Hesitation malchanceuse ...

Pour l'instant, on peut dire que j'avais eu de la chance. Pourvu que ça dure...

Ne partageant ma chambre qu'avec moi-même, je n'avais pas à écouter les inlassables jérémiades d'un camarade de classe. Sachant combien le hasard pouvait être "taquin" quand il le voulait, il m'aurait flanqué d'un intellectuel boutonneux, plongé corps et âme dans sa pile de livres, ne jurant que par des formules aussi complexes les unes que les autres...
Moi, et j'avais été clair sur ce point avec Père, je n'étais pas à Brocéliande pour devenir un maitre des potions et des sortilèges ― Olympia se débrouillant très bien dans ce domaine - mais pour exécuter "ses ordres".

Ma mauvaise volonté à poursuivre son œuvre, n'avait d'égale que les médiocres résultats scolaires que je m'étais promis d'avoir.

Au moins une chose dans laquelle j'excellerai. Non pas que je n'étais pas assez intelligent pour prétendre à des diplômes mais ma maladresse et ma lassitude l'emportaient toujours sur mon envie de réussite.

Pendant les rares moments où j'envisageai mon avenir, je ne le voyais pas autrement qu'aux côtés de Camélia. Je m'imaginais travailler la terre de notre petite ferme. Nous élèverions des poules et des lapins...
Camélia, mon aimée... Elle me manquait déjà alors que nous n'étions séparés que depuis quatre jours. Je me promis de lui écrire dans la soirée pour lui raconter mes premiers jours au château. Je lui mentirai sûrement, ne voulant pas qu'elle s'inquiète pour moi. Je raconterai combien les cours étaient enrichissants. Je lui décrirai les décors somptueux que je découvrais en me promenant. M'amuserai à caricaturer mes camarades. Un large éventail de mensonges...
Sitôt les cours terminés, je me réfugiais dans ma chambre, à l'abri, fuyant tout contact...

Père m'avait forcé à venir ici. C'était sa volonté, pas la mienne... Hors de question que je lui facilite la tâche. Les autres élèves pouvaient bien penser de moi ce qu'ils voulaient - asocial, sombre, discret - je n'avais cure de leurs sentiments. Moi je savais qui j'étais et ce que je voulais faire de ma vie - la magie n'en faisant certainement pas partie !

J'en étais là de mes conjonctures, à tenter de me rappeler où se situaient les cuisines ― droite, gauche, prendre l'escalier ? ― lorsque je reconnu le bruit caractéristique d'une porte qui claque...

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Surprise par un coup de vent, la porte pourtant loude et massive m'échappa et se referma dans un claquement qui résonna violemment dans le hall.

Aïe.

L'air avait douloureusement vibré, me coupant le souffle.

Note à moi-même : faire attention avec les portes et les courants d'air. Laissée songeuse par les larmes du garçon rencontré dans le jardin aux nains, je n'avais pas pensé que le vent pourrait m'arracher la porte...

― Pardon, m'excusai-je auprès du garçon aux mèches blanches présent dans la pièce.

Je me tournai vers l'origine du bruit, surpris qu'une voix cristalline fasse écho au bruit assourdissant qui m'avait sorti de mes pensées.

― Pardon ! fit la jeune fille d'une voix gênée.

Je la reconnu pour l'avoir aperçu à l'un des cours dispensés par l'école.
Me revint en mémoire ma première impression lorsque je l'avais vu déambuler entre les tables pour trouver place.

Olympia

Je ne savais pas pour l'instant si de ma jumelle elle ne tenait qu'un physique très approchant ou si la ressemblance allait au delà ... Même mauvais caractère, un narcissisme à la limite de l'égocentrisme absolu, une suffisance égale à la laideur de son âme...

Bref l'archétype de la sœur "plus que parfaite" qui ne cessait de vous rabaisser à longueur de journée. C'était peut-être le seul point positif que je voyais en venant à cette école. L'éloignement de mon double qui ne cessait de me rabaisser en constatant que de commun nous n'avions malheureusement que la poche qui nous avait servi de foyer pendant neuf mois.

Ne désirant pas pour l'instant vérifier si ma théorie était bonne ou mauvaise, je me contentai de hausser les épaules.

― Ce n'est que le vent, répondis-je aussi sympathiquement que possible. Je n'étais pas d'humeur à engager une conversation - ma faim me tiraillant de plus en plus - et j'espérai qu'elle était suffisamment intelligente pour le comprendre en me voyant me détourner de sa petite silhouette, m'apprêtant à la fuir.

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Nous descendions les escaliers du hall, après avoir quitté la bibliothèque Cléophée et moi, en parlant du décor majestueux et coloré du château. Majestueux et pourtant chaleureux. L'atmosphère entre les murs était presque enivrante !

Je remarquai que deux personnes étaient dans le hall. Cheveux argentés, presque blancs, traits fins et épurés... Si j'avais déjà aperçu la jeune fille à la robe sombre, je découvrais le jeune homme ― sûrement son frère.

― Bonjour, leur fis-je en m'approchant d'eux.

Mais visiblement, nous ne tombions pas au bon moment. Le garçon, le visage sombre, semblait vouloir à tout prix s'éloigner de sa sœur qui paraissait gênée.

Des voix et des pas en provenance de l'escalier de marbre me firent tourner la tête dans sa direction. Deux jeunes filles en descendaient. Leur tête ne me rappelait rien mais il faut dire que je n'étais pas ici pour gonfler mon carnet mondain.

Comme je le craignais plus tôt, ma chance m'avait définitivement quitté pensais-je en voyant l'une des deux s'avancer en nous saluant.

― Bonjour, dit-elle d'un air aimable avant que l'expression de son visage ne change.

Avais-je l'air aussi sombre que je le craignais ? Pourquoi ses yeux passaient-ils de moi à "la copie" qui n'avait toujours pas bougé de l'entrée ? Ne voulant pas vraiment me mettre en grippe les élèves, lesquels pourraient un jour m'être utiles, et sentant le malaise qui enveloppait peu à peu le hall, j'avançai à mon tour vers elles tout sourire - contraint mais rassurant, je l'espérai !

― Maintenant que nos chemins se sont croisés, l'une d'entre vous aurait-elle l'amabilité de me diriger vers les cuisines ? questionnai-je en fixant mon regard dans les yeux couleur mauve de celle qui me semblait la plus dégourdie des deux.

Ayant quitté la bibliothèque, nous étions arrivées dans le hall, le gigantesque hall. Mais nous n'y étions pas seules.
La demoiselle, j'étais presque certaine de l'avoir déjà croisé rapidement, sans toutefois lui avoir adressé la parole, mais le jeune homme, lui, ne me disait rien. Etait-il donc un nouvel arrivant ?
En tout cas, a son expression il me semblait qu'il voulait fuir la jeune fille pour une raison connu de lui seul.
Apparemment, je n'était pas la seule à être hantée par des démons.

Il s'approcha de nous et adressa la parole à Wynn, semblant m'ignorer, ou croire que j'étais négligeable.
Il voulait aller aux cuisines, et je sentais que j'allais devoir abandonner Wynn à son rôle de guide... En même temps, je n'étais pas la mieux placée pour l'orienter...

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Le jeune homme ne répondit pas à mon salut mais s'avança vers nous avec un sourire plutôt crispé. Il me demanda :

― Maintenant que nos chemins se sont croisés, l'une d'entre vous aurait-elle l'amabilité de me diriger vers les cuisines ?

Je tournai la tête vers Cléophée et arquai un sourcil. Non mais pour qui se prenait-il ? Ça le brûlerait la langue de dire 'bonjour' et de faire un peu de conversation ? Apparemment oui. Il était peut-être fâché contre sa sœur, mais nous n'y étions pour rien. Nous n'avions pas à supporter sa mauvaise humeur - ce que les hommes manquent d'égards, de nos jours ! Je lui répliquai donc sèchement :

― Les cuisines se trouvent au premier étage, face aux balcons. Et, à l'avenir, aie toujours ton plan avec toi, ça t'évitera d'avoir à adresser la parole à des personnes qui ne t'intéressent pas.

Je ponctuai ma réplique d'un signe de la tête avant de me diriger vers les portes menant à l'extérieur.

Suite à la demande de ce garçon, Wynn tourna la tête vers moi. Je devinai à son expression qu'elle n'appréciait pas ce comportement. Et sa réplique me le confirma.

― Les cuisines se trouvent au premier étage, face aux balcons. Et, à l'avenir, aie toujours ton plan avec toi, ça t'évitera d'avoir à adresser la parole à des personnes qui ne t'intéressent pas, assena-t-elle sèchement.

Sur ces mots, elle repris son chemin vers les grandes portes et je lui emboîtait le pas, ne tenant pas à être témoin de la réaction du jeune homme qui, je suppose, ne sera pas très heureux. S'il était nouveau, ses premiers jours semblaient mouvementés.

― Les cuisines se trouvent au premier étage, face aux balcons. Et, à l'avenir, aie toujours ton plan avec toi, ça t'évitera d'avoir à adresser la parole à des personnes qui ne t'intéressent pas.

L'adjectif "dégourdie" pour qualifier la propriétaire des yeux mauves me sembla plus que de circonstances. En voilà une qui ne semblait pas être du genre à se laisser marcher sur les pieds ! Elle aurait fait une parfaite compagne de jeux pour ma chère Olympia. Pensée qui ne fit qu'augmenter ma mauvaise humeur passagère.
Posant un sourire au coin de mes lèvres, ne cherchant pas plus à excuser mon impolitesse, je la laissai filer vers la sortie accompagnée de son ombre silencieuse. Avant de suivre la direction indiquée, je ne pût m'empêcher de chercher des yeux "la copie".

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Suivie par Cléophée, j'ouvris la porte du hall, faisant entrer l'air frisquet de Septembre et claquai la porte.

― Bon sang, fulminai-je, qu'il aille voir aux cuisines, si j'y suis !

Mon regard balaya le paysage qui s'offrait à lui : verdoyant, arborescent et désert de tout être humain.

« Excuse moi, fis-je à Cléophée, je n'aurais peut-être pas du partir comme ça du hall... Mais, je n'ai pas apprécié son comportement. Il a à peine fait attention à nous ! »

Je comprenais sa mauvaise humeur. Raison ou pas raison, ce type n'aurait pas dû nous traiter ainsi.

― Ne t'en fais pas. Je n'ai rien dit, mais je n'en pensais pas moins. J'ai comme l'impression qu'il m'a royalement ignoré. Je ne sais même pas pourquoi mais bon, peu importe. J'observai la pente herbeuse s'étendant devant nous puis reportai mon regard sur Wynn. Où allons-nous ?

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― Il y a des gens qui se croient supérieurs à d'autres et ça m'énerve ! Enfin bref.... ça ne sert à rien d'en reparler.... Hum.... Nous pourrions aller au Lac, qu'en penses-tu ?

C'était un des endroits qui me tentaient le plus. Un lac.... Serait-il aussi étrange et captivant que le château ?

Un lac ? Dans un tel endroit, ce devait être particulier. Cela me tentait bien d'aller le voir.

― Avec joie ! Je lui souris.