Rencontre dans le jardin aux nains

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Il y avait certainement meilleur endroit pour faire ses devoirs, mais les petits nains du jardin fleuri étaient des camarades placides, imperturbables, qui ne risquaient pas de me donner d’ordre. Les autres ne réalisent jamais à quel point ils usent de directives : ‘attends’, ‘écoute’, ‘dis-moi’, ‘arrête’, ‘laisse-moi voir’ et même ‘fais attention’ ! Ici, j’avais la paix et, même si j’aurais été plus à l’aise assise à une table, j’aimais la tranquillité de ce petit coin de verdure apprivoisé dont l’air était embaumé par le parfum des roses, des jacinthes, des œillets et des gueules-de-loup ― entre autres fleurs que je n’étais pas parvenue à identifier. Si je trouvais le temps, j’irai peut-être à la bibliothèque prendre un livre sur les plantes ; ou alors, je demanderais à la professeur d’herbologie quelles elles étaient… Bobby Wolfe, l’homme à tout faire, aurait certainement pu me le dire, mais je le trouvais légèrement (pour ne pas dire ‘très’) intimidant.

Perdue dans mes pensées, je n’entendis pas tout de suite les petites portes du jardin s’ouvrir…

"Culpabilité,
Seule compagne du rat.
Abandonné"

Je commençais à étouffer dans l'enceinte du château. Moi qui était un habitué des espaces ouverts constatait que je devais probablement être claustrophobe. Ou peut-être était-ce à cause de tout ce brouhaha incessant qui régnait dans les couloirs et que je ne pouvais pas comprendre? Peu importait pourquoi, mais je me sentais vraiment décalé au sein de l'école. Pourquoi étais-je venu ici?

"Parce que c'était la dernière volonté de Nezumi... Tu sais, ce qu'il t'a demandé avant d'être emprisonné à ta place..."

Je secouai la tête pour tenter d'échapper à cette voix dérangeante. Il ne fallait pas que je pense à ça..Et pourtant, que pouvais-je faire d'autre lors de ce cours auquel je ne comprenais rien? J'étais piégé. Piégé avec ma culpabilité, piégé avec moi-même.

A peine la cloche eut-elle résonné à la fin de l'heure que je me saisis de mon vieux sac en toile noire, en laborieux état, et courus hors de la salle de cours. Peut-être eus-je l'air encore plus étrange aux yeux de mes camarades? Je m'en occupais et me dirigeai à une vitesse folle vers le jardin aux nains, dont j'ouvris précipitamment les portes.

Je ne remarquai pas la présence de la jeune fille et m'assis sur une pierre, serrant convulsivement contre moi le dernier souvenir de ma vie passée.

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Je relevai la tête, surprise par l’arrivée du jeune homme ; les oiseaux s’envolèrent et une souris détala entre les fleurs à son approche…

Il se jeta plus qu’il ne s’assit sur une roche ronde près d’un arbrisseau verdoyant et, tête baissée, les épaules voûtés, paraissait complètement accablé.

Tout à coup, je me sentais de trop : il semblait prêt à pleurer et, tels les oiseaux, je préférai partir, le laisser à sa peine… peine qu’il désirerait certainement cacher, pensant être à l’abris des regards dans ce jardin habité par les farfadets…

Je rangeai donc rapidement mes affaires et me levai silencieusement avant de me diriger à pas de chat vers le portail…

Hors RP : Tu as marqué "ta présence", mais j'imagine que tu voulais dire "la présence de la jeune fille" ?

Comme vous vous en doutez, mon garçon, m’avait écrit Lord Witherby, ce n’est pas par que par esprit de provocation que vous êtes inscrit à l’école de Merlin ; vous êtes là pour rétablir la vérité et nous réapproprier ce qui nous appartient de droit ― mais je vous en révèlerai davantage plus tard. Pour le moment, explorez les lieux et prenez note de tout : le château de Viviane est un aimant à tout ce qui se rapporte à la Magie ; à croire que lorsqu’elle l’a bâti, elle pensait à nous…

J’ignorais à qui précisément ce ‘nous’ faisait référence mais cela me plaisait d’en faire partie, d’autant que mon rôle ― je le pressentais ― même si mimine, serait clé.

Aussi, je m’employai à faire ce que le notaire m’avait ordonné : explorer les lieux ! Aidé de la carte que nous avait remise l’administration, je commençai par le parc : les jours étaient encore clairs ; je me réservais l’exploration de la forteresse le soir et les jours de pluie, lorsque sortir serait un problème…

Sacoche en bandoulière, vêtu d’un uniforme que aux couleurs de l’école que celle-ci n’exigeait même pas (système d’éducation britannique oblige, je ne concevais pas ne pas en mettre), je traversai le parc que j’avais partagé en coins et en zones afin de mieux le parcourir. Cette après-midi, je me dirigeai vers le jardin aux nains ― un nom qui piquait ma curiosité !

Un mur de brique ceint d’une haie de buis en faisait le tour, son portail orné d’une arche fleurie. Je poussai ce dernier et découvris deux autres élèves déjà présents : une jeune fille aux cheveux pâles et mon très réservé camarade de chambre.

‘Camarade’ au sens large.

― Mademoiselle, fis-je avec un sourire aimable avant de me tourner vers le garçon. Haiko…

"Surpris,
Importance du paraître.
Souris"

Ella était si discrète que je ne m'étais même pas aperçu de sa présence. Même lorsqu'elle se leva pour quitter le jardin aux nains - inutilement, puisque j'étais trop perdu dans mes pensées pour faire attention au monde extérieur. Je jouais avec le bas de ma chemise d'uniforme. Comme Morgan, j'avais choisi de porter le mien, par respect des règlements japonais pour ma part. Même si je n'avais pas fréquenté les lycées de mon quartiers. Quelle avait été ma stupeur lorsque, en ouvrant un des livres de cours, j'avais constaté que je pouvais lire le Romaji - bien que je n'eusse rien compris.

Toutefois, je ne pus ignorer l'arrivée de Morgan. Je sursautai en entendant sa voix, voix que j'avais d'ores et déjà appris à reconnaître. Un peu surpris de le trouver là, j'essuyais mes joues où des perles salées avaient laissé quelques traces. J'entendais presque Nezumi me chuchoter, comme il le faisait toujours "Ne montre pas tes sentiments aux autres. Celui qui ressent est celui qui perd". Jamais je n'avais réussi à mettre ce précepte en application.

Toutefois, quelque chose chez mon camarade de chambre m'inspirait la prudence. Pourquoi me paraissait-il aussi dangereux que certains des jeunes habitants mon quartier, ce qu'on m'avait toujours défendu d'approcher? Je l'ignorais, mais n'éprouvais aucun sentiment de confiance à l'égard de Morgan. Certains soirs, lorsque je le voyais écrire dans son journal, il me semblait bien mystérieux, et m'intimidait.

Aussi me contentai-je d'incliner le torse, saluant comme on me l'avait enseigné à Osaka, lorsque je l'entendis prononcer mon prénom. Le mot qui avait précédé ce dernier attira mon attention. Mon compagnon me prenait-il pour une fille? Un petit mouvement près du portail attira mon attention et je notai enfin la présence d'Ella.

Rougissant un peu de honte à l'idée qu'elle m'avait sûrement vu pleurer, je murmurai:

― K-konbanwa..., avant de me reprendre et de répéter, dans un français hésitant et au fort accent japonais, Bonsoir...

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Pourquoi avais-je la désagréable sensation d’être prise sur le fait ? Je ne faisais seulement que partir ― discrètement, certes, mais que partir ! Les joues de Haiko (si j’avais correctement saisi son nom), toutefois, se coloraient de honte, embarrassé de découvrir tout à coup ma présence.

― Vous partiez ? demanda l’autre garçon avec une trace d’accent anglophone.

Je hochai la tête :

― En effet, répondis-je du bout des lèvres. Je partais…

Le jeune homme s’écarta des petites portes du jardin, me cédant aussitôt le passage. D’un geste galant, il me désigna alors la sortie.

Serviable, pensai-je.

Ramenant une mèche derrière l’oreille, je me mis en marche.

― Merci, lâchai-je doucement en le dépassant.

― Mon plaisir, répondis-je ― même si la formule n’était pas adéquate en français — alors que la jeune fille me dépassait, laissant sur son passage une légère fragrance fleurie.

J’entrai alors dans le jardin, sortant de ma sacoche de cuir noir un petit carnet, sans accorder davantage d’attention à Haiko ― un élève ultra réservé, effacé et sans personnalité dont la présence était aussi peu remarquée que l’absence. Cela m’arrangeait : je pourrais me permettre de faire davantage de choses le soir sans qu’il me posât de questions…

Je le laissai donc à son rocher rond et m’assis sur le blanc, commençant à croquer les petits nains aux airs de farfadets auxquels je faisais face…

"Curiosité,
Différences de cultures.
Observer."

Lorsque Ella quitta le parc, je n'eus aucun réflexe pour tenter de l'arrêter. J'avais bien compris qu'elle se sentait mal à l'aise et ce par ma faute. Après tout, j'étais le premier à l'avoir dérangée durant son travail. Mais comment aurais-je pu l'arrêter? Mes maigres connaissances en français se limitaient à "bonjour", "s'il vous plait" et autres formules de politesse - et encore, je n'étais pas sûr de savoir quand les utiliser. Je retins un soupire. M'intégrer dans cette école risquait de s'avérer encore plus difficile que prévu.

Je regardai la jeune fille aux cheveux pâles partir, me laissant seul avec l'étrange Morgan. Je ne le quittais pas des yeux alors qu'il s'asseyait pour dessiner. Un petit sourire étira mes lèvres devant cette scène, qui me rendit légèrement nostalgique. D'un oeil de spectateur expert, je l'observais ébaucher des portraits qui ne pouvaient qu'être splendides, l'air très concentré.

Contrairement à ce que les autres élèves pensaient, je n'étais pas timide, loin de là. Habituellement, j'avais même le contact plutôt facile, me liant aux gens bien trop rapidement aux yeux de Nezumi. Je m'approchai donc de Morgan, curieux. Je ne pus retenir une exclamation admirative devant le croquis qu'il venait de réaliser, ce qui le dérangea probablement.

― Kirei desu!*

Je me penchai alors encore un peu pour admirer chaque détail. Tout était si fidèle aux modèles originaux, les postures, les airs malicieux. Même les petites fissures sur les statues de pierre avaient été reportées. J'avais rarement vu un travail aussi parfait.

***

*Kirei desu: c'est joli.

Irrité par la présence trop invasive de Haiko, je le repoussai d’un geste de l’épaule :

— Garde tes distances, Haiko, demandai-je sans relever les yeux de mon esquisse. Je ne partage pas mon travail avec les autres.

Avait-il saisi l’essence de ma demande ? J’en doutais, d’autant que j’avais parlé d’une voix posée ; en revanche, mon geste avait été très clair…

Sorti des cuisines, mon encas à la main, je m'interrogeai sur l'endroit où je pourrais trouver la tranquillité que mon esprit réclamait. Devinant que l'étage des garçons devait grouiller d'activité, je préférai sortir prendre l'air. Je ne l'avais pas encore fait de la journée. Voilà peut-être qui excusait ma mauvaise humeur du jour. Laissant mes pas me guider, je rebroussai chemin et descendis les escaliers d'un pas léger. Les biscuits laissaient échapper un mélange d'odeur assez particulier. Je reconnaissais par moment des notes chocolatées mais n'arrivais pas à identifier celle qui semblait dominer. Je le découvrirai bien assez tôt, lorsque je n'en ferai qu'une bouchée.

Je poussais la lourde porte du hall et débouchai à la lumière du jour.

Le vent soufflait, léger, s'engouffrant dans mes cheveux détachés et à l'intérieur de ma chemise blanche. Le soleil réchauffait juste après son passage.

Je repassai mentalement les visages de ceux que j'avais croisé en l'espace de quelques minutes. Les classant et les cataloguant sans m'en rendre compte. Une habitude que j'avais pris très jeune lorsque je rencontrais de nouveaux domestiques ou d'autres précepteurs. Je procédais par ordre d'apparition.

La copie excusée. La dégourdie aux yeux violets. L'ombre silencieuse. Le couple nains des cuisines. La jolie contrariée. L'odorante et spontanée lutin vert .

Perdu dans mes pensées, je ne m'aperçu pas de suite que j'arrivai en bout de chemin. J'eus le réflexe de m'arrêter avant de me prendre les portes en plein visage. L'assiette manqua de se renverser et son contenu avec.
Me revint en mémoire des mots entendus plus tôt A l'avenir, aie toujours ton plan avec toi, ça t'évitera d'avoir à adresser la parole à des personnes qui ne t'intéressent pas. Que savait-elle des personnes qui m'intéressaient ou pas ! Mais certes pour le plan, elle avait raison. Je le prendrai dorénavant ...

Poussant les portes d'une main, je m'aventurai dans ce que je nommerai un espace de verdure. Un parc ou un jardin peut-être. Je cherchais du regard un endroit discret où trouver place. Mon estomac gargouillait, et mon humeur allait en decrescendo ... Avisant un banc solitaire devant un bassin d'où sautaient des grenouilles, je me dirigeai vers lui, m'allongeai et fermant les yeux, commençai la dégustation des biscuits odorants.

Un fin sourire étira mes lèvres. Sourire sans joie, certes, mais sourire quand même. Contrairement à ce que pensait Morgan, son geste ne m'incita pas à m'écarter de lui. Bien au contraire! Je tendis les mains, comme pour demander une feuille et un crayon.

Je m'arrêtai et jeter un regard noir à mon camarade de chambre ― mais qu'est-ce que cet idiot croyait ? Que j'allais déchirer une page de mon carnet, lui passer mon crayon ? En rêve ! Et même encore !

Quel était son problème ? Il y avait à peine une quinzaine de minutes, il pleurnichait tel un bébé, rougissait comme une oie blanche ! J'aurais pensé que le repousser l'aurait fait fuir du jardin ― hélàs, il restait là, sourire idiot, à tendre les mains !

― Quoi que ce soit que tu es, je suis persuadé que c'est compliqué à prononcer, dis-je sarcastique en refermant mon cahier, le rangeant dans ma sacoche.

De toute façon, j'en avais terminé avec mes croquis, je pouvais passer aux photos. Je retirai donc un appareil et me levai.

« Fais en sorte de ne pas te mettre devant, avertis-je Haiko. Je te vois déjà assez comme ça ! »

Je ne réagis pas vraiment, ayant l'habitude de ce comportement, et peut-être même plus que ce croyait Morgan. Je haussais simplement les épaules en l'entendant prononcer tous ces mots que je ne pouvais comprendre, et ne fus que légèrement déçu lorsqu'il rangea son cahier. S'il ne voulait pas dessiner avec moi, je ne pouvais pas le forcer.

Toutefois, je lâchai un soupire en le voyant commencer à prendre des photos sans prendre la peine de choisir son angle de vue comme il faut. Exaspéré, mais toujours souriant, je lui attrapai le bras pour le guider gentiment à une place, sur un rocher, où il aurait un meilleur angle de vue.

Haiko était tel un moucheron : petit, insignifiant, hautement énervant. Je le repoussai avec une force contrôlée, qu'il comprît que je ne désirais pas qu'il s’immisce dans mes affaires :

― Et si tu allais voir ailleurs, demandai-je.

Cette nouvelle attention pour ma personne aurait été flatteuse si elle ne m'empêchait pas de faire ce que j'avais à faire ― un repérage des lieux sous toutes ses facettes pour le notaire.

Il est gay, c'est certainement ça son problème, me dis-je tout à coup en prenant un cliché des nains, posés sur leurs piédestaux de pierre. Je ne voyais pas d'autre raison pour qu'il me tourne ainsi autour. Ça ne m'aurait pas dérangé s'il ne traînait pas dans mes pattes. Je devrais probablement rapidement y remédier...

Mes biscuits avalés, du moins ceux au chocolat car les autres ― au beurre de cacahuète me semblait-il avoir reconnu au goût ― n'étaient pas très alléchants, je me sentais de bien meilleure humeur. La faim avait toujours eu des effets dévastateurs sur mon humeur. J'avais enfin pu mettre un nom sur l'odeur indéfinissable qui avait accompagné chacun de mes pas jusqu'au banc. Beurre de cacahuètes. Mais où allait le monde si on commençait à créer de telles aberrations culinaires ? Il fallait à mon sens et surtout en cuisine laisser à César ce qui appartenait à César... Les biscuits incriminés avaient trouvé refuge dans le bassin aux grenouilles ! Qu'elles en profitent si leur estomac était moins capricieux que le mien ...

Je me rendis compte en ouvrant les yeux que le soleil avait quelque peu décliné ce qui rafraichissait l'air. Je m'étais assoupi quelques minutes. Une bonne chose car cela avait accéléré ma digestion. Je m'assis en prenant soin de ne pas briser l'assiette en porcelaine, que je devais encore rendre en cuisine, et posai mon regard autour de moi. De la verdure, des statues de nains et d'elfes décoraient les parterres de gazons fleuris. Un lieu très accueillant et très reposant. Pas étonnant que je m'y sois assoupi, pensai-je.

Je me levai, prêt à retourner au château lorsque j'entendis un léger bruit métallique venir de ma droite. Je portai mon regard vers la source tentant d'en définir l'origine lorsqu'un flash accompagna le bruit singulier.
Un appareil photo ! Il me semble que je ne suis pas le seul à m'être laissé envoûté par cet endroit.

Je saisi l'opportunité et me levant du banc, approchai de la lumière qui zébrait le jardin à intervalles irréguliers. Deux silhouettes me tournaient le dos. Masculines ou féminines, j'étais trop loin pour les distinguer. Ne voulant pas surprendre le binôme dans leur activité en les hélant, je préférais toussoter pour annoncer ma présence. Je patientais, assiette en main ...

Je captai tout un à coup un faible toussotement et détournai les yeux vers l'arrivant. Un bref instant ― à peine un dixième de seconde ― il me sembla que c'était la demoiselle de tout à l'heure, celle qui avait le jardin à mon arrivée ; mais je constatais rapidement que je me trompais : j'avais affaire à un jeune homme de mon âge, sa chevelure aussi pâle que la mienne était sombre, ses yeux d'un brun aussi clair que les miens étaient d'un bleu vif ― presque des opposés...

Après la soeur, le frère.

― Elle est repartie vers le château, dis-je, précédant sa demande. Si tu la cherches..., ajoutai-je, tout à coup moins sûr de moi.

Deux têtes se retournèrent de concert.

Deux garçons qui n'avaient de commun que la couleur noire de leur cheveux et leur passion pour la photographie. L'un, aux traits asiatiques, était plus petit, plus jeune aussi, que l'autre, celui au regard perçant, qui semblait à peu près avoir mon age.

Il ne me semblait pas les avoir aperçu avant. Mais il est vrai que je n'étais pas très observateur et encore moins physionomiste.

― Elle est repartie vers le château. Si tu la cherches... annonça celui qui tenait l'appareil photo en mains en regardant dans ma direction. L'intensité de son regard bleu me mit un instant mal à l'aise.

Alors que je m’apprêtais à me présenter, je gardai ma phrase en suspension, et me retournai surpris, pour voir à qui il s'adressait mais ne trouvai personne à part les gargouilles figées dans le marbre et les batraciens sautillants.

― Euh, je ne sais pas à qui tu crois t'adresser mais il doit y avoir méprise, me moquais-je gentiment en m’avançant vers lui la main tendue, je ne voulais pas déranger, excusez-moi !

Surpris, le jeune homme se retourna comme pour vérifier à qui me m'adressais. Ne voyant personne d'autre, il finit par sourire, amusé :

― Je ne sais pas à qui tu crois t'adresser mais il doit y avoir méprise, dit-il en s’avançant, la main tendue. Je ne voulais pas déranger, excusez-moi !

― Tu ne déranges rien ni personne, répondis-je en me penchant pour lui serrer la main. Morgan Le Fay, me présentai-je. Une élève te ressemblant grandement était dans le jardin, un peu plus tôt ; je pensais que tu étais son frère et que tu la cherchais...

― Tu ne déranges rien ni personne. Morgan Le Fay, se présentât-il en me serrant la main. Une élève te ressemblant grandement était dans le jardin, un peu plus tôt ; je pensais que tu étais son frère et que tu la cherchais...

Si la surprise anima mes traits, elle fut vite rejointe par une grimace quand je compris à qui il faisait allusion. La jeune fille du hall. La copie... Était-ce elle ? Sûrement. Je ne voyais qu'elle. Même moi j'avais vu sa ressemblance avec Olympia. J'avais déjà une soeur et cela me suffisait amplement.

― Oh ! Je crois savoir à qui tu fais allusion mais non, ce n'est heureusement pas ma sœur... De jumelle je n'en ai qu'une et crois moi, il vaut mieux l'imaginer loin d'ici. Enchanté Morgan, moi c'est Angel, annonçai-je en détournant mon regard vers celui qui n'avait pas bougé. Vous faisiez quoi si ce n'est pas trop indiscret ?

Grimace ― apparemment, la pensée de la demoiselle évoquait quelque chose de désagréable. Rivalité fraternelle ?

― Je crois savoir à qui tu fais allusion, mais non, ce n'est heureusement pas ma sœur..., me dit-il.

Bonne nouvelle : elle était mignonne et il ne m'en voudrait pas si je me rapprochais d'elle...

« De jumelle je n'en ai qu'une et crois moi, il vaut mieux l'imaginer loin d'ici, poursuivait-il. Enchanté Morgan, moi c'est Angel. Vous faisiez quoi si ce n'est pas trop indiscret ? »

Je jetai un regard vers Haiko, lequel nous regardait de ses yeux de chiot attentif.

― Je cède à la passion du dessin, répondis-je. Je croque ce qui me plaît, je prends des photos pour aller avec... Haiko, lui, pleurait. Déception amoureuse, il me semble...

Morgan laissa quelques secondes passer, semblant absorber mes mots. Après avoir regardé celui qui n'avait toujours pas bougé depuis mon approche, il me répondit d'un ton étrange:

― Je cède à la passion du dessin, expliquât-il. Je croque ce qui me plaît, je prends des photos pour aller avec... Haiko, lui, pleurait. Déception amoureuse, il me semble...

Je n’empêchais pas un sourire d'animer mes lèvres mais me retins de rire. Morgan se moquait-il de son compagnon de jeux ? Haiko ... Bien étrange prénom mais qui allait de paire avec ses traits. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Le jeune restait là à quelques pas, stoïque, me dévisageant. Je lui rendis son inspection. Avais-je des miettes de gâteau ou des traces de chocolat sur le visage ? Je rompis le contact et ne m'adressant qu'à l'artiste, demandais:

― Ton appareil lui aurait-il avalé la langue ? Qu'a-t-il à me dévisager de la sorte ?

Un sourire fleurit les lèvres d'Angel, amusé par mes propos légèrement moqueurs. Ses yeux clairs se posèrent un moment sur Haiko, lequel ne dit rien, ne fit rien.

― Ton appareil lui aurait-il avalé la langue ? demanda Angel. Qu'a-t-il à me dévisager de la sorte ?

Je haussai les épaules, mes lèvres s'écornant.

― Nouvel élan passionnel pour ta personne ? répliquai-je avec une oeillade. A vrai dire, c'est un garçon étrange. Très étrange.

― Nouvel élan passionnel pour ta personne ? répliqua-t-il avec une œillade. A vrai dire, c'est un garçon étrange. Très étrange.

Je tentai de ne pas paraitre épouvanté. Je ne savais des deux garçons lequel était le plus étrange. Celui qui se moquait ouvertement de son camarade ou celui qui ne bronchait pas en l'entendant parler. Étrange était le terme juste ...

Sentant les frissons me gagner - le vent se levait léger - je décidais de rentrer. Mes leçons m'attendaient et je n'allais pas garder cette assiette indéfiniment à la main.

― Enchanté de t'a .. vous avoir rencontrés, me repris-je. Je dois malheureusement regagner le château, je commence à avoir froid. On se voit plus tard ? demandais-je avant de faire demi-tour. Et amusez-vous bien, lançais-je moqueur.

― A vrai dire, je rentrais aussi, dis-je en rangeant mon appareil dans ma sacoche. J'en ai terminé avec les photos dans le jardin. Rentrons ensemble ! proposai-je.

Évidemment, par "ensemble", j'entendais "Angel et moi-même" -- Haiko pouvait rester avec les nains dans le jardin ! Je préférais, même ― car si je pouvais m'accommoder d'un camarade de chambre qui pleurnichait et rougissait tel une gamine de douze ans, j'acceptais mal d'avoir un pot de colle amoureux dans les pattes. Flatté ou pas...

Je vous regardais sans comprendre vos paroles. Et pour dire vrai, je m'en fichais. Je n'étais pas ici pour m'intégrer ou autre, mais tout simplement pour découvrir la vérité sur moi-même. Même si, je devais l'avouer, ce serait beaucoup plus simple s'il n'y avait pas la frontière de la langue.

Je détournais alors mon attention de vous, m'asseyant sur un rocher. Je sortis mon dictionnaire franco-japonnais de mon sac et entrepris d'apprendre quelques mots de vocabulaire, faisant fi de la grammaire pour l'instant.

» Midi dans le jardin du bien et du mal
» Rencontre dans le jardin intérieur
» Les inconnus dans la maison
» Rencontres dans le labyrinthe
» Rencontres dans le foyer