Repas de famille...

Avant de franchir la porte qui nous séparait encore du reste de ma famille, je me tournai vers Morgan et sondai son regard. J'enserrai un peu plus nos doigts, que je n'avais pas lâchés, même lorsque je l'avais présenté à Lénaig !

— Tu es prêt pour ton premier repas, au sein de ta belle-famille ? demandai-je, inquiet, mais tout en affichant un sourire sincère.

Comment pouvait-il avoir confiance, si moi-même, je n'affichai pas une assurance que j'étais loin de ressentir ? Je me devais de montrer l'exemple.

J'attendais, impatiemment et anxieusement, son feu vert pour oser franchir le dernier obstacle qui nous protégeait encore des miens : la porte la plus imposante du manoir si on exceptait celle de l'entrée.

S'il me répondait que non, je nous excuserai auprès de mes parents et nous pourrions prendre notre repas, en cuisine. Mère n'y verrait pas d'objection, Lénaig encore moins, qui elle aussi avait succombé au charme de mon anglais de petit-ami...

...no comment...

Je hochai la tête, l'étreinte de nos doigts réconfortante : elle était le symbole de ce que nous étions, de ce nous si inséparable.

― J'aime ce mot, répondis-je. 'Belle-famille'...

Je me penchai et l'embrassai dans le cou.

« Je suis prêt... »

Après tout, je les avais déjà rencontrés ; Angel me souriait, souriait depuis tout à l'heure ― depuis que sa mère lui avait parlé...

...ça ne pourrait qu'aller !

« Belle porte..., » ajoutai-je alors que nous demeurions devant celle-ci. Elle était en bois sombre, magnifiquement assemblée...

...Angel avait grandi dans un très beau manoir.

Devais-je m'étonner que Morgan remarque l'ouvrage de la porte ? N'était-il pas un artiste, pourvu d'une sensibilité propre aux artistes ?

― Attends de voir ce qui se cache derrière..., dis-je, en ouvrant la "belle porte".

Adsav regorgeait de meubles anciens et la salle à manger était sûrement la pièce du manoir la plus riche en antiquités.

Je fus surpris de ne trouver que ma soeur, non pas attablée mais, postée devant la porte-fenêtre donnant sur le jardin.

Moi qui pensais que notre escapade en cuisines nous avait retardé...

Puis, je remarquai la disposition des couverts et souris, soulagé.

La table était dressée de façon à ce que nous nous tenions tous les uns près des autres. Père, en tant que maître des lieux, siègerait très certainement en bout de table et deux convives prendraient place de chaque côté. Ne restait qu'à savoir si Morgan était prévu à mes cotés ou en face de moi...

Je n'attendis pas pour le savoir et tirai sur une chaise, la plus éloignée de celle de Père, conviant Morgan à s'y asseoir.

La première chose que je vis, lorsque Angel ouvrit la porte de la salle à manger, fut la table au centre de la pièce, élégante, massive, dressée avec une certaine austérité et cernée de chaises ; un lustre descendait relativement bas, au dessus de celle-ci, ses nombreuses facettes en cristal scintillant sous les rayons du soleil qui pénétraient les larges porte-fenêtres — je m'arrêtai : postée devant l'une d'elles, Olympia scrutait le jardin, sa robe se fondant presque avec les draperies des rideaux...

Angel l'ignora : il se dirigea immédiatement vers la table et tira une chaise, m'invitant à m'asseoir. Un vrai gentleman — je craquais complètement ! Je lui souris tendrement et pris place, espérant qu'il s'asseye à mes côtés... je ne désirais en aucun cas avoir sa sœur !

— Merci, fis-je à voix basse lorsqu'il repoussa la chaise sous moi.