La jeune fille et l'inconnu ....

Je ne pense pas que Mère serait ravie de me voir me cacher en ce lieu. Non pas qu'elle y verrait quelque objection... mais se lier à de jeunes personnes de mon âge, incluait certainement autre chose que de rester assise sur un banc à prier pour mon salut.

De toutes les écoles de Bretagne, pourquoi Mère avait-elle choisi celle-ci ? Était-elle aussi déjà venue en ce château ? Connaissait-elle le directeur qui avait accepté que j'y fasse ma scolarité ? Et pourquoi je m'y sentais à l'aise, comme si j'aurais du y venir depuis toujours ?

Je tortillai mes mains, soucieuse de ne pas savoir de quoi demain serait fait. Puis, après quelques minutes de prières, la magie de la chapelle opéra. Je me laissai envahir par une paix intérieure.
J'étais rassérénée, prête à sortir de ma cachette...

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Cela faisait déjà quelques heures que j'arpentais le parc, et prise par la faim, j'étais sur le point de rentrer chaparder quelque chose au château. C'est en contournant l'édifice que je passai devant la petite chapelle. Je m'arrêtai quelques instants pour observer la bâtisse, et entendis la lourde porte se mettre en branle. Curieuse, je m'avançai et vis une silhouette s'apprêtant à sortir. Je me plantai devant la jeune humaine.

― Hey ! Salut ! m'exclamai-je d'un air souriant.

J'avais à peine poussé la lourde porte qu'une voix pétillante m'apostropha. Ma surprise fut telle que je sursautai en poussant un cri suraigu.

― Oh mon Dieu ! me signai-je rapidement, ne voulant pas blasphémer aux portes de sa maison. Tu m'as fais une de ces peurs.

Je portai une main face au soleil qui m'aveuglait, m'empêchant ainsi de saluer convenablement l'arrivante. Je sentais sur moi la chaleur de ses rayons ― ce qui n'était pas pour me déplaire après le froid ambiant de la chapelle. Le contre-jour ne m'aidait pas car je ne distinguais qu'une silhouette menue, aux cheveux longs bercés par le souffle léger du vent.

« Pardon d'avoir crié mais je ne m'attendais pas à croiser âme qui vive, » m'excusai-je en avançant d'un pas, la main tendue.

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― Hihihihihi !

M’esclaffant d'une voix cristalline, je commençai à observer à la jeune inconnue, qui semblait aveuglée par mon charisme étincelant... à moins que ce ne soient les rayons du soleil...

J'ignorai soigneusement sa main tendue et m'avançai pour lui faire la bise ― et lui faire profiter de mon sublime parfum floral à la fois boisé, puissant sans être fort, et enivrant sans être écoeureant.

« Salut ! Mon nom est Songe, enchantée ! »

Sans que je ne puisse l'éviter, la jeune fille apposa un baiser sur ma joue. Je reculai, surprise.
Elle sent délicieusement bon, pensai-je à l'instant où ses lèvres quittèrent ma peau. Ma main tendue restée en suspens, je ne trouvais pas mieux à faire que de toucher du bout des doigts de l'autre, l'endroit où s'était posée sa peau à l'odeur si particulière. Je fermai les yeux, nostalgique...

J'étais incapable de mettre un nom sur le parfum qui m'envoutait déjà mais je reconnaissais quelques notes florales qui embaumaient le jardin intérieur du couvent. J'aimais les fleurs et les odeurs en général. Je pensais déjà sans savoir pourquoi, que j'aimerai beaucoup la jeune fille au baiser fleuri ...

Puis, je réalisai l'incongruité de la situation. Un baiser. Geste très intime. Je le percevais ainsi. Je n'avais pas été habituée à recevoir des marques de tendresse, des câlins et des baisers à vaux-vent. Non pas que j'eusse été élevée au milieu des coups - jamais quiconque n'avait levé la main sur ma personne - mais le geste d'affection que venait d'avoir pour moi une parfaite inconnue me mettait plus que mal à l'aise. Je me sentis rougir mais ne put empêcher un sourire d'animer mes lèvres.

― ...la jeune fille au baiser fleuri.

Je réalisai soudain que j'avais parlé à voix haute. La rougeur sur mes joues s'accentua.

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Cette jeune fille me semblait très différente des humaines que j'avais fréquenté auparavant : généralement, elles manifestaient soit de la fausse sympathie, soit de la pure jalousie à peine dissimulée. Et là, étrangement, on aurait dit que celle-ci manifestait un mélange d'admiration et d'affection... J'avais décidément des tas de choses à apprendre.

Mon visage cependant put voir luire furtivement une note de surprise lorsque la gosse me surnomma "la jeune fille au baiser fleuri". Mais je retombai sur mes pattes instantanément.

― Heu ... merci, c'est très joli. Mais comment puis-je te nommer ? lui demandai-je doucement...

― Me nommer ? répétais-je encore émue par mon étrange réaction ― d'habitude, je n'agissais pas aussi spontanément devant de parfaits inconnus. Je m'appelle Kamelina et je suis enchantée de faire ta connaissance, murmurai-je en la contournant tête baissée, gênée de m'être laissée emporter par mes émotions.

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― Enchantée Kamelina, lui fis-je simplement.

Je tournai la tête à 90° afin de voir derrière elle au fond de la petite chapelle.

« Mais... je ne comprends pas ce que tu faisais dans un endroit aussi sombre et sordide. Tu te cachais ? »

Me cacher ? Bien sur que non ! Enfin si, mais jamais je ne le lui avouerai. Honteuse, je préférai déguiser légèrement la vérité.
― Je visite juste les abords du château et je suis entrée un moment, lui répondis-je en continuant mon chemin. Pourquoi dis-tu que cet endroit est sombre et sinistre ? N'es-tu pas croyante ? la questionnai-je à mon tour en me retournant, intriguée par les adjectifs qu'elle venait d'utiliser pour décrire la chapelle.
À mon sens, le bâtiment devait compter parmi les plus beaux du conté au vu des dorures et des vitraux qui jonchaient l'édifice. Quand je découvris la couleur de sa peau et de ses cheveux - fait que je n'avais pas remarqué avant- je compris qu'effectivement elle ne devait pas être croyante ou alors elle adorait un autre Dieu que le mien.
« Tu es... verte ? » bafouillai-je les yeux écarquillés par la surprise.
Mais où donc m'avait fait venir "Mère" ?

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Je ne compris pas la question de la jeune fille. Qu'avait-elle essayé de dire ? Quel rapport entre la tristesse évidente de ce lieu et le fait que je puisse croire le contraire ? Du coup, je n'enregistrai pas sa seconde question, et me retrouvais de facto devant son expression de stupeur et... peut-être de terreur.

― Si... si je crois quoi ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ? T'es toute pâle !

Je fis un pas de retrait, renfrognée. Cette expression ne ma plaisait pas beaucoup... méfiance.

Je compris au moment où je me posais la question le but caché de ma présence ici. Je devais sauver Songe. "Mère" savait pour l'âme égarée qu'était la jeune fille.
"N'es-pas peur Kam. Tu peux le faire. Cette jeune personne a besoin de toi. Sois forte."
Respirant à pleins poumons, ce qui amena les effluves de la pauvresse à mes narines, je retrouvai un peu de self-control. J'aimais plus qu'agréablement son odeur qui me détendait mais qui m'empêchait surtout de résonner correctement.
Je souri à la jeune fille, lui prouvant au mieux que je ne lui voulais aucun mal. Comment aurais-je pu ? Surtout maintenant que se dessinait parfaitement dans mon esprit, la raison de ma venue au château et notre impromptue rencontre aux portes même de la maison de Dieu.
La voyant reculer, je réduis de mon propre chef la distance qu'elle avait instaurée. Je portai une main à la croix de bois qui pendait à la ficelle autour de mon cou et murmurant, je commençai à prier.
— Je vous salue Marie...

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Marie ? Mais que racontais donc cette folle ? De toute évidence elle avait dû perdre la raison à rester dans un environnement clos. Sur le moment, je songeais à l'ignorer et à mettre le maximum de distance... puis me dit qu'aller chercher quelques plantes pour la soigner serait une bonne occasion de se détendre...

― Allez, viens, suis moi je vais te montrer quelque chose, lui fis-je doucement.

Lui attrapant la main, je commençai à la traîner vers la forêt.

― ...vous êtes bénie entre toutes les Grâces et.... Hey ! Mais où m'emmènes-tu ? Ce serait plus salutaire pour toi que nous restions à proximité de la chapelle. Songe ! M'entends-tu ?

À priori non ! Pour une première mission, je dois dire que "Mère" avait peut-être visé un peu haut. Mais si elle avait foi en ma foi, je devais puiser en moi l'énergie pour mener à bien cette étrange mission.

Alors que la jeune fille me traînait "je ne sais où" pour cueillir "je ne sais quoi", je préférai changer de tactique. Un dicton que me répétait souvent Sœur Gabrielle me revint en mémoire:

"L'on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre".

Ainsi soit la volonté de Dieu. Je me laissai mener par l'étrange jeune fille au baiser fleuri et observai ses pas presque flotter au-dessus des feuilles du chemin.

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Entraînant Kamelina derrière moi, nous nous dirigions vers la forêt.

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