Deux garçons, une fille ...

Autant j'étais impatient de retrouver Morgan en passant les portes du réfectoire, autant je me serais bien passé des regards et des chuchotements qui accompagnèrent mon entrée. J'étais pourtant coutumier du fait, mais aujourd'hui, je savais pourquoi les têtes viraient et les langues se déliaient autant sur mon passage : Olympia et sa mini crise de nerfs !

Impassible, je continuai mon chemin, avec une seule idée en tête : prendre un plateau, le garnir et le retrouver ... Je patientai encore quelques minutes avant de parvenir au buffet et une fois mon déjeuner sur mon plateau, je me retournai et le cherchai du regard parmi tous les élèves assis. Je l'aperçu sans surprise à l'écart, près du mur, éloigné du reste des élèves. Je m'avançai à travers les tables, retenant avec peine le sourire que je sentais prêt à animer mon visage. Sans me trahir en montrant à tous mon plaisir et mon impatience de le rejoindre, je me dirigeai de mon pas tranquille, vers la table où il se tenait déjà.

― Bon appétit ! lançai-je à Morgan, qui jouait encore avec sa fourchette et sa nourriture, en prenant place en face de lui.

Je ne l'avais pas revu depuis notre brève conversation dans le couloir, avant l'épisode Olympia et je devais bien avouer qu'il m'avait manqué ... Mais je me réservais le droit de garder le silence ...

Je levai les yeux et souris dès que j'entendis Angel.

― Ça va ? m'enquis-je, ravi de le revoir.

J'attendis qu'il déposa son assiette et s'assit pour effleurer sa jambe de la mienne ― un contact à l'abri des regards. Des regards de Phil, Klet et Nick, notamment : je déjeunais d'habitude avec mes camarades de classe ; aujourd'hui... aujourd'hui, comme tous les jours qui suivraient, je déjeunerais avec Angel. Avec mon petit ami.

« Alors, ta matinée...? » demandai-je.

Ta matinée, et ta soeur ― je comprenais mieux, à présent, ses mises en garde...

A peine étais-je installé, que Morgan effleurait ma jambe. Je lui rendis sa caresse, incapable de pouvoir faire plus pour le moment ... Me contentant de cette maigre consolation et de sa présence ...

Nous agissions ainsi car c'était ce que j'avais désiré - cacher nos vrais rapports aux yeux des autres - mais malgré tout, je sentais déjà que j'aurais du mal à vivre avec cette décision. Paradoxalement, je me voyais mal me lever et l'embrasser devant tous ...

Frustration totale ...

― Tu veux la version courte ou la version longue ? demandai-je, un sourire énigmatique aux lèvres.

Comme je tournai le dos à toute la salle, je pouvais sourire et le regarder comme bon me semblait sans craindre d’être grillé.

Angel répondit à la caresse de ma jambe et je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas davantage sourire.

― Tu veux la version courte ou la version longue ? s'enquit Angel, piquant ma curiosité.

― Longue, répondis-je sans réfléchir ― what else ?

Quoique si je devais honnêtement répondre, il y avait bien des choses concernant Angel que je voulais...

Ne pas laisser ses pensées vagabonder, me morigénai-je ― ce n'était pas le moment....

Le contraire m'aurait étonné, songeai-je en piochant une frite dans mon assiette.

― J'ai rencontré ma soeur dans les couloirs ce matin ... juste après toi ..., racontai-je avant de relever les yeux vers Morgan. Mais je suppose que tu es déjà au courant. Tout comme la moitié des élèves ici présents, précisai-je un sourire narquois sur le visage. Et toi ta matinée ? Personne ne t'a harcelé de questions concernant ton absence d'hier ?

Pour ma part, je ne m'étais lié à personne de particulier au sein de l'école - j'avais toujours été un solitaire - donc personne ne s'était aventuré à venir me poser la question de front. Par contre les chuchotis avaient été bons trains ... surtout après l'interclasse. Merci Oly ! Comme si j'avais vraiment besoin de mettre l'accent sur ma présence ici, surtout maintenant que j'avais Morgan dans ma vie.

― J'ai assisté à sa petite crise, avouai-je, piquant distraitement mes frites de ma fourchette. J'étais encore là où tu m'avais laissé : Phil est arrivé quelques secondes après ton départ... il ne s'est pas tout à fait enquis sur mon absence mais presque ― à ce qu'il paraît, il a pris les paris avec Klet : ils me croient avec Cléophée Ravenwood...!

Je pressai davantage ma jambe contre la sienne :

« Je n'ai pas clairement démenti ni ai-je acquiescé... je me suis dis qu'il valait mieux rester dans le vague ; est-ce que ça te va ou veux-tu que je les détrompe dans leurs croyances...? »

Après tout, ce n'était pas parce que nous ne sortions pas officiellement ensemble qu'Angel accepterait que je laisse croire aux autres que je partageais ma vie amoureuse avec une autre personne...

J'écoutai d'une oreille distraite Morgan - me remémorant la scène avec ma soeur - piochant toujours dans mes frites, quand je relevai subitement la tête vers lui.

Quoi ? Que venait-il de dire ? Phil ... paris ... Klet ... croient avec Cléophée Ravenwood ... Tout cela dans la même phrase !?

Je sentis sa jambe se coller davantage à la mienne. J'avais bien compris ...

Je crispai la mâchoire et serrai le poing sous la table. Pourquoi avais-je subitement envie de les détromper ... ? Pourquoi ressentais-je une pointe au coeur, comme un coup de poignard ...?

Cléophée Ravenwood ! songeai-je jaloux et ce pour la première fois de ma vie. Elle était bien trop vieille pour sortir avec Morgan ! Pourquoi pas ma soeur pendant qu'on y était ? Tant qu'à lui imaginer une copine, autant choisir la plus improbable ..!

J'allais lancer une remarque sur le manque de gout que ses amis semblaient lui louer ... Cléophée ... la fille aux cheveux bleus ... Morgan avait meilleur gout que cela, non ? Bien sur que oui ...!

"Je n'ai pas clairement démenti ni ai-je acquiescé... je me suis dis qu'il valait mieux rester dans le vague ; est-ce que ça te va ou veux-tu que je les détrompe dans leurs croyances...?" s'enquit-il alors pensant peut-être me rassurer.

Me lever, aller retrouver ses amis et participer à leur petit jeu stupide en misant moi aussi ...
Me lever , embrasser Morgan et leur prouver ainsi qu'ils avaient misé sur le mauvais cheval ...
Ou troisième solution :

― Comme tu préfères ... lançai-je de ma voix la plus calme possible - même si à l'intérieur de moi, je rageais, bouillais et commençais sérieusement à regretter d'avoir opter pour la discrétion.

Morgan et Cléophée Ravenwood ...!

Angel irradiait de colère ― son port tout à coup raidi, sa voix plus que contrôlée, ses yeux rivés à son assiette...

― Angel..., l'appelai-je doucement. Si je faisais réellement comme je préférais, je ne me cacherais pas ; je le fais parce que tu le désires, et j'essaie de gérer au mieux... Ne m'en veux pas parce qu'ils disent des bêtises ― d'ailleurs, je doute réellement que Klet, Phil et Nick me croient avec Cléophée... c'est seulement que Nick a commencé à dire qu'elle était Nécromante et j'ai essayé de préserver son secret en le faisant taire... d'où les taquineries...

Ferait-il l'effort de m'écouter ? Je l'espérais car cette journée avait si parfaitement commencé ― je ne désirais pas qu'elle finisse avec Angel fâché contre moi pour quelque chose dont je n'étais pas même responsable...

― Je ne suis pas fâché contre toi Morgan, m'expliquai-je en fixant mes prunelles aux siennes. Je sais que c'est mon choix de faire semblant de n’être qu'amis ... soufflai-je, par peur d’être entendu des autres convives.

J'avançai ma main vers la sienne avant de l’arrêter brusquement ... Je devais faire semblant, me cacher et faire croire que ... juste parce qu'elle était là ... Sans sa présence, sans ce risque, j'aurais osé ... mais pas avec Olympia dans les parages ...

"Il y a juste que j'ai un peu de mal à envisager les bruits qui pourraient courir sur toi et ... - Ne serait-ce que de l'imaginer me donnait presque la nausée. Je piochai à nouveau dans mon assiette, l'appétit coupé mais obligé de faire bonne figure devant eux, devant Morgan ...

"Tes amis n'ont-ils pas mieux à faire pour occuper leur journée que de prendre part à de stupides paris ? Et s'ils pouvaient arrêter de me fixer, je leur en serais gré ..."

J'avais peut-être le dos tourné mais je ressentais des picotements sur ma nuque ... bien qu'ils ne devaient pas être les seuls à m'observer ...

― Personne ne te fixe, Angel, essayai-je de le rasséréner. Et c'est précisément parce qu'eux non plus ne me voient avec Cléophée qu'ils plaisantent ―

...non pas parce qu'elle possédait de longues mèches azurées, mais parce que nous n'avions absolument rien en commun...

« ― mais aucun bruit ne courra sur une quelconque liaison entre elle et moi ; pas de leur part ― »

Je m'arrêtai net : le port fier, l'air hautain, Olympia Death s'avançait droit vers nous.

― Ta soeur, soufflai-je. Elle arrive...

― Personne ne te fixe, Angel. Et c'est précisément parce qu'eux non plus ne me voient avec Cléophée qu'ils plaisantent ...

Ben, tu leur diras de ma part que leur plaisanteries sont du plus mauvais gout !

" ... mais aucun bruit ne courra sur une quelconque liaison entre elle et moi ; pas de leur part ..."

Liaison ... J'avais trop de mal avec le mot ! Était-ce ainsi que Morgan nous voyait ? Entretenant une liaison ? J'avais tant bloqué sur le mot que je n'avais pas réalisé que Morgan s'était tu en plein milieu de sa phrase. Pas avant qu'il ne me ramène sur Terre ... et pas des meilleures façons :

― Ta soeur, me souffla-t-il. Elle arrive...

Je résistais à l'envie de me retourner, ne voulant pas lui faire l'honneur de penser que nous l'avions remarquer - alors je me redressai sur la chaise sans oublier de décoller mes jambes de celles de Morgan et préférais ironiser de la situation :

― La journée avait trop bien commencé de toute façon, il fallait bien que le vent tourne, n'est-ce pas ? sortis-je en me préparant à l'impact imminent - reconnaissant sans peine la démarche assurée de ma jumelle; le bruit si familier de ses talons qui la menaient jusqu'à nous. Je contractai mes muscles au possible. Je ne devais surtout pas la laisser lire en moi.

Mon avenir avec Morgan en dépendait ...

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Enfin, on me regardait !
Enfin, mon entrée au réfectoire était remarquée et appréciée à sa juste valeur !
Enfin, je sentais les regards me suivre et les langues se délier sur mon passage !

Si j'avais su plus tôt que mon échange avec Angelus aurait eu cet impact sur ma popularité, je me serais mise à l'oeuvre bien plus tôt. A partir de ce jour, je savais que les gens sauraient comment je m'appelle : Olympia Death !

A peine les portes franchies, je me mis en devoir - comme toujours - de survoler du regard les tables à la recherche de cette chevelure si particulière ...

Cela devait être mon jour de chance, songeai-je, en apercevant l'objet de mes recherches ... Qui plus est de dos, mon effet de surprise serait plus garanti que la dernière fois ...

Alors que j'avançai, de mon pas toujours aussi décidé, vers Angelus, j'eus la désagréable surprise de remarquer qu'il n'était pas seul, avant de réaliser que c'était inconditionnellement "le jour" à marquer d'une pierre blanche : mon groom lui faisait face. J'avais bien sur pris connaissance de son nom - Morgan Le Fay - mais ne me restait principalement en tête que cette image de ma déconfiture, le jour de mon arrivée.

Je n'oubliais pas de lui faire payer, un jour, son insolence, mais j'avais des projets bien plus intéressants en tête que le seul fait de lui rendre la monnaie de sa pièce.

Priorité Angelus !

― Cela ne vous dérange pas que je vous tienne compagnie ? leur imposai-je - je n'avais pas eu l'intention d'attendre leur accord, question rhétorique ... - en tirant la chaise près de mon jumeau avant d'y prendre place. Dans la vie, il fallait savoir s'imposer ...

Les traits d'Angel s'assombrirent tant que mon coeur se serra : le voir dans un état de colère et de déplaisir mêlés éveillait au fond de mon être le désir de le protéger et, si je m'étais retenu quelques heures auparavant, je n'allais pas laisser faire Olympia. Je pressai davantage ma jambe contre celle d'Angel.

― Cela ne vous dérange pas que je vous tienne compagnie ? s'enquit sa soeur en prenant place à côté de lui.

― Au contraire ! fis-je avec le sourire. Votre présence ne pourra nous être que divertissante ! Ne nous en privez pas !

Non, ce n'était pas méchant, rien que piquant !

Talons en approche, chaise qui raclait et la voix de celle que je souhaitais le plus loin possible de moi, de nous, de ma vie ...

― Cela ne vous dérange pas que je vous tienne compagnie ? nous demanda Olympia avant de s'imposer à mes cotés.

J'allais lancer une remarque acerbe quand Morgan me toucha la jambe - me faisant relever les yeux vers lui, quelque peu surpris - avant de prendre la parole :

― Au contraire ! lui sourit-il. Votre présence ne pourra nous être que divertissante ! Ne nous en privez pas !

Je lui rendis tout aussi discrètement son coup dessous la table. T'es malade ? Sais-tu à qui tu t'adresses, malheureux ! avais-je envie de lui crier dessus. Je reposai ma fourchette, définitivement privé du moindre appétit.

Mais dans quel camp était mon mec ? pensai-je en secouant la tête.

― Si je te réponds que moi ça me dérange, tu t'en iras, soeurette ? Morgan était peut-être décidé à lui faire des politesses, mais il était hors de question que je joue son jeu. Pas après la scène de ce matin ... Pas après ce que je venais d'apprendre ... les bruits qui allaient peut-être courir sur Morgan et cette Cléophée ...

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Divertissante ? Je souris intérieurement. Pensait-il donc que je m'étais assise à leur table pour officier comme divertissement ? Qu'il le pense donc pauvre sot ! Me croyait-il si stupide pour n'avoir pas saisi le sarcasme dans sa voix ?

― Je vois que la politesse n'est toujours pas ta qualité première Angelus ! répliquai-je cinglante en piochant une frite dans son assiette avant de relever les yeux vers celui qui me faisait presque face. Me feras-tu l'honneur de me présenter à ton camarade petit frère ou dois-je à nouveau prendre les choses en main ?

Quoique je le pensais suffisamment intelligent pour avoir déjà compris qui j'étais ... surtout après le "sœurette" d'Angelus - surnom que j'avais toujours abhorré... comme tout ce qui concernait de près ou de loin mon frère adoré - même si je doutais que mon jumeau se soit vanter d'avoir une sœur au sein de Brocéliande.

Si tu arrêtais de jouer les petites filles pourries gâtées, je serais peut-être un peu plus enclin à être poli, aurais-je rétorqué si Morgan ne s'était justement pas trouvé en face de moi. Qu'aurait-il pensé de me voir perdre mes moyens à cause d'Olympia ?

― Pourquoi ne le fais-tu pas toute seule ? répondis-je la voix calme.

Ne pas hausser le ton et lui laisser voir combien sa présence m'énervait. J'avais déjà peu de temps pour profiter de Morgan, je n'avais pas envie de le gacher en suportant la présence de ma soeur.

"Tu es assez dégourdie pour me taper un esclandre dans les couloirs, pour venir t'asseoir à notre table sans attendre d'y être conviée et pour couronner le tout, tu te sers dans mon assiette ... Je pense que tu sauras te débrouiller toute seule pour te présenter ..." Je repoussai mon plateau vers celui de Morgan avant de lancer une dernière remarque : "Et si mes manières ne te plaisent pas, tu peux toujours repartir d'où tu viens !"

A savoir Adsav ...

Ookkaayy...

Electrique entre le frère et la soeur ― mais pas le même genre d'électricité qu'entre nous : Angel était clairement exaspéré par Olympia et la rabrouait sans tact... Apparemment, nous n'opérions pas de la même façon.

Je pressai à nouveau ma jambe contre la sienne : j'étais avec lui et je désirais qu'il le sache.

― Ou je pourrais encore me présenter moi-même, fis-je, ne me départant pas de mon petit sourire. Morgan Le Fay, pour vous servir ― de groom ou tout autre chose qui plaira à vos caprices ― quoique vous le saviez déjà... n'est-ce pas la première chose que vous avez faite à mon endroit : prendre connaissance de mon nom...

Je doutais fortement que cela plaise à Olympia ; maintenant, j'espérais seulement qu'Angel saisit que, contrairement à lui, j'attaquais avec sarcasmes et non agressivité...

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A ce que je voyais, Angelus était toujours aussi goujat. Décidément, le rencontrer alors qu'il avait l'estomac vide, ne faisait qu’exacerber sa mauvaise humeur. J'allais lancer une réflexion sur ses mauvaises manières, surtout face à des étrangers, quand l'étranger en question me surprit en prenant la parole.

― Ou je pourrais encore me présenter moi-même. Morgan Le Fay, pour vous servir. Quoique vous le saviez déjà... n'est-ce pas la première chose que vous avez faite à mon endroit : prendre connaissance de mon nom...

J'appréciai la prise d'initiative du jeune homme assis en face de moi. Par contre, déjà moins son arrogance - tout aussi beau et alléchant soit-il ... Pour ne pas perdre la face et ainsi lui prouver qu'il avait raison, je me mis à rire. Rire comme je savais si bien le faire quand je me moquais de mes interlocuteurs.

― Morgan Le Fay, ce n'est pas la modestie qui vous étouffe dirait-on ! Entre mon frère, aussi poli qu'une porte et vous, imbu de votre personne, je dois dire que je suis plus que gâtée. Mais permettez-moi de mettre les choses au clair, histoire que vous sachiez à quoi vous en tenir : je ne vois pas pourquoi je me serais abaissée à découvrir votre identité sachant pertinemment que vous n'aviez rien d'assez intéressant pour me donner envie de le faire !

Je me détournai alors de lui pour reporter sur Angelus et plus précisément son assiette qu'il ne touchait plus.

"C'est de trop penser à ta paysanne qui te coupe l'appétit Angelus ?" le narguai-je moqueuse en reprenant une frite.

Nouveau mouvement sous la table ... Je relevai les yeux vers Morgan, sans laisser paraître mon trouble. Mon comportement lui déplaisait-il tant ? Certainement ! pensai-je en l'entendant prendre la parole.

― Ou je pourrais encore me présenter moi-même. Morgan Le Fay, pour vous servir. Quoique vous le saviez déjà... n'est-ce pas la première chose que vous avez faite à mon endroit : prendre connaissance de mon nom...

Le faisait-il exprès de provoquer Olympia ? N'avait-il pas pris compte de ma mise en garde la concernant ? Je ne désirais pas qu'elle s'attarde à notre table, espérant le garder pour moi seul encore quelques instants; alors pourquoi diable engageait-il la conversation ?

Et pour couronner le tout, ma soeur qui se mettait à rire, rire à gorge déployée. Je ne la connaîtrais pas aussi bien, je croirais presque qu'elle était sincère ... A tout bien y réfléchir, son rire me sonnait étrangement faux subitement ...! A rire des mots de Morgan ... Olympia rire ? Se pouvait-il qu'il ait raison ? Qu'elle se soit renseigné sur son compte ?

― Morgan Le Fay, ce n'est pas la modestie qui vous étouffe dirait-on ! Entre mon frère, aussi poli qu'une porte et vous, imbu de votre personne, je dois dire que je suis plus que gâtée. Mais permettez-moi de mettre les choses au clair, histoire que vous sachiez à quoi vous en tenir : je ne vois pas pourquoi je me serais abaissée à découvrir votre identité sachant pertinemment que vous n'aviez rien d'assez intéressant pour me donner envie de le faire !

Traduction : Vous avez tout à fait raison, je le savais déjà et je suis plus qu’intéressée par votre personne ...

Je serrai le poing sous la table et tentai par tous les moyens de calmer la jalousie qui m'empoignait le coeur. Se pouvait-il qu'elle soit sérieusement intéressée par Morgan ou n'agissait-elle ainsi que parce qu'il avait été un adversaire digne de ce nom lors de leur première entrevue ? Je décidai de mettre un terme à cette conversation qui ne me plaisait guère, sentant que j'étais à deux doigts de laisser filer ma rage. Morgan ou pas Morgan ...

― C'est de trop penser à ta paysanne qui te coupe l'appétit Angelus ?" crut-elle malin de me demander - en reprenant une frite - pensant peut-être me mettre mal à l'aise devant Morgan

Je respirai à plein poumons tentant par tous les moyens de ne pas lui laisser voir ô combien je bouillais et ô combien je n'avais qu'une envie : l'éjecter de sa chaise. Elle avait vraiment mal choisi son jour pour me prendre la tête.

― N'as-tu pas retenu la leçon de la dernière fois concernant mon plateau ? sifflai-je en la voyant de nouveau piocher dedans. Si tu as faim, tu lèves tes fesses. Et s'il te plait, occupe-toi de tes affaires Olympia ! Ma vie privée ne te concerne en rien alors évite de t'en soucier sachant pertinemment que tu ne portais pas Camélia dans ton coeur.

Me rendant compte après coup du lapsus que je venais de dire, je tentai de détourner ses pensées avec une dernière remarque :

"Quoique je me suis souvent posé la question : En as-tu vraiment un ?"

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Je l'avais trouvé son point sensible : sa vie privée ! Pour le peu qu'elle était privée et pour le peu qu'il en avait encore une, enfermé ici.

― Pourquoi me ferais-je du souci pour toi, si j'en étais dépourvue ? demandai-je innocemment. Mais dites-moi, Morgan, Angelus vous a-t-il déjà parlé de sa très chère Camélia ? voulus-je savoir, sans plus me soucier de mon jumeau, lequel s'était raidi sur sa chaise.

Intérieurement je jubilai ...
Extérieurement, je posai sur mes lèvres un sourire contraint.

"J'en doute, au vu de sa condition : une paysanne, imaginez ! Pas de ses jeunes roturières qui se trouvent naturellement sans gouts vestimentaires mais de celles qui officient dans les champs. Vous a-t-il parlé de ses projets d'avenir ou n’êtes-vous pas assez intimes pour cela ?" me moquai-je ouvertement, gagnée par mon enthousiasme à faire souffrir mon frère.

― Il l'a évoquée, admis-je, restant cependant vague ― j'évitais d'habitude de réfléchir à l'ex d'Angel ― de mon Angel ― cette fille pour qui il avait déclamé son grand amour...

« Elle doit être particulièrement belle pour que vous la décriez avec autant de jalousie. »

Les mots m'écorchèrent la bouche mais je ne les laissai s'échapper de mes lèvres qu'onctueux, veloutés ― Angel ne serait pas le seul à panser ses bleus ce soir.

Je n'avais qu'une idée à l'esprit : la faire taire avant que mon envie de meurtre n'atteigne ses limites. Elle avait vraiment mal choisi son jour pour me chatouiller ... Et engager la conversation avec Morgan sur un sujet aussi délicat que Camélia ... Pauvre Morgan ...

Je n'allais pas la laisser faire sans broncher. Hors de question qu'elle ne mette Morgan plus mal à l'aise qu'il ne devait déjà l’être ...

― C'est bon soeurette, tu as fini de lui prendre la tête avec des histoires qui ne regardent que moi ? m'emportai-je. Question rhétorique en passant, ne te donne pas la peine de répondre, je me casse ...!

Je mêlais le geste à la parole : en me levant précipitamment de ma chaise, la repoussant brusquement dans mon mouvement, elle racla tant que le bruit me sembla résonner pendant de longues secondes à mes oreilles ...

"Tu me suis Morgan ou tu restes ici ?" lui demandai-je en tentant de moduler ma voix.

Il n'était en rien responsable de ma mauvaise humeur ... Il n'avait surtout pas à la subir à cause de mon double maléfique ...

Merci Olympia ...!

Je reposai ma fourchette, et me levai moi aussi, plus calmement.

― Il semblerait que, finalement, vous pourrez profiter des restes de votre frère ! fis-je à Olympia avant de prendre congé d'elle. Je te suis, dis-je alors à Angel.

Apprenti Sorcier Messages : 110 Age : 28

Moi, jalouse de Camélia ? Et puis quoi encore ? C'était bien mal me connaitre ... M'abaisser au même rang que cette paysanne ... J'allais le remettre à sa place quand Angelus après m'avoir sommer de ne pas étaler sa vie privée sur la place publique se leva brusquement - le raclement de la chaise agressant mes oreilles - avant de s'adresser à son camarade :

―Tu me suis Morgan ou tu restes ici ?

Décidément, toujours aussi susceptible Angelus dès que Camelia était en jeu. Qu'il quitte la table, cela ne me dérangeait pas - ce n'était pas la première fois ! - mais il n'était pas obligé d'entrainer Morgan à sa suite ... Je n'en avais pas fini avec lui. J'allais d'ailleurs protester quand ce dernier se leva à son tour :

― Il semblerait que, finalement, vous pourrez profiter des restes de votre frère ! La fin de sa phrase se perdit, tellement la situation avait échappée à mon contrôle. Etait-ce à moi qu'il s'adressait ?

― Quoi ? Les restes de mon frère ... Quels restes ? répétai-je surprise, mais déjà ils avaient disparus.

Quand je compris que Morgan parlait des plateaux repas qu'ils avaient tous deux abandonnées derrière eux, je fus prise d'une rage folle et les poussai hors de la table d'un geste brusque. Ils finirent leur course contre le mur avant de retomber - nourriture et porcelaine mêlées jonchant le sol - laissant derrière eux les stigmates de sauce sur la peinture claire des murs.

Je restai un moment assise, à fulminer contre mon jumeau. Depuis quand avait-il décidé de ne plus subir mes humeurs ? Par deux fois en une seule journée il m'avait fait l'affront de me laisser derrière lui. Il n'y aurait pas de troisième fois, il pouvait en être sûr !

Tu me le paieras, Angelus ... sifflai-je entre mes dents avant de me lever, ne faisant fis ni des têtes qui se tournaient sur mon passage, ni du silence qui planait dans le réfectoire depuis mon explosion. Que cela leur serve de leçon à tous, je n'étais pas du genre à me laisser faire ...

Alors que nous traversions le réfectoire, le bruit familier d'une vaisselle qui se casse retentit à mes oreilles. Je ne cherchai même pas à me retourner, sachant pertinemment qu'il ne pouvait s'agir que d'Olympia exprimant sa bonne humeur ...

― J'ai oublié de faire les présentations, soufflai-je à Morgan en me tournant vers lui, sourire aux lèvres. Morgan Le Fay, Olympia Death, ma soeur ... Bienvenu dans mon enfer ...

» La jeune fille et l'inconnu ....
» Une jeune fille perdue
» Comme deux gouttes d'eau