Les hussards sur le toit (-16)

Qu'avais-je fais ? me demandai-je alors que Morgan me califourchait, un Morgan bien réveillé. Qu'avais-je fais ? en le voyant se pencher sur moi, une lueur interdite dans le regard ...

― Nous..., souffla-t-il légèrement contre mes lèvres - le premier contact du matin ...

Tu radotes Morgan ...

"... Amoureux... tendres... enfiévrés..."

Comme ce matin ..., me semblait-il !

"Pourquoi as-tu perpétuellement cet effet sur moi ?" me questionna Morgan.

Je pourrais te retourner la même question ... pensai-je troublé par sa proximité.

"Pourquoi réagis-je toujours comme un drogué ? voulu-t-il enfin savoir.

N'avait-il pas conscience du Morgan qu'il représentait ainsi posté sur moi ? Un Morgan séducteur ... auquel j'avais du mal à résister ... Étais-je autant drogué que lui ?

― Je connais un centre de désintoxication qui pourrait peut-être t'aider à te défaire de ta dépendance, soufflai-je taquin en mordillant sa lèvre inférieure, si tentante, si douce, si proche ...

― Et comme tous les drogués, répondis-je me détachant de ses lèvres une brève seconde, je te dirai que je n'en éprouve aucunement le désir...

J'aurais été fou pour vouloir me désintoxiquer de lui !

Doucement, joueusement, j'effleurais à nouveau ses lèvres, les détachais avant qu'il n'ait le temps de réellement m'embrasser, caressais à nouveau sa bouche mais ne le laissais me mordiller la lèvre que quelques secondes...

...parce que, apparemment, je n'étais pas le seul drogué...!

Je laissai Morgan jouer avec mes lèvres même si je n'avais qu'une envie : lui faire subir ma frustration en me refusant ce baiser tant désiré. La nuit semblait l'avoir rendu maître dans la façon d'embrasser, de me rendre fou ... A moins que ce ne soit en rapport avec son rêve ... son rêve de ce "nous" ... ce "nous" qui m'intriguait ...

― Je te prouverais que tu l'es en refusant de t'embrasser, soufflai-je contre sa bouche. Je verrais alors combien de temps tu résisteras ... sans jouer avec mes lèvres ... lesquelles tu te plais tant à torturer, le provoquai-je sciemment en reposant ma tête sur l'oreiller.

― Quelques jours..., soufflai-je près de sa bouche. Une semaine... l'éternité... Si tes lèvres me sont désormais inaccessibles, j'irai chercher ailleurs où t'embrasser... doucement... doucement... doucement...

...et doucement... doucement... doucement... je laissai un chapelet de tendres baisers vers sa mâchoire, descendis progressivement vers son cou...

...où je m'arrêtai et l'embrassai amoureusement ; j'y laisserai sans doute une marque rouge mais elle s'effacerait avant que nous partîmes d'ici...

― Est-ce que ça te va ici ? m'enquis-je doucement, lèvres collées à la douceur de sa peau. Ou devrais-je poursuivre mon périple plus au sud...?

Là, c'était plus que clair que Morgan était bien décidé à me faire subir les pires tortures. Je m'étais cru plus malin en lui refusant mes lèvres mais il avait tout un stock d'autres possibilités lesquelles n'incluaient absolument pas celles-ci ... Incapable de résister à ses provocations, aussi excitantes soient-elles ou justement parce qu'elles ne l'étaient que trop, je cédai.

Je me redressai, l’entraînant dans mon mouvement et le retins par les hanches pour ne pas qu'il retombe en arrière.

― Il n'y a qu'un drogué pour reconnaître un autre drogué, soufflai-je contre ses lèvres avant de l'embrasser, aussi tendrement et amoureusement que possible.

Moment de panique lorsque Angel se redressa tout à coup, m'entraînant dans la vivacité de son mouvement ― c'était dans ses instants là, où je perdais tout contrôle, que je ne pouvais m'empêcher de m'affoler ; mais Angel, toujours aussi prévenant, me retins par les hanches pour ne pas que je tombe en arrière ― la première fois, j'avais complètement cédé à la panique et il cherchait certainement à éviter un repeat... Je fondis contre son torse, posai mes bras sur ses épaules.

― Il n'y a qu'un drogué pour reconnaître un autre drogué, souffla-t-il contre mes lèvres avant de m'embrasser, tendrement, amoureusement...

Je répondis langoureusement à son baiser, savourai la douceur de sa caresse peu sauvage, me perdis dans la Magie de l'instant... et soupirai : tout était si parfait !

― Merci, Angel, susurrai-je près de ses lèvres.

Merci de ta patience avec moi, de ta prévenance, de ta tendresse, de tes baisers, de ton désir...

Je déposai alors un bref baiser sur sa bouche rougie par nos activités, puis me détachai un instant de lui pour attraper le panier qu'il avait placé à côté :

« Est-ce que tu veux petit-déjeuner avant de redescendre ? m'enquis-je en l'ouvrant. Il y a des petits pains et des croissants mais aussi des fruits... et du chocolat chaud ! »

Je sortis les boîtes rouges, celles du petits déjeuner, puis repoussai le panier avant de déplier mes jambes pour les croiser derrière le dos d'Angel : c'était nos derniers moments rien qu'à nous et je désirais les savourer au maximum.

Je laissais Morgan m'entourer de ses jambes. Désirait-il emmagasiner de mon contact sachant qu'une fois l'échelle descendue, nous ne serions plus ce "nous", mais des amis ... ? Je ne pus m’empêcher de faire la comparaison avec le petit-déjeuner de la veille. Seulement une journée s'était écoulée et nous avions déjà vécu plus que je n'aurais jamais osé imaginer.

― Ne penses-tu pas que nous avons été trop vite ? lui demandai-je à en saisissant une des boites plastiques avant d'en ôter le couvercle. Je veux dire ... - je réfléchis un court instant. Regarde tout ce que nous avons fait en à peine vingt-quatre heures ... Tu ne te dis pas que les autres journées à venir risquent d’être monotones après celle que nous avons passé ici ? Cela ne te fait pas peur à toi ? le questionnai-je en mordant dans un croissant.

Je hochai négativement la tête.

― Je me sens bien, avec toi, répondis-je. C'est la première fois que ça m'arrive ― de m'abandonner ainsi dans une relation ― mais... tout me paraît si naturel...

Je finis d'éplucher ma mandarine et présentai devant ses lèvres un premier quartier.

« ...si belle... si magnifique... que je me dis que la Magie de cette journée ne peut disparaître ; au contraire ! Ce n'était que le premier jour ― imagine seulement ce que seront les autres...! »

J'admirais sincèrement son optimiste, sa fougue et sa bonne humeur. Morgan était à mille lieux de penser, inconscient, que tout cela n'était qu'éphémère. Ce "nous" dont il rêvait, n'avait rien de magique. Pas avec cette épée de Damoclès qui léviterait en permanence au-dessus de nos têtes ...

― Justement ... amorçai-je après avoir avalé le quartier de mandarine, nous ne serons pas constamment ensemble ou alors à nous cacher ...

C'était mon choix, ce choix, non ? Alors pourquoi étais-je tiraillé entre mes désirs et mes peurs ? Sentant déjà que je regretterais d'avoir opter pour la solution de facilité ...

"Nous ne serons jamais seuls ... Les circonstances ne seront jamais plus les mêmes ... La magie de cette journée ne pourra jamais se reproduire", déclarai-je en tentant de sourire, avant de saisir le thermos de chocolat.

Je devais me ressaisir, profiter de l’instant présent et ne plus penser que tout cela ne durerait pas. Plus facile à dire qu'à penser ...

Alors qu'Angel se saisissait du thermos de chocolat chaud, je le lui prenais doucement des mains afin de le reposer à côté de nous et de capter toute son attention :

― Angel, le réprimandai-je amoureusement. J'ai promis de taire la vraie nature de notre relation, pas me comporter à jamais comme un simple ami, rien de plus qu'un ami ―

...tendrement, je glissai mes doigts dans ses cheveux, comme pour coiffer ses mèches longues, les écartant de ses tempes...

« ...je serai avec toi même lorsque nous semblerons séparés ― cela, je te le promets... »

...et en même temps que je me penchais pour l'embrasser, je créai un mince filet d'air qui se faufila doucement sous son sweat, le long de sa colonne...

« ...ais confiance, chuchotai-je contre ses lèvres, resserrant mes jambes autour de lui. Ais confiance en nous. »

― J'ai confiance en ce "nous" dont tu me parles Morgan. C'est en les autres que j'ai moins confiance ... soufflai-je contre ses lèvres.

Olympia, Père, ton Lord Witherby, tout les autres qui ne sont pas ce nous ...

Sous la caresse combinée de ses mains dans mes cheveux, de ses jambes autour de ma taille et de sa magie sur ma peau, je ne pus que fermer les yeux et me laisser griser ...

J'étais irrémissiblement amoureux de Morgan et, aussi surprenant que ce soit, irrémédiablement accro à la douceur de ses lèvres.

... tellement grisé que je ne me rendis pas compte de suite que je venais de lui réclamer un baiser :

"Embrasse-moi ... s'il te plait ... Morgan."

Ses mots ― mes mots ― ceux qu'il avait exigés de ma bouche ― dans celle d'Angel ; Angel qui, malgré ces mots précisément, réclamait plus qu'implorait ; Angel qui, avec ses cheveux d'or sous le soleil de l'aube, avait l'air d'un dieu !

Incapable de résister à sa requête, j'approchai lentement mes lèvres, effleurai amoureusement sa bouche, mes baisers telles de chastes caresses. Rien ne pressait ― ni le soleil qui s'élevait dans le ciel ni les oiseaux qui déjà commençaient à siffler ; je n'avais qu'un seul désir : embrasser Angel de sorte que même lorsque nous serions séparés, tout à l'heure, ses lèvres garderaient la saveur de cette caresse, qu'elles ne brûleraient que pour retrouver mes propres lèvres...

Je ne me précipitai pas non plus pour approfondir mes baisers ― ce fût d'ailleurs presque avec timidité que je laissai ma langue effleurer la sienne, farouche, hésiter avant d'entamer un lent ballet ; et toute aussi langoureux, mes doigts qui n'avaient cessé de jouer avec ses mèches de sable blanc, à la base de sa nuque. Seul mon filet d'air s'était dissipé, occupé que j'étais à savourer le présent ― à savourer Angel dont le doux parfum d'herbes fraîches et fleuries agissait comme le plus capiteux de tous les élixirs !

Je me détachai à regret de ses lèvres, lesquelles venaient d'exprimer dans le plus beau des baisers, leur appartenance aux miennes.

― Si ce baiser n'est qu'un rêve ... je fais le voeu de ne jamais plus me réveiller ... susurrai-je, le souffle court, en posant mon front contre celui de Morgan.

― Tu as de la chance, soufflai-je, resserrant mes jambes autour de lui. Ce n'était pas un rêve... et je serais plus que ravi de réitérer ce baiser dès que je t'aurais à nouveau pour moi tout seul... est-ce que tu pourras tenir ?

Non, avais-je envie de crier mais je me retins in extremis.

― Autant dire pas avant ce soir, soufflai-je de frustration. Que la journée me paraîtra bien longue ... En parlant de ça, nous devrions peut-être redescendre ... J'aimerais mieux éviter de croiser quelqu'un dans les couloirs ...si cela ne te dérange pas ...

Eviter de croiser quelqu'un... Right... Evitons.

― Non, répondis-je.

N'avais-je pas accepté cette relation cachée ?

Je desserrai mes jambes autour d'Angel.

« Je t'aime, lui dis-je en apposant un dernier baiser sur ses lèvres avant de me lever et de lui tendre la main. Allons-y... »