Chasse gardée...

― ... à moins qu'elle ne soit chasse-gardée, ajouta-t-il après un court instant.

― Chasse-gardée ? Comme dans pas touche ? questionnais-je innocemment.

Je m’arrêtais subitement et lui faisant face précisais autant pour lui que pour moi:

"Personne ne te force à quoi que ce soit dis-tu, alors pourquoi me demandes-tu la permission pour la courtiser ? Si elle t’intéresse, ne te gêne pas pour moi. Sache que mon cœur est déjà pris" achevai-je en soupirant, mélancolique.

Il avait bien de la chance de pouvoir faire ce que bon lui semblait. Moi, si j'avais pu choisir, je ne serais pas dans cette école, à obéir à Père et surtout à mille lieux de ma bien-aimée ...

― Chasse-gardée ? Comme dans pas touche ? questionna Angel.

Quoi d'autre ?

Je m'apprêtais à acquiescer lorsque le jeune homme nous arrêta, sa main posée sur mon bras :

― Personne ne te force à quoi que ce soit dis-tu, alors pourquoi me demandes-tu la permission pour la courtiser ?

Je haussai le sourcil, surpris, mais le laissai poursuivre :

« Si elle t’intéresse, ne te gêne pas pour moi. Sache que mon cœur est déjà pris. »

Okay...

Je glissai mes mains dans mes poches.

― Chasse-gardée ? demandai-je. L'élu(e) de ton coeur...

La question, évidemment, était rhétorique : le ton mélancolique trahissait son affection.

― Personne ne me force à faire quoi que ce soit, repris-je. Pour autant, je sais respecter les règles lorsqu'elles me paraissent appropriées ― il faudrait que je n'aie aucun respect pour toi pour sortir avec une personne que tu convoites !

Je sursautai légèrement surpris par l'affirmation qui ressortait dans ses derniers mots. Il me respectait déjà ? Assez pour ne pas empiéter sur mon terrain de chasse ... Je repris la marche vers le château, sans presser l'allure toutefois, Morgan à mes cotés ; ni lui, ni moi ne brisâmes le silence. Je digérais ses dires, appréciant le fait qu'il puisse me considérer comme un ami ― ce serait mon premier...

Après quelques pas empli de silence, je repris la parole:

― Tu as une façon de t'exprimer bien singulière Morgan. De savoir que tu m'offres ton respect alors que nous nous connaissons depuis si peu, m'honore.

Je m’arrêtai et lui tendis la main :

"Angelus Death, me présentai-je une nouvelle fois, en fixant ses prunelles bleues, mais tu peux aussi rester sur Angel, précisai-je sans savoir pourquoi je m'étais présenté ainsi la première fois ... Enchanté de faire ta connaissance Morgan Le Fay. Je n'ose demander ce que ce pauvre garçon a bien pu te faire pour que tu le traites de la sorte. Querelle d’amoureux ?" demandai-je taquin, le sourire aux lèvres.

Angel parut surpris ; il m'observa un moment puis, sans rien dire, reprit le chemin vers le château. Je lui emboîtai pas, glissant mes mains dans mes poches. Le ciel commençait à s'assombrir, revêtant un robe indigo éclaboussée d'or et de rose à l'horizon, et le vent se levait doucement ; ce soir, il ferait froid...

― Tu as une façon de t'exprimer bien singulière Morgan, déclara soudain le jeune homme à mes côtés, rompant le silence.

Je haussai les épaules. Je ne trouvais pas.

« De savoir que tu m'offres ton respect alors que nous nous connaissons depuis si peu, expliqua-t-il, m'honore. »

― Tergiverser ne fait pas partie de mes habitudes, répondis-je. Je sais rapidement jauger les autres.

Il s’arrêta, me forçant à faire également halte, et me tendit la main :

― Angelus Death, enchanté de faire ta connaissance Morgan Le Fay, fit-il solennellement.

Je lui serrai la main pour la deuxième fois en une quinzaine de minutes ; cette seconde présentation, toutefois, semblait avoir davantage de signification à ses yeux.

« Je n'ose demander ce que ce pauvre garçon a bien pu te faire pour que tu le traites de la sorte, poursuivit-il presque sombrement avant que ses prunelles s'éclairent d'étoiles. Querelle d’amoureux ? »

J'éclatai de rire.

― Même pas en rêve ! répliquai-je, reprenant la marche. Haiko m'énerve : il s'est mis en tête de me prendre pour modèle et copie tout ce que je fais ― je porte un uniforme, lui aussi ; je me mets au dessin, il me demande une feuille et un crayon ; je fais de la photo, il veut choisir l'angle... Manque de chance, c'est mon camarade de chambre ! Impossible de lui échapper !

Mais peut-être Merlin consentirait-il à me laisser changer de chambre...

Pour la première fois depuis bien longtemps je me laissais à rire.

Je n'osais imaginer le calvaire que Morgan avait dû subir depuis son arrivée au château. Je calmai mon fou rire et accélérai le pas pour rattraper mon nouvel ami. Une impression d'avoir trouvé quelqu'un pour partager mes heures de loisirs, m'enchantais. J e regrettais presque qu'il ne soit pas avec moi dans la chambre 467.
Continuant à calquer son allure, bien qu'un sprint jusqu'aux portes de l'école ne m'aurait pas déplu, je repris la discussion. Un sourire ne quittait pas mes lèvres. Il me plaisait de plus en plus ce Morgan.

― Ne te plains pas ! Tu devrais te sentir flatté que quelqu'un te prenne pour modèle. Cela dénote clairement un manque de personnalité de la part de ton camarade de chambre mais c'est aussi valorisant d'une certaine façon, non ? Moi je devais constamment prendre exemple sur Olympia..., soufflai-je déprimé d'un coup en songeant aux nombreuses remarques de mes précepteurs. Sans compter celles de Père ou d'Olympia elle-même...

Ma réplique fit rire Angel, lequel me rattrapa rapidement.

― Ne te plains pas ! me dit-il. Tu devrais te sentir flatté que quelqu'un te prenne pour modèle. Cela dénote clairement un manque de personnalité de la part de ton camarade de chambre mais c'est aussi valorisant d'une certaine façon, non ? Moi je devais constamment prendre exemple sur Olympia...

― A peine flatteur, répondis-je. Il se mêle trop de mes affaires pour que ce soit flatteur ― et je déteste que l'on se mêle de mes affaires. Et puis, ça ne m'enchante pas de le voir s'habiller comme moi ! Imagine que ton camarade de chambre porte tout ce que tu portes, toi ?

― Pour l'instant je ne peux pas imaginer car je ne partage ma chambre qu'avec moi-même. Mais si on m'octroie un camarade de chambre et que ce dernier me calque sans honte, je viendrai t'informer de mon ressenti, promis-je solennellement ma main droite sur le cœur.

Je me sentais très bien tout seul ... jusqu'à présent en tout cas. Je n'avais jamais partagé le moindre espace avec quiconque. Même au manoir, Olympia et moi avions des salles de cours différentes. Le seul refuge commun à tous était la grande bibliothèque où je ne mettais quasiment jamais les pieds.

Angel avait un humour légèrement corrosif qui me plaisait beaucoup et je lâchai un autre petit rire.

― Je ferai en sorte que l'administration te refile Haiko, histoire que tu vives l'expérience au plus près de la mienne ! lançai-je. Mais dis-moi, comment as-tu fait pour te retrouver seul ?

J'aurais moi aussi aimé ne pas être encombré d'un camarade ― pour les choses que le notaire voulait que je fisse, je désirais avoir une certaine intimité...

« Je devrais peut-être me plaindre de harcèlement sexuel..., » ajoutai-je presque pour moi-même...

A force de rire et sourire, je commençais à avoir mes zygomatiques très douloureux. Je me sentais d'une humeur que je n'avais pas ressenti depuis des semaines. Je ne savais à qui inculquer cet état: aux biscuits qui avaient rempli mon estomac ou à Morgan qui deviendrait une personne importante lors de mon séjour ici. Un ami assurément ...

― Je ferai en sorte que l'administration te refile Haiko, histoire que tu vives l'expérience au plus près de la mienne ! me lançât-il bougon.

Non merci , songeais-je du tact au tact en retenant une vilaine grimace. Pour rien au monde je ne voudrais d'un autre double. Celui de ma sœur me suffisait amplement.

"Mais dis-moi, comment as-tu fait pour te retrouver seul ?" me questionna-t-il soudain.

Je regardai le château se dessiner au détour des arbres. Le soleil couchant irisait le ciel de magnifiques couleurs. Mon visage s'assombrit quelque peu.

― Je suppose que Père aura joué de son influence auprès du directeur. Il n'aime pas que je sois distrait. Je suis ici pour étudier et pour "gérer" les affaires familiales lorsque le moment sera venu. Je n'ai pas choisi d'être seul. Je t'envie sur ce point Morgan ... confiais-je en colère contre celui qui usait encore de son influence sur moi malgré la distance qui nous séparait.

Je jetai un regard de biais à Angel, un mélange entre incompréhension et... incompréhension, à vrai dire.

― Je te l'ai dit, je peux m'arranger pour te refiler Haiko, répétai-je : s'il tenait à un camarade, je lui cédais volontiers le mien !

Le jeune homme me rendis un regard réprobateur et je levai les yeux au ciel, amusé.

« Qu'est-ce qui te déplaît réellement ? m'enquis-je. Le fait d'avoir une chambre à toi seul ou le fait que ton père ait user de ses relations ? Et à quoi celles-ci servent-elles si ce n'est pour nous rendre service de temps à autre ? »

J'avouais ne pas saisir ce qui le tracassait.

« Profites-en, Angel ! Tu as de la chance ! » ajoutai-je alors que nous arrivions aux portes du château.

Faisant à nouveau preuve de galanterie à son égard, j'ouvris le battant et m'écartai pour le laisser passer.

« Il devrait être l'heure du souper, dis-je. Je propose que nous montions au réfectoire ― où tu pourras te débarrasser de ton assiette... »