La coupe de cheveux

Je pris place en face d'Olympia, laquelle sursauta, surprise par mon geste et encore plus lorsqu'elle me reconnu.

― Je ne pensais pas te faire peur. Désolé, m'excusai-je, toutefois.

Ce n'était pas dans mes habitudes de courber l'échine devant ma soeur mais j'étais trop préoccupé pour y prêter attention. Puis, je n'usais que de politesse...

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Je ne réagis, sursautant, à la présence étrangère que lorsque celle-ci tira la chaise libre à ma table et y prit place. Je posai alors mon regard furibond sur elle, prête à laisser exploser mon mécontentement lorsque je reconnu l'impoli.

― Je ne pensais pas te faire peur. Désolé, s'excusa Angelus.

Mon dieu !

Dire que j'étais surprise, était un euphémisme. Mais que lui était-il donc passé par la tête ? J'étais tellement surprise par sa nouvelle coupe de cheveux que mes mots restèrent coincés au fond de ma gorge.

— Pourquoi ? voulus-je savoir en passant machinalement une main dans mes longs cheveux.

Un simple mot mais, qui traduisait à lui seul toutes les questions que je désirais lui poser.

Je levais un sourcil, peu sûr de comprendre la question. Pourquoi m'étais-je, assis, excusé ou encore coupé les cheveux ? Très certainement un mix des trois avec une quantité d'autres auxquelles je ne songeais pas encore. Loin de satisfaire la curiosité de ma soeur sur la raison d'un tel changement, si telle était la vraie question derrière son "pourquoi", je préférai dévier vers la raison de ma venue à sa table.

― Si tu es prête, nous pouvons nous remettre en route, annoncai-je en me relevant tout aussi vite que je m'étais assis.

Pourquoi l'avais-je fais, pour commencer ? Certainement pas pour entamer une conversation mondaine. Peut-être pour la surprendre. Et au vu de sa réaction, il me semblait y être parvenu.

De nouveau sagement assis dans l'habitacle, je patientais avec grande impatience et regrettais presque de ne pas avoir accompagné Angel ― elle l'énervait si aisément que je craignais, tout à coup, que leur conversation dérape comme elles savaient si bien déraper et qu'Olympia nous fasse encore davantage attendre ; elle était forte à ce genre de petits jeux.

Je réprimai un soupir, essayant de paraître calme, imperturbable ― je devais me concentrer sur mon image, celle que j'afficherais lorsque je rencontrerais les parents d'Angel...

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Angelus n'était peut-être pas disposé à me répondre mais je n'en avais pas fini avec lui. Je me levai à mon tour, pressée de retrouver la chaleur et le confort de la limousine.

— Tu as changé, dis-je, alors que nous rejoignions la voiture stationnée quelques mètres plus loin.

Je n'obtins pas plus qu'un haussement d'épaules et un "Je ne pense pas" lâché comme si je venais de dire la dernière des inepties.

Mon frère aurait beau le nier, il était différent. Non pas seulement en rapport avec sa nouvelle coupe de cheveux mais en tout. Il ne ressemblait en rien à celui que j'avais observé, du haut des marches d'Adsav, quitter le manoir. Était-ce pour détourner l'attention de Père et Mère, concernant sa relation avec Morgan, qu'il avait agi ainsi ?

"Pourquoi avoir coupé tes cheveux maintenant ?" persistai-je à vouloir savoir, alors qu'Angelus ouvrait la portière, m'invitant à entrer dans le véhicule.

Qu'il ose prétendre ne pas avoir changé !

La seule réponse que j'obtins, fut le claquement de la portière, une fois que j'avais pris place sur la banquette. Je tournai la tête vers mon voisin. Je ne sus si cela me ravissait ou me contrariait davantage que je ne l'étais déjà de le savoir éveillé.

Pourquoi fallait-il toujours qu'Angelus me rabaisse devant témoin ?

Entendant la portière s'ouvrir, je tournai spontanément la tête, espérant de nouveau voir apparaître Angel ― et fus surpris de voir Olympia à sa place ; une Olympia de très méchante humeur...

Je lui adressai un de mes sourires impénétrables, de ceux qui peuvent autant se prêter à la moquerie qu'à la sympathie ; puis, je déviai le regard et le posai droit devant moi : je ne comptais pas laisser la moindre émotion me trahir même si, intérieurement, j'étais très fier d'Angel qui, apparemment, ne s'était pas laissé gagner par la frustration, au point où, finalement, c'était sa sœur qui s'énervait et s'emportait !

Une fois la portière refermée, je laissais un sourire gagner mes lèvres. Olympia n'était pas prête de recevoir les réponses attendues. Je contournai l'arrière du véhicule et ouvris la portière du côté de Morgan avant de m'y engouffrer. Je laissais mon corps frôler éhontement le sien avant de m'asseoir correctement à ses côtés.

— J'ai réussi à surprendre ma soeur pour la seconde fois en quelques jours, glissai-je, fier de moi, à l'oreille de Morgan avant d'y déposer une brève caresse.

Il me tardait, impatiemment, d'être à ce soir...

Finalement, la portière s'ouvrit de mon côté, laissant apparaître Angel ! Il s'engouffra dans l'habitable avant même que je ne puisse me pousser, son corps chaud, parfumé aux herbes, effleurant le mien avant de s'installer entre Olympia et moi ― léger frémissement : Angel pouvait m'électrifier d'un simple contact et plus encore lorsque je devais réprimer mes gestes d'affection pour lui !

― J'ai réussi à surprendre ma sœur pour la seconde fois en quelques jours, souffla-t-il à mon oreille, le ton coloré de fierté, se pressant tout contre moi.

Mon sourire s'élargit et je me tournai alors que ses lèvres me caressaient, nos bouches se rencontrant.

― I'm so proud of you, murmurai-je sans réfléchir dans ma langue natale, les émotions prenant le pas.

Depuis qu'il avait décidé de se couper les cheveux, Angel avait changé, habité d'une confiance en soi nouvelle face à sa jumelle ― et cela lui allait si bien !

— Thank you, répondis-je, dans sa si jolie langue, avant de me laisser à caresser ses lèvres des miennes.

Pourquoi fallait-il que ma soeur soit présente ? Je m'attendais, d'ailleurs, à une de ses légendaires réflexions... Curieusement son silence et son comportement me perturbaient. Avais-je tant réussi à la déstabiliser ou me réservait-elle une surprise, de celles dont elle avait le secret ?

Il me tardait d'arriver à Adsav pour, enfin, etre fixé sur mon avenir. Pour l'instant, je nageais en eaux troubles et malgré le fait que je sois très bon nageur, je n'étais pas rassuré.

Le sourire qui ornait mes lèvres s'élargit en attendant le thank you, dit avec un accent si sexy ! Ce n'était pas rien que l'accent français : c'était Angel ; Angel et sa façon de parler, de prononcer les mots, sa voix, les émotions qui coloraient son timbre...

Dernier baiser ― excessivement chaste pour ne pas que celle de trop s'emporte ― et puis la voiture redémarra.

Boum boum ― l'eau bleue rencontra la terre d'or. D'ici une demi-heure, je rencontrerai ses parents, moins, même, s'il y avait peu de monde sur la route...

Je relaçai nos doigts.

― Whatever happens, I Love You, soufflai-je. Whatever happens, it'll be okay...

Il ne pourrait pas en être autrement ― Angel avait changé, en mieux, en l'espace de quelques semaines à peine, et ses parents ne pourraient être qu'heureux de ce changement ; assez pour comprendre que c'était parce que nous étions ensemble...

...n'est-ce pas ?

— Ensemble..., précisai-je, en resserrant nos doigts.

Dans mon esprit, les choses étaient claires. Morgan était devenu ma vie et j'espérais que mes parents puissent le comprendre.

Adsav approchait, je reconnaissais ses alentours.

"Tu as rempli ton carnet mondain pour les jours à venir", questionnai-je, Olympia sans quitter la route des yeux.

D'une, je désirais dévier mes pensées et de deux, en axant la conversation sur elle, Morgan et moi, ne souffririons pas de ses remarques sarcastiques.

Voyant la tournure que prenait la conversation, je me déconnectais de celle-ci, n'ayant aucun intérêt pour les activités de sa jumelle... tant qu'elle ne s’immisçait pas dans les nôtres, elle pourrait danser la rumba sur une corde tendue avec une ombrelle, cela m'indifférait complètement !

Je laissai mon regard se perdre dans le paysage de sylve qui s'épaississait à mesure de notre avancée ; nous avions quitté la petite ville et empruntions une route de campagne qui s'enfonçait dans un petit bois au feuillage vert émeraude ― celui du domaine d'Adsav ? Il me semblai apercevoir, au loin, des grilles fermées...

Boum boum ― j'avais le coeur qui battait plus fort encore à notre approche ― je ne me trompais pas ! Je resserrai mes doigts autour de ceux d'Angel : nous y étions. La voiture ralentit, le temps que s'ouvrent les grilles, puis pénétra l'enceinte d'Adsav.

Boum boum ― je fermai les yeux, mon stress grimpant en flèche : j'allais rencontrer ses parents. J'allais rencontrer ses parents. Et je n'avais qu'une seule chance pour faire une première bonne impression...