Obligation, oblige...

Nos bagages terminés, je laissai Morgan dans notre chambre pour tenter de trouver ma soeur. Je n'avais que trop reculé l'échéance. Le départ était quand même prévu pour le lendemain mais à quelle heure et dans quelles circonstances ?

C'était l'unique raison qui me poussait à abandonner Morgan et le confort de notre chambre pour me mêler au brouhaha qui régnait dans le foyer.

Les conversations - pour le peu que je captai, en longeant les tables et les fauteuils - semblaient toutes porter vers le même sujet : les vacances...

J'avisai ma soeur près de la cheminée, tout comme lors de notre dernière rencontre, et me dirigeai vers elle sans plus me préoccuper de ce qui m'entourait. Les conversations auraient pu s'arrêter et les têtes se retourner sur mon passage que je ne m'en rendrais même pas compte. J'avais en tête bien plus important : faire de cette entrevue une rencontre civilisée. Je me devais de rester poli, aimable et courtois si je ne voulais pas que ma soeur fasse de notre séjour à Adsav, un enfer...

- Je t'aurais plus pensée dans ta chambre à préparer tes valises, dis-je, sans formalités, en prenant place à ses côtés.

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Sans crier gare, Angelus s'assit à mes cotés. Plongée dans ma lecture, je ne l'avais pas vu approcher mais son sarcasme, lui, n'échappa pas à ma vigilance.

Je lui aurais bien répondu qu'au vu des dernières tendances, rien de ce qui remplissait mes armoires ne retournerait à Adsav ; que je comptais profiter de mes vacances pour me refaire une garde-robe digne de ce nom, mais cela ne le regardait en rien.

― Et moi, je t'aurais plus pensé dans ta chambre occupé avec ton fiancé en titre ! répliquai-je, en refermant mon livre.

Je n'avais toujours pas digéré la déconfiture qui était mienne et beaucoup d'eau passerait sous les ponts avant que ce soit le cas. Autant dire jamais !

Je ne lui ferais pas le plaisir de rentrer dans son jeu, alors je préférai faire comme si je n'avais rien entendu...

― Je voulais savoir à quelle heure il était convenu que nous quittions le château, demain. Mère ne m'en a pas informé dans sa lettre, précisai-je à contre-cœur.

Je n'avais aucune envie de subir un interrogatoire de la part d'Olympia. Intelligente comme l'était ma soeur, elle devait déjà connaitre les réponses à ses questions.

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Mon jumeau ne releva pas, déviant sciemment la conversation vers notre prochain retour à Adsav.

Y avait-il de l'eau dans le gaz entre les deux tourtereaux ? Se pouvait-il que Morgan ne nous accompagne pas ?

— Et de quoi t'a-t-elle donc informé dans sa lettre, si elle ne t'a pas fait part de l'horaire de départ ? désirai-je savoir.

Cette correspondance secrète entre Mère et Angelus ne me plaisait guère. J'étais bien décidée à en connaître tous les tenants et les aboutissants.

Si Olympia croyait que j'allais lui parler du contenu de la lettre de Mère, elle pouvait toujours espérer ! Cela ne regardait que Mère et moi. Morgan, Mère et moi.

― A quelle heure, Oly ? m'impatientai-je, d'avoir un jour ma réponse. Je n'avais qu'une hâte : quitter le foyer et retrouver Morgan.

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— Puisque tu y tiens tant que cela, je vais te répondre ! jouai-je les vexées, de voir Angelus insensible à ma curiosité.

Mon frère était un insupportable goujat !

"Rien ne t'oblige à être désagréable, tu sais ?" minaudai-je, en me tournant pour lui faire face, mon bras reposant sur le dossier du sofa.

Si je rusais suffisamment, peut-être serait-il plus enclin à se laisser aller aux confidences ? N'étais-je pas sa jumelle ? Ne devions-nous, pas entretenir des liens particuliers par rapport aux autres fratries ?

'Te serais-tu disputé avec Morgan ? Est-ce pour cela que tu es de mauvaise humeur ? Il ne vient plus avec nous à Adsav, finalement ? Pourtant, cela a l'air sérieux, vous deux..., me trompé-je ?" le questionnai-je, faussement affectée.

Pouvais-je porter la main sur mon cœur ou sur sa main, pour mimer mon chagrin, et ce, sans paraître trop en faire ?

Mais surtout :

Devant mon acharnement, délierait-il, enfin, sa langue, laissant échapper des informations ? J'avais ma curiosité à satisfaire et de ne rien savoir n'allégeait en rien mon humeur. Je détestais être dans le flou, et pourtant, mon frère devenait le roi en la matière...

...que je les détestais lui et son Morgan...!

Quelle comédienne !

Si je ne connaissais pas Olympia, j'aurais pu me laisser abuser par la sincérité qui perçait dans ses mots. Je souris, peu dupe de son stratagème et me penchai en avant, comme pour mieux aller à quelques confidences.

— Bien essayé, sœurette, mais ce n'est pas ce soir que je compte satisfaire ta curiosité, déclarai-je avant de me lever du canapé. Et laisse tomber pour l'heure du départ. Je doute que la voiture quitte Brocéliande sans moi. Tu as juste à espérer que je ne me décide pas à descendre, qu'une fois le soir venu..., me moquai-je, sans attendre de réponse.

Je lui avais posé une question à laquelle, elle n'avait pas su donner de réponse. Tant pis pour elle, elle sera plus réactive la prochaine fois...