Paranormal Activity

La descente jusqu'au hall d'entrée se fit relativement sans encombre : ma seule impérative, en réalité, résidait dans le fait d'éviter, à tout prix, de croiser un professeur ― mon don d'influence de la perception de la réalité ne serait peut-être pas assez puissant pour altérer la leur, contrairement à celle de mes camarades, lesquels n'avait certainement jamais été confronté à cela.

Si je n'avais qu'un seul don, c'était celui-ci ― un don que le notaire avait, très tôt, fait déceler chez moi afin de mieux le développer, sachant que cela prendrait des années. Je n'étais, d'ailleurs, pas encore réellement maître de cette capacité ; pour cela, il me fallait acquérir une expérience, ce qui demandait temps et pratique... et dont je ne pouvais que manquer : impossible de m'exercer pendant l'année alors que l'utilisation de la Magie, hors des classes, était interdite ― je ne le faisais, en ce moment, que par nécessité : sortir de Brocéliande ― alors que je devais être déjà parti ― sans me faire remarquer...

En soi, mon petit ― ou pas si petit ― tour n'avait rien d'une illusion : une illusion reposant sur la vision d'une chose, qu'elle soit réelle, altérée ou absente ; de mon côté, j'agissais directement sur les esprits et l'interprétation qu'il faisait de ce qu'il voyait...

...dans mon cas : un élève qui me ressemblait vaguement mais sur lequel ils ne s'attarderaient pas et ne se rappelleraient pas grand-chose...

Peut-être parce que les élèves étaient, pour la plupart, occupés par leur propre retour, altérer leur perception fut relativement facile ― une bénédiction, dans mon cas : je n'étais toujours pas au meilleur de ma forme et je n'avais jamais tenté d'influencer autant d'esprit à la fois !

D'ailleurs, nous ne nous attardâmes pas.

― J'espère que ta sœur est déjà là, glissai-je à Angel.

Je ne voulais pas tester mes limites... ma bonne étoile...

Nous avions enfin fini par quitter notre chambre. Nos bagages descendraient seuls — aidés par un sort, serait-il plus juste de préciser ! —, m'avait assuré Morgan. C'est donc les mains dans les poches de mon pantalon, à défaut de pouvoir les glisser dans celles de mon mec, que nous descendîmes jusqu'au hall d'entrée. Je ne prêtais — comme toujours — attention aux élèves que nous rencontrions sur le chemin, mes pensées à mille lieux de Brocéliande.

C'est à peine si je réalisais que nous étions arrivés en bas. Morgan se chargeant de me faire redescendre sur Terre. Et pas de la plus délicate des manières...

― J'espère que ta sœur est déjà là, s'inquiéta-t-il.

Je jetai un œil autour de nous, reconnaissant certains de mes camarades de classe, mais nulle trace de la si caractéristique chevelure blonde de ma sœur.

— Elle est peut-être déjà à l'extérieur, à pester contre moi, répondis-je, en haussant les épaules.

J'aurais aimé prendre la main de Morgan dans la mienne ; enserrer nos doigts ; montrer à Olympia que malgré ses allégations de la veille, notre couple se portait à merveille... Mais je ne voulais pas risquer de déconcentrer Morgan et sa magie, ni me faire prendre, la main dans celle d'un autre que lui. Je n'avais même pas osé le regarder depuis qu'il m'avait expliqué ce qu'il comptait faire pour passer inaperçu dans les couloirs. Je n'avais pas plus osé lui demander si sa magie m'englobait...

C'est ce qui me fit presser le pas vers les grandes portes ouvertes du hall. Mon impatience de retrouver Morgan. Mon Morgan. Non pas celui qui se tenait à mes cotés...

"Hâte d’être dans la voiture..." soupirai-je, en franchissant les portes, avisant nos bagages au pied des grands escaliers.

Mais nulle trace de ma sœur, ni de la voiture. Laquelle serait-ce, déjà ? J’espérais que Mère, intelligente comme elle l'était, avait prévu de nous faire voyager en limousine et non en berline. Je souffrais déjà de devoir partager une même voiture avec Morgan et ma sœur réunis, alors penser que nous ferions le voyage dans un espace réduit, n'allégeait pas mon stress.

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Olympia Death.

Je m'appelais Olympia Death et je comptais bien user de tout ce que ce nom représentait :

Classe, prestige et privilèges. Pour ne citer qu'eux...

Je restais encore sur la colère ressentie, envers mon jumeau, la veille au soir. Comment avait-il pu partir et me laisser en plan alors qu'il était celui qui était venu me trouver ? Peu m'importait qu'il ne connaisse pas l'heure à laquelle la voiture arrivait. Je ne comptais pas me précipiter en bas pour vérifier s'il s'y trouvait déjà. Lui, et son Morgan.

Morgan...

Je m'observai dans le miroir. Serait-il sensible à mon charme ce matin ? J'avais soigné ma tenue, encore plus qu'à l'accoutumée —, si possible ! J'avais longuement hésité avant de me décider pour un pantalon fluide en lin blanc et un top vert pastel sans manche. Cette couleur, faisant ressortir le noisette de mes prunelles. Aurais-je du préférer un bleu..? Bleu, comme son regard...?

Je soupirai...

...mais ne me décourageais pas pour autant. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'Angelus se lasse de son nouveau jouet. J'espérais grandement qu'une fois de retour à Adsav, sa chère et tendre fermière soit la seule à occuper ses pensées.

Je devais me montrer patiente. Et aimable avec Morgan. Nous étions peut-être partis sur de mauvaises bases, lui et moi. Ce n'était pas ainsi, que j'allais entrer dans ses bonnes grâces. Je comptais sur mon charme naturel pour le faire changer d'avis sur moi. Ne serais-je pas là, quand mon frère ouvrirait les yeux et comprendrait l'erreur qu'il avait commise en amenant son jouet avec lui à Adsav.

Nos parents n'accepteraient jamais que leur fils entretienne une relation homosexuelle ! Quelques soient les origines et le titre du-dit amoureux.

Je jetai un dernier regard sur mon reflet et confiante en l'avenir, je saisis mon unique bagage — ma garde-robe étant dépassée,, je comptais la renouveler pendant ces vacances —, dans le couloir et refermai la porte de la chambre derrière moi, sans prendre la peine de saluer ma camarade.

Sans presser mes pas, j'atteignis le hall d'entrée, ne faisant fis ni des saluts de mes camarades ni de leur indignation devant mon manque de réaction. Je ne désirais pas être celle qui cherchait son frère dans l'attroupement des élèves, alors je le traversai la tête haute, le menton relevé et attendit que les bagages soient descendus comme stipulés dans le règlement intérieur.

J'espérais que Mère ait choisi la plus belle de nos voitures. Mon arrivée à Brocéliande était passée inaperçue et je comptais bien me rattrapper aujourd'hui en montant dans la plus luxueuse des voitures qui stationnerait devant les marches du chateau.

J'étais une Death...
...pas une paysanne, comme Wynn... ou comme la plupart des élèves qui résidaient ici...

Que faisait-elle pour les vacances ? Retournait-elle, elle aussi, auprès des siens ?

Je chassai une poussière invisible sur ma jambe de pantalon avant de me reprendre.

Qu'en avais-je à faire pour commencer ? N'avais-je pas plus important à penser que l’endroit où elle passerait les dix prochains jours ?

Bien sûr que si !

Et qu'attendait Bobby Wolfe pour s'occuper des bagages ? Décidément, le service d'étage laissait à désirer...

― Elle est peut-être déjà à l'extérieur, me répondit Angel. A pester contre moi...

...ou contre nous... je doutais fort qu'Olympia nous distingue l'un de l'autre si elle désirait se plaindre : sachant que cela énerverait Angel, elle n'hésiterait pas à m'accabler de reproches... J'espérai seulement qu'elle ne ferait pas de scandale : jamais je ne pourrais altérer la perception de tant d'esprits, tous concentrés sur ma personne !

« Hâte d’être dans la voiture..., » soupira Angel alors que nous franchîmes les lourdes portes.

Dehors, le ciel s'était voilé d'épais nuages grisonnants et un bise légère soufflait, les feuilles des arbres alentour bruissant par moment. Pleuvrait-il ?

― Hâte partagée, dis-je, remarquant nos bagages au bas des escaliers ― ceux d'Angel et les miens, qu'il avait fait passer pour les siens...

Angel aussi avait dû les remarquer car il n'hésita pas avant de se diriger vers eux...

« Attendons sur un banc si tu ne la vois pas..., » ajoutai-je.

De une, je désirai m'éloigner de la foule ; de deux, je ne voulais pas tester mes forces... non pas que je me sentais mal ― les sels avaient fait des merveilles ― mais je n'oubliais pas que cela faisait près d'une semaine que j'étais resté alité, sans presque rien manger...

Avec un peu de chance, toutefois, la voiture serait là et nous pourrions attendre à l'intérieur, sans avoir à subir les regards...

— Bonne idée, répondis-je, en retenant ma main, laquelle semblait être attirée par celle de Morgan.

Combien de temps, aurais-je encore à supporter cette mascarade ?

Je n'avais jamais été d'un naturel très patient — hormis avec Morgan. Mais avec lui, je devenais un autre. Le vrai moi se révélant à mesure du temps que je passais à ses cotés. Je devais me contrôler, pour lui. Ne pas le laisser voir combien je souffrais de ce subterfuge. S'en rendait-il même compte ? Savait-il combien j'avais mal de ne pas pouvoir le toucher, le regarder, apparaître comme son mec aux yeux de tous ?

"Est-ce que ça va, toi ? Tu n'es pas trop épuisé ?", m'inquiétai-je.

Si c'était le cas, je le ferais, alors, cesser sa magie. Je n'avais pas envie qu'il s'affaiblisse plus qu'il ne l'était déjà. Je ne devais pas oublier — et lui non plus —, que Morgan était encore en convalescence. J'espérais que le climat tempéré d'Adsav et un dépaysement total lui soient favorables. Qu'il redevienne vite celui qu'il était avant son accident.

Quelque part, je culpabilisais de ne pas avoir pu empêcher ce qui s'était passé. Mais dorénavant, je ne le laisserais plus seul. Quelque soit la mission secrète que son Lord lui ordonnait de faire, je serais présent à ses cotés.

Hors de question que l'épisode de la gargouille se reproduise ! Hors de question de revivre la peur de le perdre ! Je ne le supporterais pas... la douleur était encore présente...tapie mais présente.

"Je t'aime, Chaton...", lâchai-je, dans un souffle en me dirigeant vers le banc le plus proche.

J'avais oublié ma sœur et la voiture. Seul Morgan occupait mon esprit. Ô combien, je pouvais l'aimer... plus que ma propre vie...

Je hochai la tête en guise de réponse ― oui, ça allait ; non, je n'étais pas fatigué...

...je pouvais encore rester debout et altérer la perception des esprits que nous croisions ; encore un moment... même si je commençais à m'impatienter de voir Olympia sortir, elle aussi, afin que nous puissions partir ; afin que je puisse relâcher mes efforts...

Mais Angel nous dirigea vers un banc à distance des élèves attroupés au bas de l'escalier ― ni sa sœur ni le chauffeur n'était arrivé...

Je réprimai un soupir, fermai un instant les yeux ― j'avais crains un retard avec mes mille et un changements de garde-robe mais, au final, nous étions en avance... en avance et obligés de jouer les étrangers...

― Je t'aime, Chaton..., me souffla Angel, sentant sans doute mon impatience.

Je rouvris les yeux.

― Je t'aime, aussi, mon Ange...

En temps normal, il aurait eu son bras autour de ma taille ; en temps normal, il m'aurait serré contre lui ; en temps normal...

Nous nous assîmes, lui face aux élèves, à l'entrée, afin de pouvoir garder un œil sur l'arrivée de la voiture, et moi tourné vers lui... je me risquai à poser ma jambe repliée sur le banc, établissant un contact sommaire avec la sienne ― un contact même infime qui m'aiderait à tenir...

« Hâte, répétai-je, sentant un léger mal de tête m'enserrer le crâne. Tu crois que la voiture mettra encore beaucoup de temps ? »

Je ne quittai pas l'allée des yeux. De notre poste d'observation, j'avais une vue parfaite sur les allées et venues des voitures et des élèves. Quand le chauffeur arriverait, je le saurais. Les armoiries des Death étaient sur tous les véhicules du domaine. Même mes bagages portaient la signature familiale: un Triskel doré. Quant à Olympia... comment ne pas la voir dès qu'elle apparaissait quelque part ? Je devais bien lui reconnaître sa grande beauté et son charme si magnétique. Quel dommage qu'elle soit si emplie de méchanceté. Différente, elle rayonnerait.

Je revins à Morgan lorsque je sentis la caresse de sa jambe contre ma cuisse. Je fermai un instant les yeux, savourant le contact même si léger.

— Tu crois que la voiture mettra encore beaucoup de temps ? me questionna-t-il.

Vivait-il mal notre situation ? Était-il, lui aussi, impatient de nous retrouver ?

Et dire que si j'étais resté sur mes premiers désirs, c'est ainsi que nous nous comporterions devant les autres. Comme de parfaits étrangers... ou tout juste des amis... Aurais-je tenu longtemps avant de craquer ?

Très certainement que non !

J'avais par ailleurs craqué, le jour où j'avais embrassé Morgan dans la salle de travail... Ce jour là, c'était ma jalousie envers Cléophée qui avait déclenché mon baiser. Tout comme elle avait précipité mes pas hors du réfectoire le premier soir. Le soir du premier baiser...

Même si j'avais envisagé, un instant, dans le jardin aux nains, que Morgan devienne mon ami...

...jamais il ne l'avait été...

Mon attirance pour lui avait été quasi instantanée. J'avais mis un peu plus de temps à le réaliser et encore plus, à l'accepter...

— J'espère que non..., soupirai-je en scrutant les escaliers avec l'infime espoir de voir ma sœur les descendre. Si je la voyais apparaître, cela signifierait que nous n'allions pas tarder à quitter Brocéliande ; que Morgan pourrait relâcher sa magie ; que je pourrais à nouveau le toucher et surtout le regarder...

"Tu te rappelles de la dernière fois où nous nous sommes assis sur un banc ? Tu nous imaginais, vivre cela ? Attendre une voiture pour aller passer des vacances chez moi ?" demandai-je, pour lui faire oublier l'attente. L'insupportable attente...

Je souris à l'évocation de nos retrouvailles, notre promenade dans le parc et notre conversation, assis sur l'un des nombreux banc...

― Je n'imaginais rien si ce n'était être avec toi, répondis-je honnêtement. Tu occupais déjà toutes mes pensées et je n'avais qu'un désir : que nous soyons ensemble ; le reste...

Je m'arrêtai, tentant de contrôler mon envie de mer rapprocher, de me serrer contre lui, mon mec, mon boyfriend !

« ...le reste ne me paraissait que détails..., me forçai-je à reprendre, à mettre de côtés mes pulsions. J'avais tort... évidemment... Je veux plus que tout aller à Adsav avec toi ― rencontrer tes parents et faire toutes ces choses que nous avons prévues ! »

Etre égoïste et ne partager Angel avec personne ! L'avoir pour moi, tous les jours, toutes les heures !

Bientôt, tentai-je de me tempérer. Soon...

Et si nous avions de la chance, le chauffeur arriverait avant Olympia et je pourrais me blottir dans ses bras, une fois à l'intérieur !

« Qu'avais-tu imaginais, toi ? »

Je n'eus pas besoin de réfléchir pour répondre à Morgan. Mes mots sortirent tous seuls :

— Sincèrement ? Je nous imaginais foncer droit dans un mur ; vivant une relation cachée ; obligés de nous séparer à la fin de l'année...

Mon cœur s'enserra à la simple idée de devoir me séparer de Morgan.

"Mais heureusement, j'avais tout faux..." conclus-je, en souriant.

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Au moment où ma patience semblait avoir atteint ses limites, mon bagage arriva. Je m'en saisi, de fort méchante humeur, et me dirigeai enfin vers les portes menant à l'extérieur.

— J'espère pour toi que tu es déjà là, Angelus..., me mis-je à pester contre mon frère.

Je n'avais pas l'intention de passer une seule minute de plus que nécessaire dans ce château de malheur.

Je marquai un temps d'arrêt au sommet des marches, rafraîchie par la brise légère et éblouie par le soleil de cette fin de matinée. Je retins difficilement un frisson.

Aurais-je du prévoir une tenue moins légère ? me fis-je la réflexion.

Je jetai un regard sur ma montre. Normalement la voiture aurait déjà du être là. Je la cherchai parmi celles déjà arrivées, mais ne reconnu aucune d'entre elles. Par contre, mon regard accrocha la chevelure si reconnaissable de mon jumeau.

Je laissais la déception m'envahir. Je me voyais déjà quitter Broceliande en le laissant derrière moi...

Alors que je descendais les escaliers, m'apprêtant à le rejoindre, je vis le Triskel des Death. La voiture arrivait enfin ! Majestueuse et rutilante comme je l'avais espéré. Fière d'arborer les armoiries des Death : un fanion flottant de chaque côté du capot.

Je ne fis pas plus cas de mon jumeau à l'instant où elle s'arrêta presque à mes pieds.

Quelle parfaite synchronisation ! Ces vacances s'annonçaient sous un excellent augure.

Heureusement…

…sauf que je n’éprouvais aucun heur à savoir qu’Angel avait, de son côté, imaginé notre séparation.

— Je l’ignorais, finis-je par dire.

Et j'aurais préféré que Morgan l'ignore à jamais... mais aujourd'hui, je n'étais plus celui qui avait pu penser cela. Aujourd'hui, ma vie était à ses côtés. Aujourd'hui... demain...après-demain... pour tous les jours à venir.

― Enfin...! m'exclamai-je, en me relevant, alors que notre carrosse s'arrêtait à quelques mètres.

Sans réfléchir, je tendis une main à Morgan pour l'aider à se mettre debout.

"Encore un dernier effort, Chaton. Ce sera bientôt fini", assurai-je, en découvrant Olympia en bas des marches.

Était-ce son Chaton qui me fit hésiter ?

Cela et cette aide qu'il m'offrait alors que j'étais censé être privé de son contact...

...privation qui me serrait le cœur à m'en étouffer...

Je glissai ma main dans la sienne.

― Bientôt ?

Morgan déposa sa main dans la mienne et aussitôt j'entrelaçai nos doigts. Ce n'était pas grand chose mais, ce seul et maigre contact résonnait comme une délivrance...

— Bientôt, répétai-je, en l’entraînant vers la voiture.

Je me laissai faire ; le laissai me lever, m'entraîner à la voiture.

Bientôt.

Olympia était au bas des marches, arrivée en même temps que le chauffeur ; elle était éclatante d'une morgue que sa beauté exacerbait. Le trajet serait long.

Je saluai Roger, notre chauffeur, quand il sortit du véhicule et n'attendis pas pour ouvrir moi-même la portière arrière. Si je pouvais accélérer notre départ...!

― Laissez, Roger. Je m'en occupe, le coupai-je dans son élan. Installe-toi. J'arrive, déclarai-je en relâchant la main de Morgan.

"Bonjour, Olympia. Belle journée n'est-ce pas ?" ironisai-je, en découvrant ses bras nus. Puis, je passai à ses côtés, me saisissant de tous nos bagages, que je plaçai dans le coffre. Puis, je pris place sur la banquette, aux côtés de Morgan avant de reprendre sa main.

"Tu utilises encore ta magie ?" lui demandai-je alors, sans me soucier de ma soeur qui attendait sûrement que quelqu'un daigne lui ouvrir la portière. Nous patientions - impatiemment - depuis tout à l'heure... Elle pouvait bien faire de même quelques secondes. Cela n'allait pas la tuer !

Je ne l'aurais pas relâché ― pas si vite ― n'eût Angel décidé de s'occuper de nos affaires ; alors je l'avais laissé délacer nos doigts ; l'avais laissé me laisser seul...

...rien qu'un moment...

...le temps de revenir...

...et entrelacer nos doigts à nouveau.

Un sourire affleura mes lèvres ; et avant même qu'il eut fini sa question, je me penchai pour déposer un baiser sur les siennes.

― Non, soufflai-je.

Depuis que j'étais entré dans la voiture.

Ce chaste baiser ne compensait en rien mon manque de Morgan. Alors à peine ses lèvres avaient-elles quitté les miennes que je me penchai pour en réclamer un autre et encore un autre...

― Comment te sens-tu ? m'inquiétai-je, en me décollant de ses lèvres pour, enfin, oser le regarder dans les yeux.

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Si je fus surprise par le comportement d'Angelus, en le voyant ouvrir la portière et refuser l'aide de Roger, je le fus plus encore lorsqu'il déposa lui-même nos bagages dans le coffre. Même la réplique que je m'apprêtais à lui lancer resta coincée dans ma gorge. Quelle mouche le piquait donc pour qu'il prenne plaisir à jouer les domestiques ? Moi qui désirais soigner mon départ, voilà que mon propre frère venait de ruiner toutes mes chances.

Pourquoi fallait-il, toujours, qu'il contrecarre mes projets ?

Je pris presque peur devant l'élan d'Angel alors que ses lèvres me réclamèrent un autre baiser, et encore un autre ― il m'avait surpris ; autant, certainement, que j'avais dû le surprendre...

― Comment te sens-tu ? s'enquit-il inquiet, l'or de ses yeux rencontrant l'eau de mes prunelles.

Je baissai le regard.

― Bien...

Je doutais que lui dire le contraire le satisfasse...

...non pas que je me sentais mal au regard de l'état dans lequel je m'étais trouvé après ma rencontre avec la gargouille ; mais je m'étais épuisé à manipuler plus d'esprits que je n'avais jamais fait jusqu'ici...

« Et toi ? »

Mensonge... mais je ne relevai pas.

Je me calai confortablement contre le dossier de la banquette avant de répondre à Morgan.

― Aussi bien que toi..., soupirai-je.

Je n'allais pas bien. Nous n'allions pas bien et nous n'irions pas bien tant que nous ne serions pas seuls. La promiscuité forcée avec Olympia n'arrangeait rien. Je n'avais pas oublié ma soeur et pour tempérer sa mauvaise humeur, je l'invitai à nous rejoindre en lui ouvrant la portière — celle opposée à Morgan, bien évidemment. Hors de question qu'elle prenne place à ses cotés. Par sécurité, je refermai celle par laquelle je venais de prendre place.

"Quand tu veux, Oly..."

...ou aussi mal à le voir. J'allais resserrer l'étreinte de nos doigts lorsqu'il se pencha pour ouvrir la porte à sœur ; je réprimais un soupir.

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Il était plus que temps qu'Angelus rentre à Adsav pour retrouver ses bonnes manières ! Qu'en auraient Père et Mère en le voyant agir de la sorte ?

— Je monterai dans cette voiture lorsqu'il sierra à ma personne de monter dedans, maudis-je mon frère de me gâcher cette journée.

Je ne lui ferais pas l'honneur de lui obéir. Pas de suite en tout cas. Comment osait-il déshonorer le nom des Death en agissant tel le dernier des domestiques ?

Je laissais passer ma déconfiture quelques secondes avant de soupirer, résignée. Je ne pouvais décemment pas rester plantée devant la portière ouverte sans que tous les regards finissent par se porter sur moi.

Olympia Death encore une fois mise à mal par son frère.

J'imaginais déjà les bruits de couloir qui s'en suivraient.

"Père sera mis au courant de tout ce que tu m'auras fait subir entre ses murs", persiflai-je, en prenant place sur la banquette.

Et pour couronner ce sublime début de journée, je me retrouvais à devoir passer les deux prochaines heures aux cotés de celui que je détestais le plus au monde. Mon frère jumeau ! Qu"avais-je fais au ciel pour être tant punie ?

Respirer, se recomposer et garder un masque d'impassibilité.

Je me permis de fermer une seconde les paupières, tâchant de me concentrer sur ces trois commandements avant qu'Olympia ne prenne place dans l'habitacle trop confiné de la voiture pourtant spacieuse... Ne me sentais-je aussi faible, j'aurais laisser paraître l'ombre d'un sourire sur mes lèvres ; mais la force me manquait, aussi je parais au plus pressé : cacher mon état sous des traits de marbres ; je ne désirais pas qu'elle me vit alors que j'étais mal...

Cette fois, je resserrai l'étreinte de mes doigts autour de ceux d'Angel presque malgré moi : à défaut de pouvoir me caler contre mon boyfriend, ma tête sur son épaule, j'avais besoin de force.

Le trajet serait long...

Si je commençais à rentrer dans le jeu de ma sœur, ce trajet serait un cauchemar. Tant pour moi que pour Morgan. Alors je m'isolai dans une bulle hermétique à Olympia, sa présence, ses paroles et sa méchanceté. J'espérais que Morgan en fasse de même...

Je resserrai nos doigts déjà liés, me calai un peu plus contre lui avant de murmurer à son oreille, de façon à n’être entendu que par lui :

— Ferme les yeux et repose-toi, tu as besoin de reprendre des forces, lui conseillai-je, avant de déposer une brève caresse sur sa peau et de m'avachir sur la banquette.