Petites explications... et plus si affinité !

Ayant quitté Ella pour la soirée, je partis vers les dortoirs, à la recherche d'Angel ― son comportement, au dîner, m'avais surpris, autant que son départ précipité...

Je frappai donc à sa porte, dans l'espoir d'obtenir quelques réponses... et voir s'il allait bien.

Je ruminais mes pensées sombres depuis que j'avais quitté précipitamment mes "nouveaux amis". La cohabitation forcée allait s'avérer plus compliquée qu'envisagée. Je pensais avoir réussi pourtant dans le jardin à être un tant soit peu aimable. Mon asociabilité légendaire avait vite reprit le dessus et sans que je ne puisse rien faire pour l’en empêcher, elle avait mené le jeu.

Je me demandais ce que Morgan et la copie avaient bien pu penser de ma sortie impolie. Puis comme si ma raison l'emportait sur mes sentiments, je chassai très vite cette question.

Je tentais pour la énième fois de reprendre le fil de ma lecture, à savoir " Les différentes magies à travers le monde" mais mes yeux ne voulaient pas se concentrer sur les mots lus. Agacé par le trop plein d'émotions que je n'arrivais pas à contrôler, je lançai le livre à travers la pièce et celui-ci s'écrasa au sol dans un bruit de papiers froissés. Alors que je me levai pour vérifier dans quel état mon accès d'humeur l'avait mis, j'entendis trois coups frappés contre le chêne de la porte.

― Entrez ! criai-je avant de me morigéner intérieurement. Je n'étais plus au manoir de Père avec domestiques, soubrettes et hommes à tout faire. Dans cette école, je n'étais plus que quelconque. Ce qui n'était pas pour me déplaire. Je pouvais être celui que je voulais sans devoir rendre de comptes à quiconque de mes agissements - hormis Merlin peut-être ... Soufflant car légèrement irrité et intrigué par cette visite tardive, j'allai ouvrir et tombai nez à nez avec mon nouvel ami du jour. Bêtement, je ne pu que dire :

― Morgan ?

La voix d'Angel perça à travers la porte, ses accents quelque peu brutes ― mais j'imaginais que c'était parce qu'il avait haussé le ton pour se faire entendre...

Etrangement, avant que je ne puisse ouvrir la porte, le battant fut tiré et je me retrouvai devant le jeune homme aux cheveux pâles.

― Morgan ? fit-il surpris, ses yeux légèrement écarquillés.

That would be me...!

― Je passai avec le dessert, dis-je en avançant une coupe de yahourt au chocolat. Fais "château" par le pâtissier, d'après ce que j'ai compris. Tu n'es ni obligé d'aimer ni d'y toucher ― ce n'est qu'une excuse pour te voir et te parler... si tu veux bien m'accorder cette faveur !

J'étais tellement surpris par son "cadeau", qui en passant était l'un de mes dessert favori , et sa sibylline proposition que je ne pu refuser sans passer davantage pour un impoli de premier ordre.

― Entre, je t'en prie, proposai-je en m'écartant pour lui laisser le passage.

Je souris et pénétrai dans sa chambre, laquelle était relativement bien rangée. Contrairement à moi, il paraissait pas avoir terminé de déballer ses affaires : je voyais un coffre ouvert dans un coin, à moitié plein, et un livre ouvert reposait sur le bureau...

Je me retournai en même temps qu'Angel fermait la porte. Nous faisions à peu près la même taille, bien qu'il me semblait avoir un petit pouce de plus que moi. Je lui tendis alors sa coupe, qu'il prit automatiquement. J'allai alors m'asseoir sur le lit ― celui qu'il n'occupait pas ; celui dont la table de nuit n'était pas pourvue d'un réveil. J'attendis qu'il vînt se poser lui aussi et, lorsqu'il fut face à moi, je demandai aussi innocemment que possible :

― Est-ce que ça va ?

Mon visiteur ne se fit pas prier et entra dans mon espace privé. C'était la première fois qu'un autre que moi en franchissait le seuil. Je n'étais pas habitué à partager mon intimité et trouvais ma solitude un brin réconfortante. Je saisis la coupelle que me tendait Morgan et refermai la porte.

Une fois retourné, je le vis qui avait nonchalamment pris place sur le lit inoccupé. Je n'eus d'autre choix que de m'asseoir en face de lui. Sentant autre chose qu'une visite de courtoisie et une inquiétude suite à ma sortie précipitée du réfectoire, je décidai de le laisser lancer la discussion.

― Est-ce que ça va ?

J'allais déguster le dessert quand sa question me laissa songeur. Je reposai la cuillère dans la crème et soutins son regard en souriant.

― Si je te réponds oui, me donneras-tu la vraie raison de ta visite ?

Je décochai au jeune homme un large sourire :

― Tu me mens et, moi, je dois te dire la vérité ? m'enquis-je, badin.

Mais je ne le fis pas languir :

― Nous connaissons tous les deux la raison de ma présence ici, répondis-je plus doucement. Toi. C'est aussi simple.

Ou du moins, c'était simplement expliqué ― mais je sentais qu'Angel n'apprécierait pas mes questions alors je préférais le laisser réagir...

― Tu me mens et, moi, je dois te dire la vérité ? me lança Morgan en souriant de toutes ses dents.

Je souris à mon tour en notant une qualité indéniable chez lui: sa perspicacité. J'allais répondre quand il reprit la parole.

― Nous connaissons tous les deux la raison de ma présence ici. Toi. C'est aussi simple.

Le sourire qui animait mon visage se fana très vite en l'entendant. Inutile de nier le choc que me causaient ses mots, il avait bien du remarquer mon changement d'humeur. De souriant et avenant, j'étais devenu rouge comme une pivoine. Je reposai la coupelle qui me semblait soudainement très lourde sur ma table de nuit et me levai peu assuré par la suite de la discussion.

― Je suis flatté de ton intérêt pour ma personne Morgan mais sache que je suis fiancé à une jeune fille répondant au doux nom de Camélia.

Je n'osais plus le regarder, préférant me diriger vers la porte, le sachant assez intelligent pour comprendre l'allusion. Du moins je l'espérais ...

Les joues d'Angel s'était tout à coup colorées et il s'était aussitôt levé, n'osant même plus me regarder

― Je suis flatté de ton intérêt pour ma personne Morgan mais sache que je suis fiancé à une jeune fille répondant au doux nom de Camélia, bredouilla-t-il, hésitant quelque peu avant de retrouver le nom de cette chère et douce 'Camélia'.

Rire ou ne pas rire ?

Un sourire moqueur fleurit mes lèvres.

― Et tu me mets à la porte parce que tu me crois gay ? m'enquis-je.

Ses mots dansèrent devant mes yeux accompagnés d'une pancarte clignotante: Homophobe.

J'eus soudain honte, très honte de mon comportement et de ma réaction de rejet. Dans le genre gaffeur, je crois que je remportais la palme d'or. Je me figeai à quelques pas de la porte en réalisant ce que je venais de faire. Me mettre Morgan à dos le jour même de notre rencontre. Mais qu'est-ce qui m'était passé par la tête ?

― Je suppose que tu ne connais pas de formule magique qui efface la mémoire à court terme ?

Je me retournais vers lui, encore plus rouge et gêné que quelques instants auparavant. Les épaules rentrées et mes yeux incapables de soutenir autre chose que le bout de mes chaussures cirées.

― Je te prie de bien vouloir accepter mes excuses. Cette journée n'a pas été des plus faciles à vivre, même si elle n'excuse en rien mon impardonnable comportement. Je comprendrais que tu sortes de ma chambre et que tu ne m'adresses plus jamais la parole.

― Explique-moi ce qui ne va pas et j'oublierai ton moment d'égarement homophobe, répliquai-je avec une oeillade. Presque aussi efficace qu'un sort !

Je ne sais pourquoi mais Angel me plaisait ― pas amoureusement, il allait de soi, mais quelque chose chez le jeune homme me faisait rester... d'une part, j'appréciais sa répartie quelque peu caustique, et, d'autres, la fragilité qu'il dégageait malgré lui me rendait curieux...

Lui expliquer la raison de mon étrange comportement pour effacer ma maladresse ? Plus facile à dire qu'à faire !

― Je ne suis pas homophobe, répliquai-je sans être sur qu'il m'ait entendu.

Je soufflai à la fois de soulagement et aussi pour me donner le courage de m'exprimer. J'avancai de nouveau vers le lit que j'avais précipitemment déserté et repris ma crème dessert. Mon appétit était coupé mais je me devais de la déguster pour ne pas ajouter une bévue supplémentaire ...

Je rougis à nouveau en songeant à ma stupidité ...

Si notre amitié perdurait dans le temps, chose dont je ne doutais pas un seul instant au vu de la réaction de Morgan, je tacherais par tous les moyens de lui faire oublier ce fâcheux incident. Il était perspicace et intelligent. Deux qualités rares à notre &poque. Etre son ami serait un grand honneur pour moi, habitué à ne côtoyer que le personnel du manoir, mes parents, ma soeur et Camélia. Je n'avais jamais échangé avec des étrangers plus longtemps que quelques heures. Ce nouvel environnement, les gens tout autour de moi et le changement radical de vie ... tout cela n'avait fait qu'exacerber ma mauvaise humeur ...

Comment expliquer tout cela à Morgan sans passer pour un fou ou un psychopathe ? J'ouvris la bouche pour la refermer aussitôt. Je ne savais pas par quoi commencer. Pathétique ! Olympia aurait bien rit de me voir si embarrassé. A son évocation, je souris ... Elle me manquait malgré nos prises de bec quotidiennes ...

Si Angel était indécis, il s'évertua à être au moins clair sur un point : il n'était pas homophobe... Soit ― je verrais ça plus tard.

― Tu souris, remarquai-je. A quoi penses-tu ?

Car Angel avait l'air ailleurs, perdu dans ses pensées, partagé entre elles...

― Tu souris, à quoi penses-tu ?

Je reportai mon regard sur lui. Chose que j'avais évité depuis sa "phrase". Aucune colère chez Morgan, juste une interrogation accentuée par ses sourcils relevés. Il avait un regard très perçant, comme s'il était capable de lire en vous ...

A quoi bon éluder la question qui n'avait rien d’ambigu ? Je sentais que tergiverser ne servirait qu'à aiguiser sa curiosité plus avant.

― A Olympia ... ma sœur, précisai-je. Et sourire en songeant à elle n'est pas dans mes habitudes. Je crois bien que c'est une première en fait ...

C'était la deuxième fois qu'Angel évoquait sa sœur et son inimité avec elle ; toutefois, sa pensée, en cet instant, paraissait lui apporter un certain réconfort...

― La maison te manque, dis-je.

Plus une affirmation qu'une question.

Un mal du pays que je n'éprouvais pas moi-même, n'avais jamais éprouvé ― peut-être parce que je n'en avais pas : le manoir de Lord Witherby, bien que j'y passa mes vacances, n'était rien de plus qu'un port d'attache...

― Ta sœur n'est pas ici, n'est-ce pas ? demandai-je.

Il n'avait rien dit qui me laissait le supposer mais, quelque part, je sentais que son comportement était lié à elle... et peut-être davantage à son absence...

― La maison te manque, se méprit Morgan avant d'ajouter, ta sœur n'est pas ici, n'est-ce pas ?

Je réfléchis un court instant, je n'avais pas besoin de plus.

― Non ma maison ne me manque pas. Enfin pas vraiment. Ce sont mes habitudes et mes points de repère qui me manquent. Quant à ma soeur, tu as raison Morgan, Olympia n'est pas à Brocéliande. Enfin pas vraiment, ajoutai-je à nouveau en songeant à Ella qui lui ressemblait un peu trop, ce qui ne fit qu'augmenter mon embarras.

J'entamai enfin mon dessert qui prenait subitement un gout de calumet de la paix.

J'avais beaucoup de mal à comprendre Angel ― cette rivalité avec sa soeur, son ressentiment vis-à-vis de son père qui l'avait envoyé ici... tout mon contraire ! Jamais je ne connaîtrais inimité avec un quelconque frère ou soeur, et j'étais plus que ravi d'avoir intégré cette école à la demande de Witherby !

― Il me semble que si la maison ne te manquais pas, tu ne sourirais pas à la pensée d'une personne que tu n'apprécies guère, arguai-je. Est-ce si terrible d'être ici ?

Les questions de Morgan me mettaient mal à l'aise mais je ne savais pas comment le lui faire comprendre sans le froisser.

― J'ai du mal à trouver mes marques, je vais dire. Et tu ne parlerais pas en ces termes de ma sœur si tu la connaissais !

Nouvelle cuillerée chocolatée ... Un vrai délice.

― C'est pour me questionner sur ma vie privée que tu es venu me trouver ? Non pas que je n'aime pas parler de moi - si en fait, j'ai du mal à m'ouvrir aux autres ... donc si on peut en rester là pour ce soir, je t'en serai reconnaissant, ponctuai-je en poursuivant ma dégustation.

― J'ai du mal à trouver mes marques, je vais dire, m'avoua Angel.

Je hochai la tête : certaines personnes ― voire beaucoup ― avaient davantage de mal que d'autres pour s'adapter ; Ella aussi en avait parlé.

― C'est pour me questionner sur ma vie privée que tu es venu me trouver ? questionna tout à coup le jeune homme. Non pas que je n'aime pas parler de moi ― si en fait, j'ai du mal à m'ouvrir aux autres ... donc si on peut en rester là pour ce soir, je t'en serai reconnaissant.

Les lèvres cornées d'un sourire, je décidai de ne pas persister avec mes questions, lesquelles, décidément, le mettaient toutes mal à l'aise !

― Okay, dis-je. Si tu veux.

Je me levai mais, au lieu de me diriger vers la porte, je me penchai vers lui, approchai nos visages de sortes que nos lèvres se touchent presque ― Angel eu un mouvement de recul mais je l'arrêtai d'une main.

― T'es certain que ce ne sont pas tes peurs homophobes qui refont surface ? demandai-je d'une voix basse.

Je ne le laissai toutefois pas répondre :

― Tu es peut-être mignon mais, tu me pardonneras, c'est ta jumelle qui m'intéresse...!

Sur ce, je lui laissai un petit bisou avant de me redresser et de lâcher un rire.

― Bonne nuit, Angel, dis-je en saisissant ma coupe avant de me diriger vers la porte.

― Okay. Si tu veux.

J'étais rassuré qu'il arrête son interrogatoire. Sentiment de courte durée quand je le vis se lever et se rapprocher au point d'en avoir nos visages presque collés.

― T'es certain que ce ne sont pas tes peurs homophobes qui refont surface ? me souffla-t-il provocant au possible.

Je tentais de reculer mais avant que je ne puisse esquisser un mouvement, il me retint d'une main avant de poursuivre moqueur:

― Tu es peut-être mignon mais, tu me pardonneras, c'est ta jumelle qui m'intéresse...!

Ma jumelle ?

Contact de ses lèvres sur les miennes. La surprise me tétanisa. Dire que j'étais choqué était un euphémisme.

Je l'avais peut-être inconsciemment provoqué et ce baiser n'était rien d'autre qu'une façon intelligente de me rendre la monnaie de ma pièce...

Il se redressa en riant, saisi la coupelle que j'avais réussi à ne pas lâcher et sorti de mon champ de vision. Moi, je restai là sur mon lit, les yeux écarquillés et le visage plus rouge que jamais.

― Bonne nuit, Angel.
― Et c'est tout ? Tu m'embrasses, et c'est tout ?

J'étais honteux et en colère et je ne savais toujours pas que penser de lui, de sa visite, de son comportement ...

J'étais choqué, incapable de réagir correctement à ce qu'il venait de se passer.

― Et c'est tout ? demanda Angel alors que je m'apprêtais à sortir de la chambre. Tu m'embrasses et c'est tout ?

Je m'arrêtai et me retournai lentement, surpris : le ton était blessé, teinté de colère ― non pas parce que je l'avais embrassé mais parce que c'était 'tout'... ce qui contrastait avec sa première réaction, lorsqu'il m'avait fui parce qu'il me croyait gay.

Troublé par l'étrange comportement d'Angel, je revins vers le lit. Etait-ce sa fragilité qui m'attirait chez lui ? Généralement, je me lié avec des garçons qui me ressemblaient davantage : caustiques, subtiles, perspicaces. A vrai dire, Angel possédait ces trois qualités, la tranquilité en moins ― et c'était précisément ce mélange qui me ramenait vers lui.

Je posai un genou sur le matelas et me penchai à nouveau, ma main glissant dans ses longs cheveux pâles tandis que mes lèvres effleurèrent un instant les siennes... Puis je l'embrassai tendrement, glissant ma langue entre ses lèvres pour sensuellement caresser sa propre langue.

― Maintenant, tu peux dire que je t'ai embrassé, dis-je, mes lèvres encore collées aux siennes.

Je me redressai alors pour mieux jauger sa réaction :

― Tout à l'heure, tu me chassais parce que j'étais gay ; maintenant, tu me demandes si c'est tout, comme si tu me reprochais de partir ― j'avoue être perdu quant à ce que tu désires... et je ne sais même pas si tu le sais toi-même. Au fond, tu m'as l'air aussi perdu que moi en ce qui te concerne, sans doute même malheureux ― mais je doute que ce que je te dis là te plaise, aussi, si tu préfères m'en vouloir plutôt que de m'entendre, je t'en prie, utilise ce baiser comme excuse pour ne plus me parler.

C'était sans doute la première fois que j'avais été aussi sincère avec qui que ce soit et, étrangement, j'avais l'impression qu'un poids m'avait été retiré de la poitrine...

...

― Tu te méprends sur une chose Morgan. Je ne te chassais pas te pensant gay. Je te chassais pour éviter ça ...

Je le dévisageai, encore plus troublé ― pour éviter quoi ? Que je ne l'embrasse alors que ses paroles, lorsque je m'étais apprêté à sortir de sa chambre, avaient été accusatrices, chargée de douleur, à l'idée que ce ne fut 'tout'...

Et puis, qu'était-ce qu'Angel craignait tant : que j'éprouve quelques sentiments amoureux pour lui ou qu'il ait une attirance pour moi...? Sa remarque pouvait être interprétée autant dans un sens que dans l'autre... ironique !

― Okay, finis-je par dire. Je vais te laisser si c'est que tu désires...

Je n'attendis pas réellement de rèponse ― le jeune homme m'avait l'air trop gêné ― et me redressai.

― Bonne nuit, Angel, dis-je pour la deuxième fois, ma voix grave tranchant avec le ton léger de la première.

J'évitai de lui dire "à demain" ― ou tout autre chose ― ne sachant pas s'il voudrait même me revoir. Non pas que cela me touchait ― rien ne me touchait. Et puis, j'avais une mission à accomplir pour Lord Witherby.

Ne reste concentré que sur cela, me dis-je. Pourquoi se disperser ailleurs...?

― Bonne nuit, Morgan, répondis-je une fois la porte refermée sur lui.

Comme un automate, je me deshabillai et me mis au lit. Je touchai du bout des doigts mes lèvres, pensant avoir rêvé cette scène, encore emprunte d'irréalité.

Je la repassais encore et encore jusqu'à que le sommeil me gagne.

Morgan m'avait embrassé.

Quand bien même le premier baiser n'avait été que provocation de sa part, du «Made in Morgan» tout craché, le second avait prit une dimension plus intime, troublante, déroutante...

Je ne savais pas ce qui me surprenait le plus: le fait que je n'aie pas tenté d'arrêter Morgan, sachant pertinemment ce qu'il s'apprêtait à faire quand il était revenu vers moi ou le fait que j'ai pu autant apprécier la douceur de ses lèvres?

Il avait raison sur un point mais je ne lui avouerais jamais : j'étais littéralement perdu ...