Soleil levant ...

Contrairement à la veille, quand je me réveillai, je su exactement où et avec qui j'étais ; à savoir dans mon lit, avec Morgan, lequel me tournait le dos. Morgan que j'enserrai d'un bras ... La même scène - à quelques détails près - que la veille sur les toits ...

Je ne me rappelais même plus m’être endormi. La dernière chose dont je me rappelais était de l'avoir embrassé très, très longuement. Je souris à cette pensée. En deux jours je l'avais plus embrassé, touché et caressé qu'en plusieurs mois d'une autre relation ... Dès que nos peaux entraient en contact, plus rien d'autre n'existait. Et dire que je m'étais toujours cru non tactile ...

J'ouvris les yeux et constatai que le soleil n'avait pas encore percé à travers les voilages. Le ciel était encore sombre, même les oiseaux n'étaient pas encore à l'oeuvre. Seul le silence matinal résonnait dans la chambre - si on exceptait la respiration paisible de celui qui dormait encore tout contre moi.

Quelle heure pouvait-il être ? Retirant délicatement mon bras lequel enserrait toujours Morgan, je me tournai vers ma table de nuit et vérifiai l'heure : à peine six heures et demie ... Le soleil ne se lèverait que dans une heure. Cela me donnait le temps d'émerger tranquillement et de m'habiller avant de partir faire mon jogging. Je refermai les paupières désirant profiter de la présence de Morgan encore quelques temps quand je me souvins de ma promesse : l'emmener courir avec moi ...

Devais-je le réveiller alors qu'il dormait si bien ? J'étais très matinal mais je ne savais pas si lui l'était ... Je connaissais ses sentiments à mon égard, ses origines incertaines, plusieurs choses très intimes sur lui et sa vie mais je ne savais pas s'il était du genre à se lever aux aurores ...

Ne sachant pas trop comment procéder pour ne pas brusquer son réveil, je glissai ma main sous son haut de pyjama et me mis à caresser son ventre. Doucement, délicatement, je laissai mes doigts courir sur sa peau. Même s'il mettait une heure à se réveiller, nous aurions encore le temps de sortir du château avant que celui-ci ne soit trop animé.

Et de toute façon, rien ne nous interdisait d'aller courir ensemble ...
Rien n’empêchait deux amis d'aller faire un jogging ...

C'était ce que j'avais désiré : que l'on soit amis aux yeux des autres ... alors pourquoi n'arrivais-je pas à me faire au mot, lequel me restait en travers de la gorge.

Notes d'herbes fraîches. De fleurs. De douceur. Avec, sensation suprême, la tendresse de délicates caresses...

Je m'éveillai lentement, progressivement, dans un cocon chaud et câlin, l'esprit encore possédé par les brumes de la nuit ― celles-ci ne s'estompaient que graduellement, en même temps que ma perception du monde extérieur s'aiguisait.

Angel. Angel et ses doigts de soie, légers comme la plume, leur contact si délicieux ! Je lâchai un soupir et, comme la veille, me serrai spontanément tout près de lui, mon dos contre son torse, recherchant sa chaleur...

Doux réveil au parfum d'herbes et de fleurs : que demander de plus ? M'endormir en embrassant le garçon que j'aimais, au chaud dans ses bras ? N'était-ce pas ce que j'avais fait la nuit passée ?

Comme je l'avais escompté mes caresses sortirent peu à peu Morgan de son sommeil.

De bonne heure et de bonne humeur ..., songeai-je, en l'entendant soupirer d'aise avant de se blottir davantage contre moi.

Rêvait-il encore ou émergeait-il tout doucement ?

― Bien dormi, mon beau au bois dormant ? susurrai-je à son oreille avant de déposer un baiser contre la chaleur de son cou.

S'il me répondait, j'aurais ma réponse. S'il gardait le silence, je patienterais, mes doigts toujours à l'oeuvre ...

Pourquoi, pour la première depuis longtemps, n'avais-je pas envie de décoller de mon lit ?

Je lâchai un nouveau soupir : ses lèvres s'étaient délicatement posées sur le côté de mon cou, faisant naître de délicieux frémissements ― j'exposai davantage la courbe de mon cou : c'était si agréable !

― Mm-hmm, répondis-je, l'esprit encore trop embrumé pour faire davantage que gémir...

...gémir et soupirer...

...soupirer et...

...me blottir tout près ; me fondre en Angel.

Notes d'herbes fraîches et fleuries. Notes envoûtantes. Caresses délicates. Chaleur...

Jamais je ne m'étais senti si aimé, si choyé, qu'enlacé de ses bras, entouré de tendresses et d'attentions ― c'était une sensation que je découvrais avec Angel et à laquelle je pourrais très facilement m'habituer tellement elle était exquise !

― Je prends ton Mm-hmm pour un "oui" et j’arrête de tenter de te réveiller ? Ou bien cela veut dire "non" et je poursuis ? le taquinai-je, en réitérant encore et encore la caresse de mes lèvres sur son cou ...

Un autre soupir s'échappa de mes lèvres alors que les frémissements s'exacerbaient : apparemment, j'étais ultra réceptif aux caresses dans le cou... le cou, les oreilles, les épaules et le dos, si je me fiais au plaisir qui s'y propageait...

― Go-on, exhalai-je d'une voix presque inaudible, détachant à peine mes syllabes ― c'était si exquis que j'arquais le dos, offrant davantage la courbe de mon cou, la chute de mes reins creusant le bas de son ventre.

Tout autre chose que nous s'était effacé : ne restait que lui, sa fragrance, ses caresses, ses baisers et les émotions qu'il déclenchait en moi.

Était-ce ainsi qu'allaient se dérouler tous nos réveils ?
Étreintes, caresses, baisers et gémissements ...?

Si oui, où fallait-il signer ?

Avant de dévier trop loin, je retirai, presque à contrecœur, ma main qui s'aventurait dans des caresses, me semblait-il - au vu de la réaction de Morgan - plus qu'appréciées ...

― Reste encore un peu au lit si tu veux, mais n'oublie pas que l'on avait prévu d'aller courir ce matin, l'informai-je, sans conviction.

Mais nous n'étions pas obligés de le faire ce matin ...
Il y aurait d'autres matins ...

"Sauf si tu préfères rester au lit ..." murmurai-je contre sa peau nue, avant d'y déposer un dernier baiser et de me glisser hors du lit.

Il pouvait très bien rester dormir, mais moi, je devais absolument me défouler. Aller courir était une sage décision ...

Courir... Oui, je me le rappelai... courir... avec Angel...

...Angel qui se glissait hors des draps...

Non, je veux venir avec toi, répondis-je...

...ce qui se traduisit verbalement en un mmm imprécis.

Je n'avais pas l'habitude de m'éveiller aussi tôt, pas aussi promptement ! Mais... c'était si agréable que je ne pouvais me plaindre ― au contraire !

Je me retournai, me retrouvant à la place d'Angel, là où sa fragrance persistait le plus, me grisant dès les premières lueurs de l'aube...

Je finis par trouver la force de me lever ― de m'asseoir. Angel se changeait, finissant de passer un tee-shirt noir.

― Hey..., exhalai-je doucement lorsqu'il me refit face, mes lèvres se fleurissant naturellement d'un sourire.

Je finissais de passer mon tee-shirt lorsque Morgan sembla enfin émerger.
Je me retournai tout juste quand il m'adressa son vrai premier mot ...

Quoique ses "mm-hmm" et ses "mm-hmmm" suivis par ses "go-on" avaient aussi beaucoup d'attrait. Un petit peu trop d'ailleurs ... ! Mais je voulais bien plaider coupable pour ça. Sans honte aucune ...

Je me voyais déjà réitérer l'expérience tous les matins ...

― Hey ... lui fis-je, en écho sur le même ton.

J'avais bien fais de ne pas me retourner avant, me sermonnai-je, en le voyant les yeux plein de sommeil, les cheveux ébouriffés avec, en prime, un sourire accroché aux lèvres. De le voir si "sexe" et ce, dès le matin, au réveil - malgré qu'il porte son pyjama - ne m'aidait pas à garder les idées claires ...

Je ne réalisais pas de suite que je m'étais approché de lui. Pas avant de sentir sa joue contre ma main. Joue que je caressais délicatement de mon pouce. Pouce qui redessinait, à présent, le contour de ses lèvres.

"Tu es beau au réveil," lançai-je sans réfléchir.

Etait-ce parce que mon esprit restait encore accroché à la nuit que la caresse de son pouce ressemblait à... un baiser ?

Un baiser... tendre...

Un baiser...

...qui me faisait me sentir...

...en position de faiblesse ― Angel avait beau être délicat, prévenant, amoureux... quelque chose m'échappait et je me sentais étrangement maîtrisé ― pourtant... c'était agréable. Plus qu'agréable : c'était délicieusement velouté ― mais...

Avec douceur, je saisis son poignet de mes deux mains et l'abaissai avec précaution. Angel se laissa faire ― me laissa faire ― sans offrir de résistance. Je me penchai alors pour l'embrasser, chastement, mes lèvres caressant un instant les siennes avec une infinie délicatesse.

― Good morning, Angel, fis-je lorsque je me détachai, la voix encore lourde de sommeil. Tu as fais de beaux rêves ?

Je laissais Morgan saisir ma main sans résister, tout comme je ne résistais pas à la douceur de son baiser. Saisissant contraste que cette légèreté après la caresse que je venais de laisser sur ses lèvres.

Peut-être m'étais-je un peu trop laissé emporter par la magie du moment; par le désir que j'avais ressenti depuis mon réveil et que je n'avais pas été à même de gérer comme il se doit.

Morgan l'avait-il senti à travers mon comportement, mon geste ?
Avait-il sciemment écourté notre premier baiser du matin, le rendant aussi chaste que possible ...?

― Good morning, Angel. Tu as fais de beaux rêves ? demanda-t-il, la voix éraillée.

Comme toujours, si c'était le cas, je ne m'en souvenais pas.

― Peut-être ..., répondis-je en haussant les épaules. Tu es sûr que tu ne désires pas rester dormir ? Tu as les yeux encore emplis de sommeil ... affirmai-je, peu convaincu que ce soit une bonne idée de le sortir du lit si tôt.

― Je veux courir avec toi, objectai-je : j'avais apporté mes affaires avec moi en même temps que j'avais ramené mon pyjama, la veille ― j'avais beau ne pas être certain d'être à la hauteur, capable de le suivre, je désirais quand même essayer. Peut-être parce que j'espérais malgré moi prouver que je saurais courir ― que je n'étais pas un piètre athlète même si Angel m'avait lui-même expliqué que j'aurais de la peine à y arriver...

« Je veux être avec toi, ajoutai-je avant de déposer un bref baiser sur ses lèvres, comme pour mieux le convaincre. Je m'habille... »

Je me glissai donc hors des draps et descendis du lit sous le regard d'Angel. J'avais encore mon érection mais, à présent que j'étais levé, elle disparaîtrait rapidement.

Évitant de le provoquer, ce matin, je m'appliquai toutefois à me dévêtir avec autant de grâce que possible : je déboutonnais avec des gestes précis le haut de mon pyjama, me débarrassais avec sensualité du vêtement avant de le plier et de le poser sur le bureau. Le pantalon eut le même sort. Après, je passai un short blanc et gris, beaucoup plus court que celui d'Angel, et un polo bleu de nuit. Ne manquait que les chaussures, blanches et bleues elles aussi.

« Presque prêt, dis-je en enfilant mes chaussettes. Je ne t'ai pas trop retardé...? »

Malgré son état - encore ensommeillé - Morgan n'avait pas l'intention de déroger à notre emploi du temps:

― Je veux courir avec toi. Je veux être avec toi, affirma-t-il en ponctuant sa phrase d'un bref baiser - tentative de corruption ? - Je m'habille...

Je le laissais se relever sans protester plus. J'aurais pu argumenter autant que je le désirais, Morgan n'aurait pas changé d'avis. Je restai à l'observer quelques instants.

Pourquoi fallait-il qu'il y mette autant de coeur, à se défaire de son haut de pyjama ?

Ne pas regarder, ne pas baver, ne pas fantasmer, ne pas imaginer, ne pas désirer, ne pas se lever et ne pas toucher ... Baisser les yeux et ne plus voir ...

― Presque prêt. Je ne t'ai pas trop retardé...? demanda plus tard celui que j'avais intentionnellement évité de regarder, préférant me concentrer sur les lacets de mes chaussures -

Valait-il mieux que je fasse un double noeud ? Quelle longueur faisaient-ils si on les défaisait ? Pourquoi étaient-ils blancs et non pas noirs ?

Le genre de question qui m’empêchaient de penser à mon mec qui prenait un malin plaisir à faire durer le plaisir ....

― Non, le soleil est à peine levé ... répondis-je, en jetant un oeil vers la fenêtre. J'ai même le temps de faire le lit avant de descendre... Aussitôt dit, aussitôt fait, ajoutai-je en m'attelant à la tâche.

― Je t'aide, proposai-je aussitôt.

Moi aussi, j'avais dormi dans ses draps et, si je désirais y dormir encore demain, après demain et après après demain, je devais moi aussi pouvoir faire et refaire et rerefaire le lit. Et puis, c'était agréable de faire une tâche aussi ménagère avec Angel : cela avait un petit côté familier très appréciable !

« Nous sommes prêt, » dis-je lorsque nous finîmes avant de déposer un baiser délicat le côté de sa pommette et d'ajouter au creux de son oreille : « Tu es beau à toutes les heures. »

Je ne me rappelais pas de toutes les choses qu'il m'avait dites lorsque je m'éveillais encore, mais celle-là était resté !

« Let's go, » poursuivis-je avant qu'il ne réagisse. Je finirais autrement par nous mettre en retard...

» Soleil Levant (suite)