Désordre ordonné ...

Songe et moi n'avions pas échangé un mot sur le chemin du retour. Il faut dire qu'elle avait du se rendre compte que cette sieste improvisée n'avait pas été de tout repos. Au vu de mon visage fermé ― occupée que j'étais à repasser les flashs en boucle ― je n'étais pas la meilleure des compagnes. Elle avait respecté mon silence et moi je ne l'en appréciais que plus. Nous nous quittâmes aux portes du château.

Je réfléchissais un instant et me dirigeais d'instinct vers les réponses ― je l'espérais ― qui me seraient fournies. Longeant sans vraiment les voir, les murs de l'école, je stoppai mes pas arrivée devant le bureau qui accueillait les visiteurs du directeur Merlin. Lui seul ― si j'occultais "Mère" bien sûr - pouvait répondre à mes nombreuses interrogations. À commencer par la principale: pourquoi m'avait-on fait venir étudier en ces lieux ?

Depuis mon réveil, je n'avais qu'une seule certitude en tête: je n'étais pas là pour ramener les âmes égarées vers la maison de Dieu. Peut-être étais-je la seule qui avait besoin d'être sauvée...

Je notai le désordre qui jonchait le bureau de la secrétaire. Une fleur multicolore, qui me rappela bizarrement Songe alors que celle-ci était plus monochrome, égayait un soliflore en cristal. Des crayons se dissimulaient ça et là, alors qu'un joli porte-crayons en bois foncé trônait majestueux et surtout vide à côté d'un porte-plume du même bois. Deux piles énormes de feuilles écornées, qui menaçaient de perdre l'équilibre bancal qui les soutenait, attendaient qu'une âme charitable vienne les trier et les organiser dans les classeurs qui emplissaient les étagères murales.

J'étais là à attendre que quelqu'un veuille bien me renseigner sur les heures de visites réglementaires lorsqu'une voix chantonnante me parvint de dessous le bureau. Je me penchai en avant, curieuse et amusée en reconnaissant l'air d'un de mes films préférés.

― You'll always sound precocious. Supercalifragilisticexpialidocious!.Um-dittle-ittl-um-dittle-I. Um-dittle-ittl-um-dittle-I. Um-dittle-ittl-um-dittle-I. Um-dittle-ittl-um-dittle-I ...

― Veuillez m'excuser Madame Poppins, me permettais-je de la nommer, j'aurais souhaité avoir un renseignement.

La voix stoppa net et je vis émerger de-dessous le bureau de chêne, un chapeau ancien orné d'une grosse marguerite jaune ...

― Veuillez m'excuser Madame Poppins, m'interrompit une voix doucereuse, j'aurais souhaité avoir un renseignement.

Surprise en pleine recherche infructueuse de ce maudit morceau de papier qui ne servait à rien, je tentai de me relever en me tenant au bureau. Je me mis péniblement debout et observai la nouvelle venue qui semblait amusée.

― Bien le bonjour jeune hirondelle, m'exclamais-je la voix enjouée par cette interruption. Que me vaut vous ici en plein après-midi ? N'avez-vous pas cours ou bien mieux qui vous éloignerait de ces lieux poussiéreux ? N'avez-vous pas aperçu ce fichu papyrus qui s'évertue à me rendre follue ? M'aideriez-vous à le trouver contre autre amabilité ?

Je ne compris que peu de mots de ce que "Mary" me chanta. Car la secrétaire de Merlin ne parlait pas, elle chantait. Mélodieuse symphonie qui sortait de son petit bout de femme. Une personne aussi petite et menue que moi mais animée par une énergie et une malice que l'on discernait dans son regard noisette.
Sa tenue s'accordait à merveille à son fantaisiste chapeau. Robe du début du siècle dernier, dentelles, broche démesurée accrochée à la veste en velours prune... Je cherchai des yeux le parapluie qui viendrait achevé la panoplie mais ne le vit nulle part.

Cette journée avait décidément été riche en rencontres exotiques. Que me réservaient donc les suivantes ? pensais-je un peu apeurée.

Ne voulant pas paraître impolie à rester la dévisager, je souris et m'excusai auprès d'elle.

― Pardonnez-moi de vous déranger mais j'aurais aimé m'entretenir avec monsieur le directeur s'il vous plaît Madame. Mais si vous avez besoin de moi pour retrouver votre papyrus, je veux bien vous venir en aide, proposais-je en cherchant du regard l'endroit où pouvait se cacher la plante. Où avez-vous vu votre plante la dernière fois ?

― Ma plante ? La seule que je vois sans avoir besoin de la chercher, se tient penchée comme un roseau des marais. Une bonne dose d'engrais et les charmes du soleil ne lui feraient point de mal. Qu'en dites-vous mon enfant des champs ?

Je pris place place sur mon fauteuil qui me cassait les reins jour après jour et posant mon menton sur mes mains jointes, scrutai l'élève de mes prunelles pleines de sagesse.

Elle torturait ses mains fines, mal à l'aise. Son regard presque perdu allait de gauche à droite. Oui je la ressentais perdue. Plus sûrement que le bout de papier que monsieur Merlin désirait que je lui trouve. Ses vêtements aux formes pures lui donnaient l'air d'un ange. Aucune fantaisie ne ressortait de son apparence. Ses longs cheveux couleur châtain pendaient librement dans son dos. Son teint de porcelaine ne portait nulle trace d'artifices. La seule particularité que je lui constatai, fut la croix de bois qui reposait à hauteur de poitrine sur son corsage de coton beige. Elle paraissait si pure. Pure mais indéniablement perdue ...

Je devais sûrement l'intimider avec mes airs fantasques, mes vêtements tape à l'oeil et ma voix chantante.
Mais était-ce ma faute si chaque matin je me levais plus enjouée et motivée que la veille ? Je voulais bien offrir à cette hirondelle un peu de ma chaleur et de ma bonne humeur car je voyais bien qu'elle en manquait ...
Ne voulant par conséquent pas la mettre plus mal à l'aise, j'optai pour une nouvelle approche.

― Racontez-moi donc chère enfant ce qui vous amène à mes quartiers. Ne restez pas debout, il y a une chaise qui ne demande qu'à vous soutenir contre le mur derrière vous, ponctuai-je d'un sourire encourageant.

Vous raconter ce qui m'amène ici ? Si je vous répondais que mon monde s'écroule à mesure que les minutes défilent me croiriez-vous madame Poppins ?

Préférant user des règles de bienséance que l'on m'avait inculqué, je souris et avant de lui répondre, me dirigerai vers la chaise qu'elle pointait du bout de son index. Alors que je la saisissais par le dossier, la porte du bureau attenant s'ouvrit. La lumière qui baignait la pièce irradiait jusqu'à moi, m'empêchant de distinguer la personne qui nous avait rejoint. Étais-ce le directeur Merlin ?

― Entrez, Mademoiselle Doe, si tel est votre désir.

J'observai l'enfant. Elle semblait réellement en proie à ses propres démons. Que pouvait bien porter sur ses épaules une jeune fille à l'allure si frêle ? Même la chaise qu'elle s'apprêtait à ramener vers moi, paraissait un défi insurmontable pour elle. Je m'étais trompée plus tôt en la comparant à un roseau des marais. Elle était plus un coquelicot. Fleur magnifique par sa couleur rouge vive mais qui une fois arrachée à son environnement naturel se flétrissait jour après jour... Oui elle me semblait coquelicot subitement. Sa venue au bureau de monsieur Merlin n'était pas due au hasard. Elle semblait perdue, égarée et perceptiblement en quête de quelques vérités. Je lui conseillerai de boire des infusions de cette fleur. Elles ont des propriétés apaisantes quand on sait la doser convenablement. Ses nuits lui offriraient la tranquillité que ses jours ne semblaient pas lui réserver. J'en toucherai un mot à Jole plus tard au dîner.

Alors que je m'apprêtais à me lever pour lui venir en aide, la porte du bureau privé s'ouvrit sans bruit. La lumière du soleil retenue par l'imposante porte de chêne, empli soudain mon secrétaire. Je reportai mes yeux vers l'enfant et la vit lever les yeux vers Merlin. Ses yeux noisette, grands ouverts, me semblaient encore plus perdus.

― Entrez, Mademoiselle Doe, si tel est votre désir, annonça Merlin.

Pourquoi ne bougeait-elle pas ? Avait-elle peur de monsieur Merlin ? C'est vrai qu'avec sa barbe et ses longs cheveux poivre et sel, il pouvait impressionner... mais c'est avec la sagesse de l'âge et la générosité de son énorme cœur, qu'il régissait entre les murs du château. J'étais témoin de la générosité dont il pouvait faire preuve. Ne m'avait-il pas accueilli en ces lieux ?

― Entrez, Mademoiselle Doe, si tel est votre désir, fit la voix de celui que j'identifiais alors comme la raison de ma venue .

Merlin. Je ne voyais que sa silhouette en contre-jour. J'étais incapable de mettre un visage sur la voix mais je sentais qu'il était une bonne personne. Pourtant alors qu'il prononçait mon patronyme, un léger frisson descendit le long de ma colonne vertébrale. Je n'étais "Doe" que pour les administrations. Cela me chagrinait toujours de savoir que je n'étais pas née "Doe". Pas plus persuadée que Kamelina soit aussi mon prénom de bapteme. Qui étais-je ? D'où venais-je ? étaient les questions qui revenaient en boucle depuis toujours. Je vivais avec sachant qu'au sein du couvent, je n'avais pas plus de raison de m'interroger. Mais ici, à Broceliande, la situation etait autre ... Depuis quelques heures j'en avais de nouvelles et seul monsieur Merlin pouvait y répondre. J'en étais persuadée comme je savais que ma venue ici n'était pas plus "pour que je me fasse des amis de mon âge" comme on me l'avait dit.

― Merci d'accepter de me recevoir sans avoir pris rendez-vous, monsieur le directeur, m'excusai-je en baissant la tête.

J'étais très intimidée par l'aura qui se dégageait de sa personne. Je cru entendre une voix qui soufflait à mes oreilles "Tout ira bien mon enfant" et me retournai prête à voir apparaître "Mère" mais seul le mur me faisait face ...

― Il n'y a pas de quoi. Je t'écoute...

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Arrivée de l'infirmerie après un détour par la galerie des tableaux et des miroirs, je frappai doucement à la porte de l'administration et pénétrai dans la pièce que Rose, la secrétaire de Merlin, avait personnellement redécorée, l'ornant ― en autre ― de bouquet de fleurs de toutes sortes. Un parfum particulier l'embaumait, un parfum apaisant que je respirai profondément : avoir laissé Bobby à l'infirmerie, seul et torse nu avec Alwena, me dérangeait. Beaucoup.

― Une tasse de thé, Rose ? demandai-je avec moins d'entrain que je ne le voulais...

J'avais repris mes recherches toujours aussi infructueuses après que le coquelicot soit entré dans le bureau de Merlin. J'espérais sincèrement que l'enfant perdue aux yeux tristes pourrait trouver les réponses qui semblaient lui faire défaut. Je chantonnai, la tête dans les dossiers éparpillés au sol lorsqu'une autre de mes fleurs perdues s'annonçait moins gaiement que d'habitude.

― Une tasse de thé, Rose ?

Ma nouvelle confidente et un plateau aux odeurs alléchantes se tenaient à quelques pas de moi. Je vis de suite que quelques soucis la tarabustaient. Sa mine d'ordinaire enjouée et souriante portait un masque que je ne lui avait jamais vu. Ne se plaisait-elle plus ici ? Pourtant il me semblait avoir cru comprendre, au cours de nos diverses conversations - toujours autour d'une tasse de thé - qu'elle se plaisait ici. Quelle ombre était apparue pour que mon orchidée apprivoisée soit subitement comme au premier jour, manquant de luminosité et de soins appropriés ? Redevenue orchidée sauvage ...

― Je pensais justement à vous mon amie, chantonnai-je en me relevant toujours aussi difficilement. Quelle merveilleuse idée qu'un moment autour d'une tasse de thé. Quelle préparation avez-vous apporté aujourd'hui ? Il me tarde que vous ne me racontiez votre journée.

D'un rapide mouvement, je saisis la chaise que la visiteuse n'avait pas eu le temps de rapprocher de mon bureau et saisissant le bras de ma précieuse amie, je la forçai à s'asseoir.

« Alors Alice, quelles nouvelles m'apportez-vous du pays des merveilles ? » l'invitai-je à se confier.

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― Je pensais justement à vous mon amie, chantonna Rose.

Je déposai une tasse de thé sur sa table de travail.

« Quelle merveilleuse idée qu'un moment autour d'une tasse de thé. Quelle préparation avez-vous apporté aujourd'hui ? Il me tarde que vous ne me racontiez votre journée. »

― Ce n'est pas moi qui l'ait préparé, dis-je. C'est une élève... elle a y mit du citron, du gingembre, de la cannelle... de la vanille, aussi, il me semble.

Rose s'empara d'une chaise, la rapprocha de son bureau et me saisit le bras, me forçant à m'asseoir avant que je n'eusse le temps de réagir !

― Alors Alice, quelles nouvelles m'apportez-vous du pays des merveilles ? demanda-t-elle.

― Le pays des merveilles reste merveilleux, répliquai-je d'une voix qui même, moi, ne me convainquait pas.

Je soupirais.

« Bobby est avec Alwena, » dis-je simplement.

C'était cela, au fond, le coeur du problème.

― Le pays des merveilles reste merveilleux. Bobby est avec Alwena, ajouta ma précieuse après un soupir.

Ah ha ! Je l'avais bien deviné que quelque soucis tiraillait mon amie. Bobby et Alwena. Le rebelle et l'infirmière ... Cœur et travail ne faisait pas bon ménage, j'en savais quelque chose du haut de mon vieil âge. J'avais de la peine pour Mila. Je comprenais ... N'avais-je moi-même pas connu une passion cachée pour Kurk du temps où je peinais à faire décoller ma carrière d'actrice. Je ressentais encore le couteau en pleine poitrine à le voir courir après cette écervelée de Diana alors que moi je n'étais que transparence ...

Je savais que ma nouvelle amie avait trouvé un poste à l'école après que Bobby ait proposé à Merlin de l'engager. Je ne savais que peu de choses de son passé mais il me semblait qu'elle était très attachée à son bienfaiteur. Peut-être la reconnaissance qu'elle avait envers lui avait dévié vers quelques sentiments confus. Ne mélangeait-elle pas sa gratitude avec autre chose de plus fort, de plus compliqué ?

Je saisis la théière et commençai à verser le breuvage très odorant dans les tasses en porcelaine. Un interlude autour d'une bonne tasse de thé, voilà ce qu'il fallait à la jeune femme. Une tasse de thé et l'épaule de Rosa. Le mélange idéal pour retrouver le sourire.

« Bobby et Alwena, répétais-je pour moi-même. Les apparences peuvent être trompeuses mon enfant, » tentais-je de la rassurer. « L'arbre ne cache pas la forêt, quelque soit sa taille. Racontez-moi donc, comment vous avez fait la connaissance de ce jeune homme. Vous ne m'avez jamais raconté ce qui vous a amené à venir travailler dans cette école. À part pour faire ma connaissance j'entends, » ponctuais-je d'un rire chantant.

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Rose me fit rire et je retrouvai brièvement le sourire.

― Bobby est un gentleman, dis-je rêveusement. Un chevalier en armure : il s'est interposé lorsqu'un homme m'a abordée et n'a pas voulu me me lâcher. Les choses ont dégénérées, l'homme a sorti un couteau mais Bobby a été plus rapide ― ou presque... il s'est tout de même pris un coup. Je l'ai ramené chez moi parce qu'il ne désirait aller à l'hôpital, j'ai bandé son bras, nous avons parlé...

...et que parler. Bobby savait être à l'écoute des autres. Etre et garder secrètes les confidences : il n'avait révélé à personne que j'étais une prostituée avant de travailler au château.

« Il a pensé que je me plairais davantage ici, poursuivis-je. C'était mieux que... que ce que je faisais avant. »

― Il a pensé que je me plairais davantage ici. C'était mieux que... que ce que je faisais avant, avoua-t-elle si bas que je dus pencher le buste sur le bureau pour attraper ses derniers mots.

Le regard de Mila n'avait fait que se perdre au loin. Elle semblait ressasser ses douloureux souvenirs à mesure qu'elle les évoquait. Elle avait été le chat en détresse et Bobby avait joué les sauveurs.

Je sentais qu'autre chose la tracassait mais je savais aussi que chaque chose avait un temps. Je ne voulais pas la mettre plus mal à l'aise qu'elle ne semblait deja l'être. Son passé ne me regardait pas quel qu'il puisse être. Mila m'en parlerait lorsque le moment serait venu, si toutefois elle me voyait ainsi. Une amie et une confidente vers qui se tourner.

Elle aurait pu être mon enfant. La fille que je n'aurais jamais...

Avant de partir moi aussi vers de douloureux souvenirs, je changeais délibérément de sujet.

― À part moi et Bobby, vous vous êtes fait de nouveaux amis ici ? demandais-je en resservant nos tasses, et toutes mes félicitations Mila pour ce thé. Il est juste somptueux.

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― Merci, Rose, mais c'est Songe qui l'a fait ― c'est une élève... Quant à faire connaissance, je dois dire que je me sens quelque peu désavantagée : je suis plus âgée que les élèves qui me considère comme un membre du personnel, et les professeurs me voient un peu comme une élève puisque Merlin m'a demandé de suivre leurs cours...

« Mais je ne m'en fais pas. Je laisse le temps au temps ― je me plais réellement, ici ! Je vis dans un cadre magnifique et, malgré la morosité de Millie, j'aime travailler en cuisine ! Même les cours sont captivants ! Un peu effrayant parfois, mais captivants ! Alors, je ne me plains pas trop... »

...pas trop.

Mais pourquoi étais-je aussi énervé par le fait que Bobby soit à moitié déshabillé avec Alwena alors que j'avais fait pire ― mieux ? ― avec lui ?

― Mais je ne m'en fais pas. Je laisse le temps au temps ― je me plais réellement, ici ! Je vis dans un cadre magnifique et, malgré la morosité de Millie, j'aime travailler en cuisine ! Même les cours sont captivants ! Un peu effrayant parfois, mais captivants ! Alors, je ne me plains pas trop...

Pourquoi avais-je du mal à croire ses derniers mots ? Était-ce du à la micro grimace qu avait animé ses lèvres ou au ton moins convaincant quelle avait alors employé ? Je n'aimais pas son "pas trop" que j'associais sans mal à ses peines de cœur. Continuant sur ma lancée, je saisis la balle au bond:

― Laissez donc Millie à ses vieux chaudrons rouillés ! S'il y a quelqu'un qui n'a pas inventé le fil à couper le beurre, c'est bien elle ! Elle a toujours eut un peu de mal à partager son espace. En plus allez savoir pourquoi, elle jalouse autant ses fourneaux que son mari. Comme si j'étais intéressée ! Sornettes que ceci. Si vous voulez un conseil Mila, faites comme moi: ignorez-la ! Et sinon, quel est votre programme pour les heures à venir ? Je comptais aller cueillir quelques fleurs dans le jardin pour égayer cette pièce, m'accompagneriez-vous ? l’interrogeais-je innocemment en sirotant la fin de mon thé.

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Rosa avait une manière particulière de s'exprimer, légèrement vieillie mais si jolie ! Je me laissai gagner par sa légèreté et souris, amusée.

― Millie n'est pas une femme qui se laisse aisément ignorée, répondis-je. C'est une femme amoureuse.

Une femme amoureuse ; une femme jalouse. J'étais jalouse d'Alwena ; est-ce que cela signifiait que j'étais amoureuse de Bobby ?

« Ce sera avec plaisir que je vous accompagnerai, répondis-je à Rosa. Je crois que j'ai moi aussi envie de fleurs...! »

― Ce sera avec plaisir que je vous accompagnerai. Je crois que j'ai moi aussi envie de fleurs...!

Sur les sages paroles de ma jeune amie, je me levai et commençai à chantonner. Contournant mon bureau, je la fis se lever et lui pris d'autorité le bras que je glissai sous le mien.

― Profitons que Merlin soit en réunion pour nous éclipser. Et laissez donc ce plateau où il est. Je doute que Millie nous pardonne l'emprunt de son bien si précieux mais ce n'est que temporaire n'est-ce pas ?

Je ne laissai pas à Mila le temps de réagir et gagnai la porte principale du bureau. Ma nouvelle demoiselle de compagnie accrochée au bras, je continuai la conversation que je monopolisai sans honte.

― Et quelle est donc votre fleur préférée ? Moi je les aime toutes sans exception, chantonnai-je gaiement.

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Tout allait si vite avec Rose ! A peine le temps de dire "oui" qu'elle me prenait par le bras et m'entraînait hors de la pièce, répondant aux questions que je ne m'étais même pas encore posées !

― C'est Jole qui m'a dit de la prendre, répondis-je bêtement.

Le halfelin allait m'attirer les foudres de sa femme s'il persistait ainsi ― déjà qu'elle semblait prête à me tuer dès qu'il l'appelait par mon prénom !

Ceci dit, je compatissais : que ferais-je si Bobby m'appelait "Alwena" ?

Pleurerait. L'embrasserais. L’étriperait, elle.

Au choix.

― Les arums, répondis-je à Rose. Elles sont d'une blancheur si immaculé, d'une pureté si délicate, qu'elles sont belles à elles seules, sans besoin de faire-valoir pour être mise en valeur.

En d'autres termes : ce à quoi j'aspirais.

― Mais un bouquet de roses ou d'orchidées est tout aussi joli, ajoutai-je. Où allons-nous cueillir les fleurs ?