Time Out

Un coup d'oeil vers le jardin m'indiqua qu'il n'y avait personne à cette heure ; aussi, entendant la porte se refermer, je fis volte-face et posai mes bras sur les épaules d'Angel, me serrant tout près de lui, respirant son parfum si grisant, si apaisant en cet instant, d'herbes fraîches et fleuries.

― Donne-moi quelques secondes, demandai-je. Rien que quelques secondes...

...avant de reprendre le rôle de camarade de classe...

Je n'avais pas escompté que ce soit aussi difficile de le tenir ; je n'avais pourtant pas ce problème avec Lord Witherby ― mais là, c'était Angel, le jeune homme qui avait fait chavirer mon coeur...

...pourrais-je tenir ? Ne pas nous trahir ?

Nous étions à peine au lendemain de nos retrouvailles et j'avais, par moment, de la peine à garder le masque...

Morgan et moi avions quitté le débarras sous l'oeil attentif de Bobby Wolfe. Regrettait-il déjà de nous avoir accordé quelques minutes de pause ? Arrivés dans le couloir, me voyant hésiter, Morgan avait décidé pour nous, optant pour le jardin intérieur. Je n'y avais pas remis les pieds depuis la dernière fois où nous nous y étions croisés.

Je le laissais y pénétrer le premier et emboîtais son pas. J'avais à peine franchi le seuil, la porte se refermant doucement derrière moi, que Morgan me sauta presque dans les bras ...

― Donne-moi quelques secondes. Rien que quelques secondes...

... me réclamant quelques secondes d'une étreinte réconfortante.

Je ne pus que l'enserrer, me sachant responsable de son état. Bien que j'en incombais aussi la responsabilité à Wynn.

― Tout le temps nécessaire, Morgan, soufflai-je tout bas contre son oreille.

Son contact m'avait tellement manqué, que j'oubliais presque où nous nous trouvions, que l'on pouvait nous surprendre, enlacés ...

J'aurais aimé le prendre, ce temps nécessaire ― mais je ne me leurrais pas : d'une part, nous devrions repartir nos dix minutes écoulées ; et d'autre, nous pouvions nous faire surprendre.

Je soupirai et relâchai Angel...

― Ça va, dis-je, passant une main dans mes cheveux. Je sais que tu as un passé, j'en ai un moi-même ― c'est seulement que je ne désire pas particulièrement que certaines personnes me le rappellent...

Certaines personnes telles que Mademoiselle P...

― Morgan, débutai-je, avant de me mordre la lèvre, hésitant, incapable de trouver les mots justes.

Plus le temps passerait, plus la culpabilité me rongerait et plus Morgan vivrait mal mon "mensonge" ...

"Ne prends pas pour argent comptant tout ce que je lui ai dis, s'il te plait ... Je ... avec elle ...", je marquai une nouvelle pause et attrapai ses mains.

"... Comme tu dis, c'est le passé. Toi, tu es mon présent ...", lui avouai-je, nous faisant reculer vers la porte contre laquelle je pris appui.

"... C'est avec toi que je suis, que je désire être, avec toi et personne d'autre ..." confirmai-je en l'attirant à nouveau dans mes bras.

Je me laissai faire, aimant la chaleur de ses bras, son irrésistible fragrance d'herbes.

― Moi aussi, je ne désire être qu'avec toi, répondis-je, mon souffle effleurant le côté de son cou.

C'était d'ailleurs tout le problème : en à peine quarante-huit heures, je me retrouvais si accro que ne pas toucher Angel s'avérait ardu.

« Mais ça va, » répétai-je.

Si dès le premier jour, je craquais, comment pourrais-je tenir l'année ?

Je me détachai un moment, posai mes lèvres sur les siennes en un chaste baiser : « Ça va. »

Et ça irait. Je ferais en sorte que...

Mais en attendant, je me recollai à Angel, le temps que s'achève les dix minutes.