa rancœur envers moi..."

― Apologies accepted, fis-je alors que je me laissais fondre à nouveau, retrouvant la tendresse d'Angel qui avait repris ses caresses.

Je déposai à mon tour un baiser sur le côté de son cou.

« Je verrai, si j'irai la voir... »

Après tout, je ne pensais pas réellement qu'Olympia éprouvait quoi que ce soit à mon égard... et comme cette idée ne plaisait guère à Angel...

« ...serais-tu jaloux ? demandai-je, me pressant contre son corps, me frottant doucement à lui. Ce serait idiot, mon Ange... je t'aime, toi. Et puis, détail, elle n'a pas ce qu'il faut pour me satisfaire... »

Cette chose qui faisait sa masculinité, même si, pour le moment, je n'en avais "d'usage" que dans mes rêves ultra...

― Peut-être..., répondis-je songeur, sans me rendre compte que Morgan appuyait de tout son corps contre moi.

Olympia n'avait peut-être pas ce qu'il fallait pour le satisfaire mais nous étions quand même jumeaux... Seul un chromosome nous différenciait...

Si nous en venions à craquer pour la même personne, ce n'était pas anodin...

"Tu aurais pu être attiré par ma soeur, si tu ne m'avais pas rencontré en premier ?" voulu-je curieusement savoir.

Curiosité malsaine ou jalousie déplacée ?

― Mmhmm..., fis-je nonchalant, continuant de me faire câlin contre son corps sculpté à la perfection. C'est une fille...

...n'était-ce pas assez pour le convaincre que, non, je n'aurais pas été attiré par elle ?

« J'ai beau être sorti avec nombre de demoiselles, admis-je, je n'ai jamais été réellement attiré par elles... Ta soeur est belle, mais... elle n'aurait été qu'un trophée à mes côtés, une poupée que j'aurais exposée... Toi, tu éveilles le désir au fond de mon être et je me retrouve à faire des choses... »

Des choses que je n'aurais jamais osées, songeai-je alors que je déposais un chapelet de baiser depuis son épaule jusqu'à son oreille où je finissais ma phrase, susurrant :

« Des choses ultra... »

Un trophée…

Olympia une poupée exposée…

L’image me fit sourire. S’il était une personne sur Terre qui les collectionnait, les trophées, c’était bien ma sœur. Alors de savoir que Morgan n’avait que cette image pour ma jumelle, me rassura; m’allégeant de mes doutes, mes craintes, mes peurs…

Pourtant Olympia savait y faire avec la gente masculine et je la savais prompte à mener campagne contre moi, juste pour le plaisir de me voir brisé. Remporter Morgan serait pour elle la victoire ultime.

Je chassais mes sombres pensées pour me concentrer sur le moment présent. Je ne rebondis ni sur ses nombreuses conquêtes féminines, ni sur l’autre garçon qu’il avait fréquenté - même s‘il ne l‘avait abordé que très brièvement, au début de notre relation…

C’était son passé et moi, j’étais son présent et son futur. Rien d’autre ne comptait que ce que nous vivions aujourd'hui, y compris - et surtout - les frottis-frottas que Morgan semblait ne pas vouloir cesser.

― Des choses…ultra, glissai-je au creux de son oreille, ma concentration commençant à défaillir, à mesure de ses mouvements.

Morgan semblait de nouveau en mode provoc‘. Je décidai de ne pas me laisser faire…

« Ultra comment ? » m’enquis-je en nous faisant lentement pivoter, l’amenant doucement contre la porte de la chambre. A mon tour, je m’appuyai contre lui et déposai une multitude de baisers depuis son cou jusque sa bouche contre laquelle je susurrai: « Tu me montreras ? »

Lentement, doucement, tendrement, Angel nous fit pivoter de façon à ce je me retrouve le dos appuyé contre le porte et lui, pressé tout contre moi, son corps d'athlète épousant le mien. N'aurait-il fait preuve d'autant de délicatesse, j'aurais certainement paniqué ― et, quelque part, je n'étais pas encore tout à fait à l'aise ― mais cela avait quelque chose d'ultra d'être ainsi prisonnier, à la merci de ses désirs...!

― Maybe..., répondis-je avec une fausse timidité dans le timbre... ou peut-être pas si fausse : dès qu'Angel prenait le dessus, je devenais tout à coup moins assuré.

« Only if you are a good boy, » ajoutai-je alors que ses lèvres caressaient toujours les miennes. Je tirai doucement sa chemise et glissai une main sous l'étoffe... « Will you be a good boy ? »

Et, surtout, avais-je envie qu'il en soit un ? Angel avait des faux airs de badboys très propre sur lui et cela me faisait absolument craquer...!

L’idée parut beaucoup plaire à Morgan. Ses mains s’aventurèrent sous ma chemise, augmentant un peu plus mon trouble, à chaque caresse.

― Tu entends quoi exactement par être « a good boy » ? voulu-je savoir, taquin.

De nous deux, il était quand même celui qui avait le plus de mal à se comporter en « good boy ». Devrais-je mimer son comportement ? Peut-être...

"Caresses volées sous les vêtements, attitude provocatrice et collés-serrés-soudés", énumérai-je sans lui laisser le temps de répondre. "Est-ce cela être un « good boy » pour toi, Morgan ?"

Alors qu'il y avait à peine deux semaines, Angel se liquéfiait dès que je me faisais légèrement provocateur, c'était moi, à présent, qui rougissais dès qu'il me taquinais ! Mes joues se colorèrent et mes mains arrêtèrent leurs caresses sous sa chemise : que répondre ? Je baissais les yeux, incapable de soutenir son regard ocré qu'une étincelle d'espièglerie éclairait...

― Am I that bad ? demandai-je doucement...

...car, il était vrai que, contrairement à moi, Angel était déjà un « good boy » : il était doux, tendre, délicat, prévenant...

...le fait que j'étais pris au piège, dos à la porte, était d'ailleurs une preuve : si Angel n'avait pas été aussi attentionné, j'aurais probablement paniqué ― mais c'était avec douceur qu'il m'avait fait pivoter ; et parce que j'avais confiance, je l'avais laissé faire...

Je ressortis mes mains de sous ses vêtements et posai mes bras sur ses épaules, collant ma joue contre la sienne.

« Don't answer... »

...ce n'en était vraiment pas la peine.

― Il ne vaut peut-être pas, non..., répondis-je amusé devant sa réaction.

Une des choses que j'avais remarqué avec Morgan était celle-ci: dès que je jouais selon ses propres règles, le jeu prenait subitement fin. Je n'allais pas m'en plaindre. Au contraire...

"Tu désires faire quelque chose de particulier en attendant l'heure du dîner ?"

De mon coté, je devais écrire à Mère mais je pouvais encore repousser d'une journée. Le service postal ne travaillant pas le dimanche, j'avais quelques heures de répit.

N'avais-je pas demandé qu'il se passe de tout commentaire ? Sa réponse me fit davantage rougir et je préférai l'ignorer.

― Tu désires faire quelque chose de particulier en attendant l'heure du dîner ? poursuivit Angel, voyant mon absence de réaction... verbale, tout du moins.

T'embrasser..., songeai-je. Me serrer-coller-souder tout contre toi... caresser tes abdos... te califourcher... m'allonger sur toi, me reposer...

...même si, au fond, je savais que la réponse la plus raisonnable était "sortir croquer une pièce du château"...

...pour le notaire...

...Angel m'accompagnerait-il ?

― Si je descendais croquer la galerie des miroirs, tu viendrais avec moi ?

― Pourquoi pas ? Je n'y ai encore jamais été..., répondis-je en songeant à toutes les pièces du château que je n'avais pas encore visité.

C'est toutefois, sans me précipiter que je me décollai de Morgan , savourant notre position, notre proximité, notre câlin, même innocent.

"Je pense que de nous dégourdir les jambes ne sera pas une si mauvaise idée."