Butinages et papottages ...

― Mais un bouquet de roses ou d'orchidées est tout aussi joli. Où allons-nous cueillir les fleurs ? questionna Mila alors que nous foulions de nos pas légers le marbre du hall.

Stoppant devant la lourde porte de l'entrée, je me tournai vers elle et en souriant lui avouai:

― Savez-vous que j'aime rebaptiser mes amis avec des noms de fleurs ? Il est très intéressant à mon sens que l'orchidée vous plaise autant car c'est ainsi que je vous vois. Comme une orchidée. Et comme elles, vous avez besoin de soins et d'attentions de tous les instants. Si vous voulez bien Mila, je prendrais soin de vous. J'ai la main très verte n'en doutez point ...

Sentant une émotion plus forte que je ne l'aurais cru, envahir mon être, je repris d'un ton plus léger:

― Alors nous avons le choix entre le jardin aux nains, le jardin intérieur et le parc. Vers où allons-nous porter nos pas légers mon amie ? la questionnais-je en chantonnant comme à mon habitude.

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― Savez-vous que j'aime rebaptiser mes amis avec des noms de fleurs ? me disait Rose alors que nous nous engagions dans le grand hall d'entrée.

Entièrement dallée de marbre coloré, cette large pièce baignée de lumière était à couper le souffle tant elle est était somptueuse !

« Il est très intéressant à mon sens que l'orchidée vous plaise autant car c'est ainsi que je vous vois. Comme une orchidée. Et comme elles, vous avez besoin de soins et d'attentions de tous les instants. »

Une orchidée, moi ? Si seulement ! Elle ne dirait certainement pas la même chose si elle savait que je m'étais prostituée...

Bobby, lui ― évidemment ― était au courant ; pour autant, il ne me traitait ni objet sexuel ni en rebut : jamais un geste déplacé, jamais une remarque gênée. Pourrait-il aimer une orchidée même légèrement flétrie ? Il faudrait peut-être que je lui en offre un bouquet pour le savoir...

« Si vous voulez bien Mila, je prendrais soin de vous. J'ai la main très verte n'en doutez point... »

Je souris.

― Vous êtes adorable, Rosa, répondis-je. Si ça vous fait plaisir, ça me fera plaisir aussi !

La lourde porte du hall s'ouvrit au même moment que j'achevai ma phrase ― c'était Bobby, l'épaule ensanglantée. Encore.

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Ayant laissé Wynn et ses deux camarades dans le parc, j'étais revenu au château : mon épaule me lançait quelque peu à présent que la demoiselle aux iris violacés m'avait fait remarquer que ma plaie s'était réouverte et une visite à l'infirmerie s'imposait ― satané draguenin !

Je pénétrais dans le hall, me demandant si je devais d'abord déposer mes affaires dans mon cabinet ou me passer directement voir Alwena lorsque je vis Mila et Rosa. Mila eut l'air alarmée par mon état.

― La plaie s'est réouverte, c'est tout ― ce n'est pas si grave, dis-je, tentant de la rasséréner.

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― La plaie s'est réouverte, c'est tout, essaya de me réconforter Bobby. Ce n'est pas si grave...

Pas si grave ― comme lorsqu'il avait reçu un coup de couteau ! Je m'approchai inquiète.

― Est-ce que tu as mal ? m'enquis-je. Tu devrais peut-être revoir l'infirmière...

Malheureusement, il ne s'agissait pas d'une simple coupure et le soigner était au-delà de mes compétences : il devrait se tourner vers Alwena...

Je n'eus pas le temps de répondre que la porte s'ouvrit avec fracas laissant apparaître un Bobby en piteux état. Mila que la jeunesse mouvait plus vite que moi, fut la première à ses cotés.

― La plaie s'est réouverte, c'est tout. Ce n'est pas si grave... lança négligemment le jeune homme.

M'approchant quelque peu inquiétée par le rouge de sa chemise, je sentis combien Mila tenait à lui. L'inquiétude pointait dans ses mots.

― Est-ce que tu as mal ? s'enquit-elle. Tu devrais peut-être revoir l'infirmière...
― Doux Jésus, Marie, Joseph ! m'écriais-je la voix expressément suraiguë. Mais où êtes-vous donc aller trénailler jeune imprudent. Je croyais que vous étiez à l'infirmerie, aux bons soins d'Alwena. Vous seriez-vous échapper par la fenêtre de peur de quelques onguents ? Je vous croyais plus courageux Bobby ! le grondais-je tendrement, les mains sur les hanches.

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― Est-ce que tu as mal ? s'enquit Mila, son front barré par l'inquiétude. Tu devrais peut-être revoir l'infirmière...

― C'est ce que je vais faire, répondis-je en même temps que Rosa approchait.

― Doux Jésus, Marie, Joseph ! s'exclama cette dernière d'une voix qui me perça les tympans. Mais où êtes-vous donc aller trénailler jeune imprudent. Je croyais que vous étiez à l'infirmerie, aux bons soins d'Alwena. Vous seriez-vous échapper par la fenêtre de peur de quelques onguents ? Je vous croyais plus courageux Bobby !

Je souris malgré la douleur.

― Ne vous fiez pas aux apparences, Rosa, fis-je amusé. Si vous le voulez bien, Mesdemoiselles, je vais vous laisser et me cacher avant qu'Alwena ne vienne me chercher !

Je lançai alors une oeillade badine à Mila et me dirigeai vers l'infirmerie.

L'air détaché que prit Bobby en rétorquant ne servit qu'à rendre Mila moins soucieuse. Comme il venait de le dire, il ne fallait pas se fier aux apparences. Il souriait mais son sourire n'atteignait pas ses yeux. Pauvre diable, il devait vraiment souffrir. Je sentais qu'il se contenait pour ne pas inquiéter sa jeune amie.

― ... Si vous le voulez bien, Mesdemoiselles, je vais vous laisser et me cacher avant qu'Alwena ne vienne me chercher ! ajouta-t-il en se dirigeant vers les escaliers.

L'oeillade qu'il avait adressé à la jeune femme ne m'avait pas échappé. J'avais saisi l'attachement que Mila avait pour l'homme à tout faire ... Mais était-ce réciproque ? Avait -il conscience du trouble qu'il suscitait en elle ? J’interrogerai Bobby un jour prochain, autour d'une bonne tasse de thé. Le thé était toujours propice aux confidences ...

Fieffé menteur et filou de charmeur qui plus est ! pensais-je. J'espérai que Mila ne s'inquiète pas trop en le sachant avec l'infirmière.

― Allons donc cueillir quelques douceurs pour notre jeune ami. Savez-vous vers quelle variété se portent ses goûts ?
Roses, tulipes ou encore orties ? précisais-je en me rendant compte que ma question pouvait être mal interprétée.

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― Allons donc cueillir quelques douceurs pour notre jeune ami, proposa Rosa. Savez-vous vers quelle variété se portent ses goûts ?

J'aurais aimé le savoir, pensai-je. Des orchidées ? Et Alwena, quel genre de fleur était elle...?

« Roses, tulipes ou encore orties ? » ajouta la secrétaire, attirant mon attention.

― Orties ? répétai-je.

Non, je doutais qu'il les apprécie !

« Dites, Rosa, quel genre de fleur est Alwena pour vous...? »

Pouvais-je espérer qu'elle ne fût qu'un bouquet urticant d'orties ?

Quel genre de fleurs je voyais pour représenter Alwena ? Je n'osais lui avouer ma pensée profonde.

Plante carnivore ? Alors que je l'imaginais sans honte dévorer du feu ardent de sa rousse chevelure le pauvre Bobby qui ne résisterait pas longtemps à la belle.

― Une fleur pour Alwena, répétais-je songeuse. Laissez-moi réfléchir mon enfant. Hortensia ? Non ... inopportun au vu de son métier. Marjolaine pourrait convenir mais je serais plus tenter de lui attribuer l'œillet rouge. Oui ! J'opte pour l'œillet rouge. Mais ne pipez pas mot de cela à l'intéressée. Ce sera notre petit secret, m'amusais-je à chuchoter, un doigt sur la bouche.

Sans laisser à Mila le temps de m'interroger, je saisis la poignée métallique de la porte d'entrée et l'ouvrit avec peine. L'air frais du soir couchant me fit frissonner.

― Après vous jeune fille. La cueillette nous attends. Il ne nous reste pas longtemps avant que le soleil ne se couche et je ne voudrais pas dormir dehors. Surtout avec toutes les créatures tapies à l'extérieur ...

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Les créatures tapies à l'extérieur ?!

Tout à coup, je n'étais plus aussi certaine de vouloir cueillir des fleurs !

― Peut-être devrions-nous remettre cela à demain, proposai-je. Lorsqu'il fera jour...

J'aurais dit « soleil » mais il y en avait rarement ― ici, le ciel se semblait pas désirer se départir de sa grisaille, laissant filtrer une lumière blafarde à travers les nuages. Non pas que l'atmosphère était déprimante : au contraire ! Il y avait tant de verdure que j'avais le sentiment d'habiter dans un écrin de mousse de feuilles, l'air embaumé par le parfum de la chlorophylle ! En revanche, j'appréciais moins les bêtes qui y vivaient également...

― Une jeune fille courageuse comme vous aurait-elle peur des farfadets et autres créatures de la forêt ? Je ne suis pas experte en la matière mais je doute qu'ils s'aventurent hors de leurs cachettes avant une heure avancée de la nuit. Je n'en ai encore jamais encore rencontré et je ne programme pas de le faire ce soir ...

Mes derniers mots n'eurent pas l'effet escompté. Mila ne quitta pas son masque apeuré malgré mon air rassurant. Ne voulant pas la forcer de peur de la traumatiser, j'optais pour une meilleure solution.

― Et si je vous faisais visiter les jardins intérieurs. Je demanderai à Bobby de nous fournir des lanternes magiques pour notre prochaine expédition nocturne...

Je ne m'adressai qu'à une Mila silencieuse et perdue je ne sais dans quelle pensée obscure. Son teint était toujours pale. Souffrait-elle de terreurs liées à la nuit ? Ou était-ce la magie qui régnait en ces lieux qui la faisait frisonner ?
Je respectais son silence et lui prenant le bras, la guidai vers la tour est pour gagner mon deuxième coin de paradis.

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