Impur

Impur ― j'étais encore sous le choc ! Impur ! Je n'avais jamais été aussi mal traité !

Et comme si le terme n'était pas assez explicite, la gargouille avait ajouté que j'avais le sang souillé ― à croire que je n'étais... que j'étais... que j'étais quoi, d'ailleurs ?

Quelque chose de déshonorant.

Et, malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de me demander si ce quelque chose était lié à mon passé ― à ma vie avant mes cinq ans ; celle dont j'avais tout oublié.

C'était troublé, l'air sombre, que je traversai le foyer et pénétrai dans le dortoir. Il me sembla entendre Phil m'appeler mais je ne me retournai pas ni ne répondis : ne décélérant pas, je me dirigeai vers la chambre 467 ― celle où je passais désormais toutes mes nuits. Angel y était, penché au dessus d'un classeur, finissant ses devoirs. Il leva les yeux vers moi ― je crois ― et j'évitai son regard...

A la place, je filai vers l'autre bureau, là où j'avais laissé toutes mes affaires... y compris mon Gémeau. Je m'en emparai ainsi que d'une plume puis allai m'installer sur les lits que nous avions poussé l'un contre l'autre. Avec les coussins. Sous le regard d'Angel que je refusais encore de croiser.

Je gribouillai plus que n'écrivis au notaire, restant aussi indifférent que possible alors que je décrivais avec une kyrielle de détails mon échange avec la gargouille. Ne pas faire transparaître mes émotions. Ne pas trembler en traçant les lettres impur.

Mais je ne pouvais cesser de tourner et de retourner le mot dans mon esprit ― mot qui ne pouvait qu'être lié à mon passé. Passé que j'avais enfermé derrière une porte verrouillée avant d'en jeter la clé.

Je mis une bonne demi-heure avant de terminer mon récit ; un récit qui me laissa émotionnellement épuisé. Epuisé et... troublé.

Je levai la tête vers Angel. Le jeune homme était de nouveau penché sur ses devoirs...

― Angel...? l'appelai-je doucement.

Bientôt une heure que je planchai difficilement sur mon anglais - attendant désespérément le retour de Morgan pour éclairer mes lumières - quand il surgit dans notre chambre. Depuis notre escapade sur les toits, il avait officieusement déménagé dans ma chambre. Un regard sur lui, alors que j'allais lui demander de l'aide, me conseilla d'attendre. Il avait sa tête des mauvais jours - celle qu'il avait eu dans le jardin intérieur mixée à celle de l'épisode des crayons 2B avec, peut-être, un soupçon de celle des toits ...

Autant le laisser seul, surtout qu'il n'avait pas l'air disposé à ne serait-ce que poser un oeil sur moi ...

Je le connaissais suffisamment pour savoir que s'il désirait me parler, il viendrait à moi de son plein gré. Je n'avais qu'à attendre qu'il aille mieux ... Je ne me risquai pas plus longtemps à le dévisager. Je l'observai juste du coin de l'oeil se poser sur le lit et gribouiller je ne sais quoi à son notaire ... Au moins un point sur lequel je fus rassuré : sa mine contrariée ne concernait pas Phil et un autre de ses stupides paris ...

Je replongeai alors la tête dans mon cours, tentant de réussir par mes propres moyens, et patientai ...

― Angel...? m'appela Morgan alors que je finissais enfin ma traduction - non sans peine ....

Trop synchros, pensai-je en souriant, ayant presque oublié, sur le moment, qu'il n'allait pas bien. Je reposai alors mon crayon, refermai mon classeur et me levai de ma chaise avant de parcourir les quelques mètres nous séparant encore. Arrivé près du lit, je me laissais tomber à ses cotés, sur le ventre, puis je déposai un rapide baiser sur ses lèvres avant de m'enquérir de son état :

― Quelque chose ne va pas ? demandai-je en laissant transparaître mon inquiétude.

Trop rapidement, ses lèvres m'effleurèrent, me laissant à peine le temps de savourer leur caresse : Angel paraissait soucieux. De mon état.

― Je..., commençai-je avant de m'arrêter : que lui dire ? Que j'étais perturbé par les propos d'une gargouille ?

"Est-ce que tu me trouves impur ? demandai-je à la place. Parce que tu es un Death et que je suis qu'un usurpateur...?"

C'était, après tout, une autre possibilité : qui étais-je sinon un pauvre orphelin abandonné, un enfant que les parents n'avaient même pas voulu garder ?

― Je..., commença Morgan avant de se taire subitement.

Tu ...? l’interrogeai-je du regard malgré qu'il n'ose toujours pas me regarder. Devais-je m'inquiéter ? Etait-ce moi le problème ?

"Est-ce que tu me trouves impur ? Parce que tu es un Death et que je suis qu'un usurpateur...?" finit-il par me demander, les yeux toujours baissés.

― Excuse-moi Morgan mais je crains de ne rien comprendre à ce que tu me demandes. Impur de quoi et usurpateur de qui ?

Si je ne l'avais vu revenir dans la chambre, j'aurais pu inculquer son état à sa correspondance avec son Lord Witherby ... mais apparemment c'était plus que cela ... Avait-ce réellement un rapport avec moi ?

"Et que vient faire mon nom dans tout cela ? Je donnerais tout pour ne pas être un Death, tu sais ..." avouai-je en attrapant sa main, entrelaçant nos doigts, bouleversé malgré moi qu'il me fasse penser à l'échéance qui s'amenuisait jour après jour ... Sauf s'il envisageait, pour nous, une solution plus radicale ... Était-ce pour cela qu'il était mal et qu'il osait à peine me regarder ? songeai-je avec angoisse.

― Et quel nom désirerais-tu porter ? m'enquis-je d'une voix affligée. Je t'aurais proposé 'Le Fay' s'il avait une quelconque valeur ― mais... même mon prénom n'a de valeur que parce qu'il était associé à 'Le Fay'...

Je m'interrompis, avalai ma salive avec peine ― je n'arrivais même plus à m'exprimer avec cohérence...

« La gargouille au bout du labyrinthe m'a dit que j'étais impur, avouai-je. Que mon sang était... souillé... Et je n'arrête pas de me dire que c'est forcément lié à mes cinq premières années ; celles dont je ne me rappelle pas. Et du coup, je me dis que... que... je ne sais pas... je me demande seulement ce qui fait que cette gargouille me dit impur. Et m'appelle Mordred. »

Etait-ce mon vrai prénom ― Mordred ?

― Morgan ..., commençai-je avant de laisser reposer ma tête sur son torse et d’entremêler nos doigts.

Morgan, l'Anglais, mon boyfriend ou même Mordred ... Ce n'étaient que des mots ! Ils ne reflétaient pas ce que moi je voyais, je savais de lui. Il n'était pas cet "impur" tel que semblait le penser cette gargouille ... Et depuis quand Morgan se fiait-il à la bonne parole d'un "être" de pierre ?

"Peu importe le nom qui est le tien, continuai-je tout bas. Inné, donné, imposé, hérité ... peu importe la valeur que les autres pourront lui attribuer. L’important est ce qui se trouve ici - je posai nos mains réunies sur son coeur. Moi, être de chair et d'os, je sais que tu n'es ni impur, ni souillé, ni sans valeur ... Alors ne laisse pas cette satanée gargouille te laisser penser le contraire. Elle ne te connait pas ! Et comment en es-tu arrivé à discuter avec pour commencer ? N'as-tu pas mieux à faire de ton temps libre ?" tentai-je vainement de plaisanter.

Angel posa sa tête sur mon torse et je glissai aussitôt mes doigts dans ses longs cheveux de soie... si beaux, si doux !

― Peu importe le nom qui est le tien, fit-il tout bas. Inné, donné, imposé, hérité... peu importe la valeur que les autres pourront lui attribuer. L’important est ce qui se trouve ici ―

...il plaça nos mains liées sur mon coeur ; le colibri lança une trille sur sa branche...

« Moi, être de chair et d'os, je sais que tu n'es ni impur, ni souillé, ni sans valeur... Alors ne laisse pas cette satanée gargouille te laisser penser le contraire. Elle ne te connait pas ! »

...pas ...ou peut-être mieux que je ne me connaissais, précisément... autrement, pourquoi me dirait-elle de telles choses...?

« Et comment en es-tu arrivé à discuter avec pour commencer ? poursuivait Angel. N'as-tu pas mieux à faire de ton temps libre ? »

Je souris faiblement à la plaisanterie.

― Lord Witherby, expliquai-je, jouant avec une des ses mèches. Ce château est gorgé d'énigmes et de mystères... Je ne sais ce qu'il cherche précisément, mais il y a quelque chose...

Je réagis aussitôt et me redressai, prenant appui sur un coude :

― Ton Lord Witherby sait-il les risques que tu encoures à vouloir jouer les enquêteurs en son nom ? Je n'aime pas te voir aussi mal Morgan ... m'expliquai-je en déposant un baiser sur ses lèvres avant d'ajouter : Tu m'as fait peur tu sais ?

Je n'aimais vraiment pas son tuteur, c'était un fait indéniable ... mais par amour pour Morgan, je tempérais mes paroles en ne lui avouant pas ma réelle façon de penser.
Comment aurais-je réagi si c'était Père qu'il venait à critiquer ? Il ne le connaissait pas ... tout comme moi je ne connaissais pas son tuteur ...

Parfois, je me disais que le remède à toute chose était Angel : lorsqu'il m'embrassait, une paix s'emparait aussitôt de moi, tout ce qui n'était pas 'nous' s'effaçant...

― Les risques ne peuvent être si terribles, répondis-je, cherchant à nouveau ses lèvres ― j'y déposai un bref baiser. Et comment t'ai-je fait peur ? m'enquis-je soucieusement.

Cette idée ne me plaisait guère...

― Oublie ce que je viens de dire ... susurrai-je contre sa bouche. Cela n'a plus d'importance maintenant ... précisai-je en débutant mes caresses, prémices de nos baisers - auxquels je devenais de plus en plus accro.

J'avais vraiment besoin de me rassurer et de l’être - surtout après avoir cru que j'étais la cause de son état. Après avoir cru bêtement qu'il désirait me quitter ... Que Morgan réponde à mon baiser était la seule chose que je désirais à cet instant précis.

Après, je reprendrai la conversation que je clôturai sciemment. Viendrait alors une leçon sur les risques et les dangers de toute entreprise ...

Oublier... oublier quoi...? Angel m'embrassait, embrumant mon esprit de ses caresses, son parfum d'herbes fraîches, ses lèvres mordillant doucement la mienne ― je soupirai d'aise, me laissant faire : il était si doué que je ne pouvais que m'abandonner dans l'exquisité de l'instant, mes lèvres se pliant aux caprices des siennes ― moment de perfection la plus totale ! En même temps, les baisers d'Angel s'étaient tous avérés être des moments de perfection la plus totale : c'était un dieu et je lui étais tout dévoué...

Je me détachai à regrets de sa bouche et me laissai de nouveau aller contre son torse. Je restai un instant silencieux, ne sachant comment aborder le sujet que j'avais interrompu en l'embrassant :

― Il y a toujours un risque avec l'inconnu tu sais, Morgan ... commençai-je à expliquer en déboutonnant sa veste, sans vraiment le réaliser, mes doigts semblant animés par leur propre volonté. Tu ne sais déjà pas ce qui t'attend en aidant ton notaire, comment peux-tu savoir si c'est dangereux ou pas ? Je ne voudrais pas que tu te risques inutilement pour un but dont tu ignores tout, poursuivis-je devant son silence, mes doigts attaquant les boutons de sa chemise.

Je gémis en signe de protestation, frustré d'être arraché aux lèvres d'Angel ― mais il semblait avoir d'autres projets... notamment ceux de me déshabiller : ses mains s'étaient mises en devoir de déboutonner ma veste, ma chemise, et je le laissai faire, me demandant si nous irions au delà des baisers torrides et des caresses volées sous nos vêtements...

...et comme toujours, j'étais habité de crainte et de fébrilité mêlées, d'autant que cette fois, Angel avait pris les devants !

― Je ne connais encore l'objectif du jeu, mais je suis joueur et les risques qu'il comporte, le pimentent ! répondis-je en me mordant la lèvre : à présent, que ferait Angel de moi ? Être avec lui, d'une manière, était aussi prendre des risques : si je devais me débattre de sa prise, je n'y arriverais sans doute pas ou qu'avec peine ! Mais...

« J'ai autant confiance en toi qu'en Lord Witherby. »

Et si le notaire me poussait parfois à certains comportements répréhensibles, les risques étaient toujours calculés.

― Je ne connais encore l'objectif du jeu, mais je suis joueur et les risques qu'il comporte, le pimentent ! m'expliqua alors Morgan avant d'ajouter une remarque que je me serais bien passé d'entendre : "J'ai autant confiance en toi qu'en Lord Witherby."

Même si c'était plus que réconfortant qu'il me l'avoue, surtout après mon moment d'incertitudes, je restai sur l'idée que je n'aimais pas être comparé à Lui. Ce n'était pas nouveau et je savais qu'il me faudrait vivre avec ... Les dernières paroles de Morgan me sortirent de ma pseudo léthargie et je réalisai alors que j'avais ma main posée sur son pectoral, mon index traçant des cercles autour de son téton droit.

Ne venait-il pas justement de m'avouer être joueur ? Lui, certainement ... moi, non ..! pensais-je, en refermant grossièrement les pans de sa chemise blanche avant de me rallonger sur le dos. Il y avait des limites qu'il valait mieux ne pas franchir et ces caresses en faisaient partie ...

― Excuse-moi, je ... je réfléchissais et ... tentais-je d'expliquer afin de justifier mon geste avant de reprendre la conversation : Risques, piments et confiance ne font pas bon ménage ... Jouer avec le feu reste un jeu qui s'avère toutefois être dangereux tu sais ... ? Joueur ou pas ...

Pourquoi avais-je le sentiment que cette mise en garde me concernait tout autant que lui ?

Angel ne répondit pas de suite, paraissant réfléchir... réfléchir ou se concentrer sur l'auréole de mon téton droit... je fermai les yeux, exhalai un soupir... ces caresses allaient définitivement au delà de celles volées et des baisers torrides...

...mais à peine commencées, elles s'arrêtèrent aussitôt, sans prévenir, et j'ouvris pour voir Angel refermer grossièrement les pans de ma chemise ― comme s'il venait tout à coup de réaliser que j'étais aussi impur que la gargouille le disait. Il s'écarta de moi et s'allongea sur le dos.

― Excuse-moi...

Ce n'est pas grave... ce n'est pas comme si je ne m'étais pas posé de questions moi-même...

« Je... je réfléchissais et... »

Ne dis rien... ce n'est pas la peine...

« Risques, piments et confiance ne font pas bon ménage... Jouer avec le feu reste un jeu qui s'avère toutefois être dangereux tu sais... ? Joueur ou pas... »

Un sourire triste affleura mes lèvres.

― C'est une façon de mettre en garde contre Lord Witherby ou contre toi ?

Quoique je ne voyais pas l'utilité d'une mise en garde contre lui. Je me tournai sur le flanc, dos à mon petit ami, et me recroquevillai...

― Morgan ... soupirai-je, le sachant vexé.

Je me retournai contre lui et l'entourai de mon bras, le laissant juste retomber sur son ventre, permettant ainsi à ma main de reprendre la caresse que j'avais cru bien faire d’arrêter.

"Tu as raison, Morgan, soufflai-je tout contre son oreille. C'était aussi une mise en garde contre moi ... Plus principalement contre nous... précisai-je en déposant un baiser sur son épaule. Nous savons tous les deux que nous ne sommes pas prêts ... Donc je ne pense pas qu'il soit très sage de nous laisser aller à jouer avec le feu ... ce feu ... Tu n'es pas d'accord avec moi Morgan ?" demandai-je sans toutefois arrêter mes doigts.

Il y avait quelque chose d'électrique dans les caresses d'Angel ; quelque chose de magique qui me faisait fondre dès qu'il m'effleurait ; quelque chose qui grisait mes sens et embrumait mon esprit ; quelque chose qui m'ôtait toute capacité à réfléchir, drogué que j'étais.

Que disait Angel ? Je peinais à décrypter ses propos ― nous... sages... feu... n'étais-je pas d'accord ?

D'accord avec quoi ? Le feu ?

― Quel feu ? soupirai-je.

Celui qui devait me purifier de mon impureté ?

« Est-ce que je te révulse tant ? » m'enquis-je, redevenant tout à coup sobre.

Assez sobre pour saisir le paradoxe ― Angel ne pouvait être répugné par mon contact et le rechercher en même temps. J'arrêtai sa main pour entrelacer nos doigts et me retournai pour lui faire face. Il m'observa de ses prunelles caramel, tandis que je plaçai nos mains entre nous et mes jambes sur les siennes.

― Je n'ai rien compris, avouai-je doucement. De quoi me parles-tu, Angel ?

Réellement désespérant ... Le faisait-il exprès de ne rien comprendre ? songeai-je en l'entendant. Je laissais Morgan se retourner et plonger son regard dans le mien :

― Je n'ai rien compris, m’avouât-il tout bas, confirmant mes craintes. De quoi me parles-tu, Angel ?

Je devais être plus explicite, l’être suffisamment sans pour autant lui faire peur ... Je remontai alors nos mains et les glissai sous la chemise ouverte. Je laissai nos doigts, que je ne quittai pas du regard, effleurer sa peau un moment avant de lui répondre :

― Tu ne me révulses pas Morgan ... Mais ... Je remontai les caresses jusque ses lèvres dont je redessinai le contour. Tu te rappelles de ce qui s'est passé sur les toits ? Ne réponds pas, laisse-moi finir, lui intimai-je tout bas.

Je lui laissai toutefois un temps de réflexion avant de poursuivre dans un souffle : "Quand je t'ai demandé si tu voulais faire l'amour, là, sur le moment .... tu te souviens ?" Je savais très bien que oui ... Nos doigts reprirent le chemin inverse, jusqu'à reposer où Morgan les avait initialement placés. Mes yeux se plantèrent à nouveau dans les siens.

"Je ne pense pas plus que ce jour là, que nous soyons prêts à le faire ... c'est pour cela tu ne peux pas me demander de te toucher ou même le désirer et en même temps ... vouloir que je reste de marbre à ton contact. Je ne suis pas comme toi, Morgan ... Je ne suis pas aussi joueur que toi, à ne pas m'en faire des risques ... aussi agréable que soit le piment, précisai-je en souriant. J'aime t'embrasser, j'aime te caresser, j'aime te toucher mais ... n'as-tu jamais envie d'aller au-delà, en sachant que tu ne le pourras pas ? N'es-tu pas quelque part frustré ?"

Je laissai faire Angel parce qu'il me l'avait demandé ; qu'il me l'avait demandé, et qu'il poursuivait ses caresses électrisantes sur ma peau... caresses si douces, si grisantes... pourquoi fallait-il qu'il m'explique quelque chose de si sérieux en parcourant mon corps de ses exquis effleurements, me forçant à résister aux brumes que provoquer le plaisir ? C'était si ardu !

Ce n'était que pour lui, d'ailleurs, que je m'appliquai à comprendre : les toits... faire l'amour... me toucher... rester de marbre... joueur... risque... piment...

En étais-je jamais frustré...?

― Non, soufflai-je, mes yeux toujours rivés à ses prunelles caramel. Quelle raison aurais-je de l'être ? Si le piment est trop fort, j'arrêterai seulement d'en manger, me tournerai vers d'autres mets, tout aussi délicieux, plus doux...

Mais ce n'était certainement pas de moi dont Angel parlait :

« Est-ce que je te frustre...? m'enquis-je avant de préciser : A ne pas être prêt...? »

Car s'il avait posé les questions pour moi, n'était-ce pas lui, au fond, qui avait envie d'aller au-delà des baisers et des caresses que j'avais à lui offrir, tout en sachant qu'il ne le pourrait sans m'y forcer ?

« Je ne te demande pas d'être de marbre, poursuivis-je. J'aime que tu me désires ; et que tu éprouves du plaisir à m'embrasser, me caresser ! Je crois seulement que... je n'avais pas réalisé que ces baisers et ces caresses éveillaient en toi des désirs que je... que je ne peux pas encore satisfaire, finis-je rapidement. Je te demande pardon... »

Je fermai les yeux un court instant. Tentative numéro deux échec total !

― Non, Morgan, ne t'excuse pas ... jamais ... le coupai-je en souriant. Si mes caresses et mes baisers ne te font pas peur, alors je continuerais ... Je n'ai juste pas envie que tu penses que j'attends plus de toi ... car ce n'est pas le cas. Et non, tu ne me frustres pas ... Moi non plus je ne me sens pas encore prêt à aller au-delà de ce "nous" ... , précisai-je en déposant un baiser sur nos mains jointes.

Définitivement pas prêts, pensais-je en souriant davantage.

Quoique je savais pertinemment que si Morgan changeait d'avis, j'aurais du mal à me contenir. Toutes les heures passées à ses cotés, à l'embrasser, le toucher, le regarder, n'avaient fait qu’accroître mon désir de lui.

La construction de mon mur prenait dans ces moments là, toute son importance...

Si Angel n'avait pas usé d'une voix aussi douce, sans doute aurais-je baissé les yeux, embarrassé ― mais il était si tendre que je fondais.

― Je n'ai pas peur de tes baisers ou de tes caresses, Angel..., protestai-je. Je sais que je panique mais ce n'est pas parce que tu m'embrasses ou m'effleures : je m'affole seulement lorsque je perds le contrôle... lorsque je me sens dominé... Ce n'est pas contre toi, c'est réellement viscéral ― mais ça n'arrive qu'avec toi parce que tu es le seul avec qui je baisse ma garde et me laisse faire... tout en étant pas tout à fait prêt...

Je m'approchai pour déposer un baiser chaste sur ses lèvres.

« Je t'aime, Angel, et je te fais confiance : je sais que tu ne me forceras jamais à faire quoique ce soit pour laquelle je ne me sens prêt ― que si le piment s'avère trop fort, tu me laisseras changer de mets sans protester... »

Il n'y avait qu'une seule autre personne en laquelle j'avais autant confiance : Lord Witherby.

Je méditais, les yeux fermés, sur ses dernières paroles.

Sans savoir pourquoi ni comment - mais peu importait car nous avions toutefois abordé des points très importants - nous avions dévié de la conversation initiale. Je me demandais s'il était sage de revenir dessus ou de clore définitivement le sujet - pour la soirée, du moins ...

― Tu penses à quoi, là , de suite ... sans réfléchir ? le questionnai-je, taquin, en rouvrant les yeux.

Un sourire ironique fleurit sur mes lèvres : Angel m'avait déjà posé la question lorsque nous étions monté à la cime du château pour dormir à la belle étoile.

― Je pense que je connais déjà la réponse et qu'il ne me servirait à rien de la demander, répondis-je doucement avant d'ajouter honnêtement : « Quelques instants plus tôt, je pensais à ma promesse faite à Jole ; aux chandelles que je vais acheter ; et à la recette que dois encore trouver... »

Quelle réponse ? Avait-il mal compris ? pensai-je alors qu'il enchaînait sur une promesse faite àJole, des chandelles et une recette ...

Là, à ce moment précis, c'est moi qui ne comprenait plus rien !

― Tu es devenu le commis du cuisinier ? le questionnai-je, un peu surpris qu'il ne m'en ai jamais parlé avant. Je le savais proche du chef mais pas au point de l'aider dans ses activités.

Le commis...? Je levai un regard surpris vers Angel.

― Tu as d'étranges idées, dis-je. J'apprécie Jole et Mila mais de là à devenir commis...!

Je pris un air faussement vexé :

« Fais-toi pardonner, veux-tu, et accepte de les voir... Jole me harcèle depuis des jours pour rencontre le damoiseau qui a accessoirement volé mon coeur ! »