Paranormal Activity

Avais-je laissé paraître davantage que je ne le croyais ?

Angel avait, lui aussi, resserré l'étreinte de ses doigts et ses lèvres chatouillaient mon oreille :

― Ferme les yeux et repose-toi, souffla-t-il, presque inaudible. Tu as besoin de reprendre des forces...

Il avait raison : j'avais besoin de me reposer, de reprendre des forces après l'effort que je venais d'accomplir ― une première pour laquelle j'aurais éprouvé davantage de fierté si nous n'avions pas à nous en faire de la présence d'Olympia ― pour mieux faire face à une autre épreuve : la rencontre avec les parents d'Angel.

L'accepteraient-ils ? M'accepteraient-ils ?

Avais-je bien fait d'insister de nous assortir ? Nous étions beaux, devant la glace, lui en noir et blanc, ses cheveux pâles ; moi, les cheveux de jais, en blanc et en étain... Les mêmes couleurs ― ou presque ― portées différemment. Délicatement, je caressai son pouce de mon propre pouce : ensemble. Nous l'avions toujours été.

Je n'avais plus qu'une hâte : arriver au plus à Adsav.

Avec Olympia à mes cotés, je ne pouvais pas me comporter avec Morgan comme j'aurais aimé le faire. Je ne pouvais pas le laisser reposer sa tête sur mes cuisses et laisser mes mains caresser son dos. Je ne pouvais pas l'embrasser à chaque fois que l'envie de le faire me prendrait. Je pouvais encore moins lui dire combien je l'aimais et combien j'avais hâte que nous arrivions à Adsav. Je devais me contenter de son corps reposant contre le mien ; de son pouce caressant le mien ; de ce silence pesant qui me frustrait...

Je jetai un regard de biais à ma sœur, laquelle semblait absorbée par sa lecture.

Pourvue qu'elle le soit jusqu'à notre arrivée !

Je réprimai un soupir et me concentrai sur la caresse — même si minime — de Morgan. Elle avait un coté apaisant, intime et suffisante quelque part. Nous communiquions à notre manière. Nous étions unis, ensemble, amoureux... malgré la présence de ma sœur à nos cotés, nous échangions quand même ! J’eus alors une idée et attrapai la main libre de Morgan et du bout de l'index, dessinai un symbole à l'intérieur de sa paume. Serait-il suffisamment explicite pour être compris ?

Je fermai les yeux et laissai mes lèvres esquisser un sourire. Tout compte fait, ce silence avait du bon, quelque part...

Je souris ― Angel m'avait délicatement pris la main, celle que j'avais libre, posée sur ma jambe ; retournée, paume vers le ciel, il se mit à tracer un signe, le bout de son doigt me chatouillant par la même occasion ― je me mordis la lèvre pour ne pas rire avant d'essayer de donner forme au signe : un cœur ? C'est ce qu'il me semblait !

Et si je me trompais, cela n'avait, en fait, aucune gravité : ne comptait que le plaisir de partager encore un moment à nous, un moment ensemble et complice !

Quelque part, ce geste suffit à me décontracter : j'étais avec Angel et malgré l'adversité qu'incarnait sa sœur et sa manière de se manifester, nous arrivions à être nous... Nous. Avec un N majuscule.

Alors je fis ce qu'il m'avait dit : je gardai les yeux fermés, savourai ce moment, et me reposai afin de mieux retrouver mes forces...

...je ne m'aperçus pas même lorsque la voiture finit par s'arrêter...