Les hussards sur le toit (-16)

J'arrivai tout en haut, montant l'échelle qui menait aux toits de biais, en équilibre fragile : Jole avait rempli mon panier de fruits, de salaisons, de fromages, de petits pains, de desserts au chocolat, le tout rangé dans une kyrielle de petites boîtes ! Ajouté à cela, deux thermos sans fond, un d'eau, l'autre de chocolat chaud... Ainsi chargé, mon ascension s'avérait... délicate !

L'hafelin et Mila m'avaient pressé de questions à propos de cette si spéciale personne : comment s'appelait-elle, quel âge avait-elle, était-elle belle, l'avais-je déjà embrassée ! Je ne m'étais pas départi de mon sourire mais avais refusé de répondre :

― Embêtez Songe à ma place, voulez-vous ! avais-je demandé, le ton léger, amusé. Votre quotidien est-il si monotone que vous devez vous intéressez à mes escapades buissonnières ?

Mes paroles avaient été récompensées d'une forte frappe sur les fesses qui m'avait fait bondir ― Jole m'avait trouvé très drôle ; j'avais pris note de l'être loin de sa personne si prochaine fois il y aurait...

Mon panier gracieusement rempli, je m'étais rapidement arrêté dans ma chambre, prendre l'épaisse et chaude couverture que je gardais pour les nuits fraîches. Prêt et paré, j'avais alors pris le chemin vers les toits...

― Hey, fis-je avec le sourire lorsque, atteignant la cime du château, je vis Angel à l'ombre d'une des tours, contemplant déjà le paysage.

Comme toujours, il était magnifiquement beau, ses longs cheveux de sable luisant sous la lumière réverbérée du soleil...

Mains dans les poches de mon jean, adossé contre une des tours, j'attendais que Morgan me rejoigne.

Nous nous étions quittés aux portes du réfectoire. Tandis que je prenais la direction des dortoirs, lui s'en était allé vers les cuisines.

Je n'avais croisé personne de mes cours du matin dans les couloirs, ni au foyer. Sur le moment, j'aurais été bien embêté de trouver une excuse plausible sur mon absence en cours alors que j'affichai un sourire à "mille dollars" sur le visage ...

Comme me l'avait proposé Morgan, j'étais passé par ma chambre y chercher des oreillers - mais pas que ... Mon barda attendait à mes pieds, moi, je découvrais la vue magnifique qu'offrait les hauteurs de l'école. C'était vraiment une bonne idée qu'il avait eu de proposer cet endroit pour échapper au reste de l'école. Il faudrait vraiment qu'on soit "maudits" pour se faire prendre ici. Mais pour le moment, la chance semblait être au rendez-vous ...

Pourvu que ça dure ...! Je préférai ne pas songer au lendemain et aux conséquences de notre journée "école buissonnière". Aujourd'hui n'était consacré qu'à nous. Juste nous ... Demain, c'était demain et la journée ne faisait que commencer.

J'étais plongé les yeux dans le vague quand je perçu un bruit. Le temps que je tourne la tête, l'on me hélait :

― Hey, me lança un Morgan chargé et légèrement chancelant.

Je me décollai du mur et m’avançai vers lui, mon sourire faisant écho au sien. Il tenait d'une main un sac plus grand que celui que j'avais moi-même apporté - contenant surement la couverture - et de l'autre un panier - dont il me tardait de découvrir le contenu.

― Besoin d'aide ? proposai-je, les mains toujours dans les poches de mon jean.

Je lui laissais ainsi le choix de ne pas être obligé d'accepter, ne voulant pas qu'il puisse penser mal de ma proposition. Avec Morgan, je devais être attentif à tout. Autant à mes gestes qu'à mes paroles ...

― Je ne serais pas contre, acquiesçai-je en tendant précautionneusement le panier.

Angel l'attrapa d'une main et m'aida à me hisser de l'autre...

Dès que j'étais à sa hauteur, à nouveau en équilibre, au lieu de le lâcher, je tirai le jeune homme à moi et déposai un rapide et doux baiser sur ses lèvres ―

― Merci, Angel, dis-je alors tout bas contre sa bouche.

Merci d'être là, avec moi, ici, rien que nous...

J'attrapai le panier d'une main et aidai Morgan à se hisser de l'autre. Dès qu'il fut face à moi, il m'attira à lui et me vola un baiser. Il ne s'écarta pas comme la dernière fois, mais souffla tout contre mes lèvres :

— Merci, Angel.

Je restai planté tout contre lui, ne cherchant pas à cacher mon émotion, ne désirant pas mettre fin à cet échange, même insignifiant.

— Merci à toi ... répondis-je, déposant à mon tour un léger baiser sur ses lèvres.

" ... tu ne devrais pas rester si près du bord, je m'en voudrais de te faire tomber "accidentellement' ..." le taquinai-je une nouvelle fois en souriant.

Je nous écartai du danger, nous faisant reculer.

Je me laissai doucement entraîner par Angel...

― Te manquerais-je ? demandai-je, tout sourire, ravi qu'il m'ait lui aussi embrassé ― un bref instant, ses lèvres avaient cherché les miennes, tendres, caressantes...

Je liai nos mains et nous dirigeai vers l'ombre de la tour, désireux de contempler la forêt de là où il l'avait observé. Niché dans cet écrin de mousse verdoyante, un saphir scintillait sous le soleil.

― Jole a chargé le panier, dis-je en m'arrêtant là où je l'avais surpris. Je crois qu'il a dévalisé ses propres réserves...! Qu'est-ce que tu préfères ? Un brownie ? Fudge ? Mousse ? Sauce ? Mendiants ?

Je détachai les yeux du paysage d'émeraude pour les porter sur mon petit ami ― un dessert à part entière ! Je me penchai vers lui pour l'embrasser, cette fois, dans le cou, juste sous l'oreille :

― Je t'aime, fis-je tout bas.

Les mots étaient sortis naturellement ― les premiers que je prononçais : Angel avait fait chaviré mon coeur dès les premiers instants et le colibri gazouillait, extatique. Un homme ne découvrait peut-être pas l'Amour à seize ans, comme l'avait dit Witherby, mais à dix-sept, je l'avais trouvé.

― Choisis le dessert, tout me va...

Assurément qu'il me manquerait. Pourtant Morgan ne me laissa pas le loisir de répondre ... - bien que la réponse, il devait déjà la connaitre -

J'espérais qu'il la sache !

... et nous amena, mains liées, vers mon poste d'observation.

― Jole a chargé le panier. Je crois qu'il a dévalisé ses propres réserves...! Qu'est-ce que tu préfères ? Un brownie ? Fudge ? Mousse ? Sauce ? Mendiants ?

De tout ce qu'il venait d’énumérer, je ne retins que le seul que je connaissais : les brownies. Comme j'aimais les brownies, le choix fut rapide.

Je jetai un oeil sur le panier que je tenais toujours à la main quand Morgan me surprit encore une fois en me déposant un baiser dans le cou ... douce caresse procurant de délicieux frissons.

― Je t'aime, susurra-t-il contre ma peau.

Avait-il conscience d'avoir parlé à voix haute ? J'eu un doute quand il ajouta tout aussi naturellement :

" Choisis le dessert, tout me va..."

Je restai à l'observer, ému par sa déclaration mais tétanisé par une force invisible qui m’empêchait d’être avec lui comme lui était avec moi. Je n'avais pas son aisance pour m'ouvrir aux autres. Ni son assurance en parole. Encore moins ce coté tactile qui m'effrayait et me comblait de frissons à chaque fois. Je n'étais pas Morgan avec sa spontanéité, sa force et sa fraîcheur mais j'étais moi avec mes peurs, mes faiblesses et mes certitudes ...

... dont une : j'étais sûr de moi en ce qui concernait mes sentiments pour Morgan. Je l'aimais, c'était indéniable mais je ne pouvais pas encore le lui dire. C'était trop tôt, je ne m'en sentais pas encore capable.

― Un brownie ce sera parfait, déclarai-je, troublé, en m'asseyant à même le sol, entraînant Morgan dans mon mouvement.

Peut-être Angel ne m'entendît pas, mon "je t'aime" à peine audible ; ou alors, il était comme le notaire et préférait garder ses mots pour lui... Je penchais d'ailleurs pour ce deuxième cas, raison pour laquelle j'avais enchaîné sans lui laisser le temps de répondre... sans me laisser le temps d'attendre une réponse que je n'aurais jamais.

― Les desserts sont dans les boîtes blanches, précisai-je alors que je me carrais tout près de mon petit ami.

Non pas qu'il aurait de la peine à trouver les brownies, les couvercles étant transparents ; aussi, j'attendis patiemment qu'il les trouve, admirant son profil se détacher contre le ciel bleu ― une vision tellement plus belle que celle que nous offrait les toits ! Une vision qui faisait chanter mon coeur ! Et tant que je le pouvais, je préférais me repaître de lui ― demain... demain serait un autre jour.

Nous dégustions les brownies en silence depuis quelques minutes déjà. Chacun semblant plongé dans ses pensées. Pour ma part, je réfléchissais à mon futur - lequel s'avérait de plus en plus incertain. Qu'allait-il advenir de moi une fois l'année scolaire écoulée ?

Je frissonnai subitement en imaginant la réaction de Père si je bafouais son autorité, ses plans d'avenir - avenir qui ne me satisfaisait pas, ne me correspondait pas - et ses décisions ... pour Morgan. Morgan qui était apparu dans ma vie si soudainement et qui m'avait fait ouvrir les yeux sur moi, mes décisions passées, mes projets erronés ...

Pris d'une subite envie de contact - une première, attitude qui me surprit, malgré tout - je saisis la main de Morgan. Sans oser le regarder, de peur de ne pas aimer la réponse que je lirais dans ses prunelles si expressives, je traçai le contour de ses doigts en l’interrogeant :

― Tu as des projets pour ton avenir ? Proche ou lointain ...

Etre là, avec Angel, me comblait d'aise, même si, au fond, nous ne faisions rien qu'être ensemble à contempler le paysage d'une telle beauté qu'il exaltait la magie de ce moment si particulier ― et puis, comme pour parfaire la perfection de l'instant, Angel chercha ma main, la caressant d'un léger tracé de ses doigts... Mes lèvres se parèrent d'un sourire étincelant !

Mais Angel ne semblait pas tout à faire éprouver la même chose :

― Tu as des projets pour ton avenir ? fit-il tout à coup d'une voix pourtant si douce. Proche ou lointain...

Je détachai le regard des eaux saphirées. Angel, lui, gardait les yeux sur la forêt, l'air troublé...

Je me penchai pour déposer un autre baiser dans son cou.

― Des projets ? répétai-je. Avec toi ?

Je me serrai tout près de lui.

― Je ne sais pas, à vrai dire, poursuivis-je. Je fais ce que me demande Lord Witherby... J'ai toujours fait ce qu'il me demandait.

Je blindai mon esprit et me concentrai sur un point au delà de la foret. Au moment où la question avait jailli de mes lèvres, je savais déjà que c'était une erreur de la lui avoir posée.

Morgan avait été élevé dans le conformisme, comme moi en un sens, même si lui obéissait à des règles bien plus strictes et régies par les institutions qu'il avait côtoyé tout au long de sa vie. Pour preuve l'uniforme qu'il ne quittait jamais. Jamais nous ne serions libres de vivre notre histoire au grand jour.

J'étais tellement effondré par ce que je venais de réaliser que je ne remarquai pas que Morgan se rapprochait et m'embrassait dans le cou.

― Des projets ? Avec toi ? répétât-il.

Quels projets ? répétai-je en me traitant de fou, d'inconscient, de stupide. Nous sommes bien naïfs pour avoir pu croire un seul instant que nous pouvions avoir des projets.

Comme s'il avait perçu mon mal-être Morgan se serra tout contre moi. Je fermai les yeux, dépité. Alors que je pensai bien naïvement que nous avions écarté les nuages de notre relation, je venais avec ma question d'en faire apparaître de bien plus gros et de ceux qui ne se dissipent pas avec la brise ...

Morgan ne fit que renforcer mes appréhensions :

"Je ne sais pas, à vrai dire. Je fais ce que me demande Lord Witherby... J'ai toujours fait ce qu'il me demandait".

Mon coeur s’arrêta ...

Avait- il conscience qu'il venait de réduire notre relation au néant le plus absolu ? Son Lord Witherby ne me tolérerait pas dans la vie de Morgan, tout comme Père ne l'accepterait pas dans la mienne.

... avant de repartir.

Je devais profiter de chaque instant qu'il me restait à partager avec lui. Au diable Père, au diable Olympia, au diable tous ceux qui nous jugeraient. Notre relation était vouée à l'échec donc autant la vivre à cent à l'heure pendant que nous en avions encore l'occasion !

― J'ai un cadeau pour toi, annonçai-je en lui ébouriffant les cheveux. Pas vraiment un cadeau mais bref, tu verras ...

Je me relevai et parti chercher mon sac qui reposait toujours où je l'avais laissé en arrivant sur le toit.

Sans prévenir, Angel m'ébouriffa soudain les cheveux et je me détachai de lui, rire aux lèvres, pour échapper à ce décoiffage en règle !

― Quel cadeau ? m'enquis-je alors qu'il se levait.

Je me retournai pour le voir se diriger vers son barda.

― Angel ? l'appelai-je tout à coup stressé par cette perspective.

C'était idiot mais j'avais peur de ce que pourrait être ce cadeau : tout ceux que le notaire m'avait offerts l'avaient été à une fin précise ― je pouvais lui faire confiance pour qu'ils me servent ; pour qu'ils nous servent. Là, Angel m'offrait l'inconnu ― quelque chose d'imprévu que je ne contrôlais pas... et j'aimais garder le contrôle. Oui, j'avais dit que c'était idiot ― tellement idiot que je pris sur moi et attendis sagement mon petit ami en qui, je l'avais décidé, j'aurais toute confiance.

J’attrapai la anse de mon sac et retournai m'asseoir devant Morgan. Je ne voulais pas rater son expression quand il comprendrait ce que je lui "offrais".

― Si je te demandais de fermer les yeux deux secondes, tu le ferais ? le questionnai-je en glissant ma main dans le sac.

Devant son silence, je relevai la tête vers lui. Je retins avec peine un sourire.

"N'aies pas peur, je ne vais pas sortir un couteau et t'égorger avec", plaisantai-je.

Morgan fini par accéder à ma demande et je sortis rapidement les deux vêtements que j'avais apporté à son attention. Une paire de jeans brut et un sweat à capuche - mon favori, le blanc avec une double poche sur le devant. Je les déposai sur ses jambes et attendit qu'il ouvre les yeux.

"C'est bon, tu peux regarder"

Tout ce que je souhaitais c'est qu'il ne se vexe pas de ce cadeau qui n'en était pas vraiment un ... mais bref !

Mise à l'épreuve ― God had heard me, and, now, he was testing me.

― N'aies pas peur, je ne vais pas sortir un couteau et t'égorger avec, plaisanta Angel.

Mon appréhension était-elle si évidente ?

Je fermai les yeux, préférant encore me mettre en position de faiblesse que d'afficher une crainte idiote. Tous mes autres sens s'aiguisèrent aussitôt.

Angel ouvrit son sac et en sortit quelque chose. Quelque chose qu'il déposa sur mes jambes. Je ne rouvris les paupières que lorsqu'il m'en donna la permission...

...un jean. Et un sweat.

Je levai les yeux, un sourire de mille feux éclaira mes traits :

― Pour que je les porte ? demandai-je espiègle. Si tu voulais me voir dénudé, tu n'avais qu'à demander ! plaisantai-je. Tu m'aides à me déshabiller...?

En voyant le sourire qu'affichait Morgan, je soufflai de soulagement. Le cadeau avait l'air d’être apprécié.

― Pour que je les porte ? demanda-t-il amusé.

J'hochai la tète en souriant de plus en plus ravi de ma bonne idée ...

Non, pour les repasser !

"Si tu voulais me voir dénudé, tu n'avais qu'à demander !"

Je retiens ! Ne pas hésiter à demander.

"Tu m'aides à me déshabiller...?"

... qui n'en était pas forcément une en sentant le rouge me monter aux joues. Mais je jouai toutefois son jeu.

― C'est la façon que tu as trouvé pour te venger de moi ? Tu veux me rendre la monnaie de la pièce pour ma chemise mouillée de ce matin ? demandai-je, amusé, en m’accroupissant devant lui.

Angel rougit à ma demande, ce qui me fit rire ― avait-il pensé que je le laisserais apprécier le spectacle sans même m'aider alors que c'était son idée ? Je le défiai d'un regard pétillant ; le jeune homme finit par sourire :

― C'est la façon que tu as trouvé pour te venger de moi ? fit-il, amusé. Tu veux me rendre la monnaie de la pièce pour ma chemise mouillée de ce matin ?

― Tu as trouvé ce que tu cherchais ! répliquai-je en parfait provocateur. Viens donc me chercher...!

Self control Angel !

Arrêter de rougir devant mon copain toutes les trois secondes, était une des choses que j'allais devoir mettre en pratique et le plus tôt serait le mieux si je voulais rester aussi crédible que possible. Surtout là, alors que je me positionnais sur ses jambes et que je le poussai en arrière, le forçant à s'allonger.

― Tu joues un jeu dangereux Morgan Le Fay, tu le sais ça ? annonçai-je sourire aux lèvres et mes yeux plantés dans les siens.

Je ris en voyant les joues d'Angel se rosirent à nouveau ― mais très vite, le jeune homme se reprit et, tout à coup, il se plaça à califourchon sur moi ―

Fuck ― God was definitely on a mission to test me on that one !

― Tu joues un jeu dangereux Morgan Le Fay, tu le sais, ça ?

No kidding !

Angel avait inversé les rôles et je me retrouvais en position de faiblesse ― how the hell had that happened ?

― Tu triches ! protestai-je, essayant de ne pas laisser paraître mon stress soudain ― faire confiance ! Comment pourrais-tu me déshabiller alors que je suis allongé ?

C'était un argument... non ?

― T'inquiète pas pour cela, le fait que tu sois allongé ne sera pas un problème, rétorquai-je en dégrafant les boutons de sa veste.

Intérieurement, je jubilai de l'avoir pris à son propre jeu. Extérieurement, je tentai de rester aussi sérieux que me le permettait la situaton.

Ne pas rire Angel, pensai-je en boucle.

"Le but de l'opération n'était-il pas de t'aider à te déshabiller ? Là, tu vois, tu gagnes au change car tu n'as même pas à le faire, je le fais pour toi" lançai-je innocemment en haussant les épaules.

Angel en train de me déshabiller ― l'expérience aurait dû être magnifique, magique... si je n'avais été dans une telle position !

Breathe and relax, me dis-je alors qu'il dégrafait ma veste. Ce n'est que ton petit ami...

― Ta conception de l'aide diffère radicalement de la mienne, objectai-je tout de même... tout en le laissant faire ― pouvais-je dire "partagé" ? Entre mon stress et mon désir, tout ce que je pouvais faire, c'était poser mes mains sur les jambes d'Angel ― au cas où...

― Pourquoi portes-tu toujours cet uniforme ? demandai-je en écartant les pans de la veste pour attaquer les boutons de sa chemise.

Poser des questions aussi simples de réponse me permettait de ne pas penser à ce que je faisais sur un toit, à califourchon, sur un garçon ...

Reste concentré, Angel !

... que je déshabillais. Aussi craquant puisse-t-il être, Morgan restait quand même le premier garçon que je déshabillais.

La question me désarçonna tant que j'oubliai un instant le fait qu'il me déshabillait et que j'étais sous lui, pour mieux me concentrer :

― Je... je n'ai jamais porté qu'un uniforme, répondis-je. Il me semblait naturel d'en porter un ici aussi ― je l'ai fait faire au couleur de l'école... c'est plus sérieux ― non...?

Mais pourquoi me demandait-il cela ? C'était la première fois qu'il le mentionnait...!

Je cessai mon activité principale ― entre autre, apprécier le spectacle qu'offrait son torse dénudé... ― pour plonger mon regard dans celui de Morgan. Il paraissait intrigué par la question. Je souris, moqueur, en rebondissant sur sa réponse :

― Sérieux dans le sens où il fait ressortir ton coté élève premier de la classe qui aime à faire l'école buissonnière, avec le premier venu ?

...et se laisser déshabiller... ajoutai-je seulement pour moi ―

"Alors oui, si par sérieux tu entends cette conception du mot ... il fait effectivement très sérieux !"

Je tirai lentement sur la chemise pour la faire sortir de son pantalon et continuer ainsi mon entreprise. Il me restait encore deux boutons à défaire et je ne savais toujours pas s'il allait me laisser continuer au delà ... Pas plus que je savais si j'aurais l'audace de poursuivre ...

Cette fois-ci, c'était à moi de rougir ―

― Tu n'es pas le premier venu ! protestai-je ― quelque chose que je n'arrêtais pas de faire depuis qu'il s'était assis à califourchon sur moi... était-ce un signe ?

"Et c'est sérieux dans le sens... dans le sens..."

Je commençais à perdre mes mots, d'autant qu'Angel finissait de déboutonner ma chemise pour dévoiler mon torse ― et bien qu'il m'avait gratifié de la même vue, plus tôt ce matin, lui s'était empressé de se rhabiller... Moi, je restais sous lui, définitivement vulnérable.

Un Morgan rougissant n'était pas fait pour m'aider à rester maître de mes émotions. Encore moins quand il sembla s'offusquer de mes paroles.

― Tu n'es pas le premier venu ! contesta-t-il énergiquement.

Mon coeur, ravi de l'entendre, s’emballa dans ma poitrine, chose qui ne m'aida pas à rester concentré. Je fermai les yeux un instant pour oublier celui que j'avais sous mon contrôle.

"Et c'est sérieux dans le sens... dans le sens...". Morgan semblait perdre ses mots. Je décidai de profiter de la situation tant que je me savais en position de force.

― Dans le sens ? m'amusai-je à le narguer en me penchant sur lui, arrêtant mon visage à quelques centimètres de ses lèvres.

Cette fois-je perdais le contrôle ― Angel, la proximité, son parfum d'herbes fraîches, ses lèvres hors de portée ―

― Embrasse-moi, soufflai-je, le ton presque désespéré.

J'avais cherché Angel et je l'avais trouvé ― désarmé, je ne pouvais que me soumettre à ses désirs en espérant qu'il comble aussi les miens...