Be not afraid of greatness... (suite)

― Je t'aime déjà Morgan, réussis-je à laisser filer, malgré la boule qui obstruait ma gorge. Je t'aime à chaque bouffée d'air que je respire. Je t'aime à chaque baiser que je te donne. Je t'aime déjà tant, que je voudrais être à ta place, à cet instant....

Comment pouvais-je le prendre dans mes bras, répondre à sa demande, sans risquer de le blesser davantage ? Comment pouvais-je lui refuser sa demande sans, par la même occasion, le blesser davantage ?

"Tu dois soigner tes blessures Morgan. Après tu ne quitteras pas mes bras. Je ne te quitterai pas d'un pouce. Plus jamais."

Je fondis sous les mots d'amour d'Angel, fondis douloureusement lorsqu'il évoquait le désir de prendre ma place pour m'éviter de souffrir ― désir auquel, en aurais-je eu la possibilité, jamais je n'aurais accédé : je l'aimais trop moi-même pour le voir souffrir comme je souffrais !

J'étais sur le point de le lui dire lorsqu'il poursuivit, inquiet :

― Tu dois soigner tes blessures Morgan. Après tu ne quitteras pas mes bras. Je ne te quitterai pas d'un pouce. Plus jamais.

Et même si passer l'éternité à ses côtés étaient finalement tout ce que je voulais, je pris peur :

― Pas l'infirmière, protestai-je : elle poserait trop de questions ; elle irait voir Merlin...

...et je doutais qu'il croirait que je m'étais fait bastonner par des élèves homophobes.

« Lord Witherby, dis-je à la place ― c'était étrange comment la peur éclairait tout à coup mon esprit ; étrange comment mon coeur s'affolait davantage et que la douleur paraissait presque s'effacer. Mon Gémeau... il excusera mon absence... »

Il allait de soi que l'infirmière ne garderait pas pour elle l'état dans lequel se trouvait Morgan. Mais comment lui apporter les soins nécessaires s'il ne passait pas par elle ? Pourquoi voulait-il cacher son état au directeur Merlin ? Que craignait-il ? Un renvoi ?

Morgan me réclama, pour la seconde fois, son Gémeau, indirectement son Lord....

Je chassais la pointe de jalousie qui enserra mon coeur. Je ne pouvais pas le blamer de désirer rechercher de l'aide auprès de celui qui était comme un père, meme si je n'étais pas très tolérant envers sa façon d'utiliser Morgan.

N'était-ce pas sa faute si'il se retrouvait ainsi ? A qui en incomber la faute, si ce n'était à son précieux Lord ?

― Si tu préfères... lâchai-je doucement, ne laissant pas filtrer mes émotions.

A regret, je consentis à sa demande et me levai pour chercher son carnet.

Accédant à ma demande, Angel déserta le lit et, aussitôt, sa présence, sa chaleur, me manquèrent encore davantage si possible... mais j'attendis (im)patiemment qu'il se dirige vers ma table, se saisisse de mon Gémeau et revienne vers moi, s'asseyant à mes côtés avec une précaution infinie.

Je ne réfléchis pas : faisant autant abstraction de la douleur que possible, je me hissai sur mes avant-bras et me laissai retomber la tête sur ses cuisses, me blottissant tout près de lui ― j'avais besoin de lui, au delà de la souffrance que je pouvais ressentir ! Serrant les dents en même temps qu'une larme roulait sur ma joue, j'ouvris mon Gémeau pour y griffonner tant bien que mal un message au notaire, me souciant peu de ce qu'Angel pourrait lire...

...s'il pouvait y lire quoique ce soit.

Une fois son carnet remis à Morgan, je me rassis à ses cotés. Je le laissais alors se lover contre moi -- que pouvais-je faire d'autre ? Sa tête reposant tout contre mes cuisses, je le laissai écrire. Je ne cherchai même pas à lire, il me raconterait seul, s'il lui en prenait l'envie -- ce dont je doutais presque, vu qu'il avait préféré en référer à son Lord, à peine ses paupières ouvertes... plutôt qu'à moi...

Pour ma part, distraitement, je caressai sa nuque, tentant à la fois de l'apaiser, et me permettant de m'échapper -- en pensées, du moins.

Je cherchai à comprendre ce qui avait bien pu arriver dans les labyrinthes, la veille au soir.

Je lâchai un soupir, si désolé de ne pas pouvoir faire plus qu'une simple caresse...

Je jetais, plus que je n'écrivais, des mots sur la page vierge, quelques phrases pour expliquer que je ne pouvais pas me présenter en cours, couvert de meurtrissures, et que j'avais besoin d'une excuse pour mon absence... Le notaire voudrait connaître les détails mais je n'avais pas la force de les écrire et je refermais rapidement mon Gémeau, laissant carnet et crayon sur le lit, ne me souciant plus que d'Angel. Angel qui me caressait doucement la nuque, à la lisière des cheveux... Angel qui m'aimait... Angel avec qui je me sentais protégé.

― Je me sens bien, avec toi, soupiras-je doucement. Est-ce que tu peux rester encore un peu...? Je ne vais pas en cours... Lord Witherby me forgeras une excuse... Je veux seulement... m'endormir avec toi... protégé de tout danger...

― Je n'irais pas en cours non plus... Je ne te quitte plus, sauf forcé et contraint. Tant pis pour la colle que je risque de me prendre. J'assume entièrement....

Bobby Wolfe pouvait toujours venir frapper à la porte et me contraindre de me rendre en cours, je ne décollerai pas du lit de la journée... sauf pour trouver des soins pour Morgan et de quoi nous nourrir.

"Tu veux que j'aille chercher quelque chose en cuisines ? Je peux aussi en profiter pour aller voir l'infirmière et prétendre être souffrant. Elle me donnera de quoi soulager ta douleur", essayai-je de me rendre utile autrement qu'en lui procurant des caresses et la promesse de ma présence à ses cotés.

― No..., soufflai-je doucement, comme si parler bas apaiserait ma douleur. Maybe later... Let me... fall asleep... with you here...

Loved.

Protected.

Entouré de sa chaleur, de son parfum, pour chasser les mauvais rêves.

― It's a good idea, though, soufflai-je tout de même : cela lui permettrait d'avoir lui aussi une excuse pour ne pas aller en cours ; pour rester avec moi. Mais cela signifiait certainement qu'il devrait descendre de suite afin d'éviter que Bobby Wolfe ne passe le chercher et me découvre...

― Go... I'll wait for you, me résignai-je.

Je me raccrocherais à son oreiller empreint d'herbe fraîches. Serait-il encore chaud de sa présence ?

Avant de quitter la chambre, j'apposai un baiser empli d'amour sur les lèvres de Morgan.

―Je reviens vite, Hummingbird, repose-toi, déclarai-je tendrement avant de quitter le lit.

Une fois dans le couloir, je pris appui contre la porte refermée et résistai à mon envie de laisser couler mes larmes. Je devais me montrer fort pour lui apporter le soutien nécessaire. Je devais être là pour lui à partir de maintenant, à défaut de ne pas avoir pu l"être la veille au soir...

Direction l'infirmerie... !

Précédant mes désirs, Angel me déposa avec précaution sur son oreiller encore tiède, empreint de son parfum, et caressa mes lèvres d'un baiser si doux que ma douleur s'effaça alors que je savourai cet acte d'Amour trop bref qui me laissa étrangement à bout de souffle. A bout de souffle et si las !

Las et incapable de saisir ce qu'il me disait alors que je me sentais sombrer, bercé par sa voix chaude... Seul un mot perça à travers la brume de mon esprit : « Hummingbird ». Je serrai davantage mon oreiller.

I love you, too, répondis-je. I love you so. Hold me, please ; love me ; never leave me.

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