Maverick

Connaître une Nécromante, c'était comme avoir une carte dans sa manche ; connaître une Nécromante que tous les autres connaissaient aussi... c'était comme avoir une main connue de tous.

Apercevant Cléophée assise à une table, je me dirigeai vers elle et me glissai dans la chaise qui lui faisait face :

― Hey ! commençai-je avec un sourire amical.

Un sourire posé, soucieux... une comédie qui m'aidait à ne pas réfléchir...

« Est-ce que je peux te parler, Cléo...? » repris-je, me concentrant sur ma tâche.

Bien décidée à prendre les devants sur les cours, je m'étais installée dans la bibliothèque afin de trouver tout ce que je pourrais -et ne savais pas déjà- concernant les nécromants. Tout cela me semblait bien trop flou pour attendre qu'on aborde ce point en classe.

Plongée que j'étais dans un épais volume poussiéreux, ce n'est que lorsqu'il s'assit devant moi que je remarquais Morgan. Il m'adressa un sourire tout en me demandant :

― Hey ! Est-ce que je peux te parler, Cléo...?

Détournant mon attention des pages craquelées, je lui répondis :

― Bonjour. Bien sûr que tu peux me parler. Que se passe-t-il ?

Je me penchai en avant et baissai encore davantage le ton :

― J'ignore à qui tu te confis et je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais peut-être devrais-tu faire attention... Tu me disais être ce que tu cachais ― toi-même ; ton don.

J'observai un pause pour laisser à la jeune fille le temps d'assimiler mes paroles.

― Des rumeurs révélant ta nature nécromante commencent à voir le jour. J'ai fait taire certains idiots et j'ai chargé mes potes ―

...Klet, Phil et Nick ― des camarades de classe qui me distrayaient, m'ayant empêché de (trop) penser à Angel, les semaines précédentes...

― ...d'en faire autant ; ceci dit, je te recommanderais de choisir avec précaution à qui tu te confies car certaines personnes, apparemment, ne sont pas aussi bienveillante que tu ne le penses...

Il se pencha vers moi et baissa la voix, ce qui me fit froncer légèrement les sourcils. Que se passait-il ?

― J'ignore à qui tu te confis et je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais peut-être devrais-tu faire attention... Tu me disais être ce que tu cachais ― toi-même ; ton don.

Perplexe, je l'observais. Où voulait-il en venir ? A quoi devais-je faire attention ? Je le laissais poursuivre, gardant le silence.

― Des rumeurs révélant ta nature nécromante commencent à voir le jour. J'ai fait taire certains idiots et j'ai chargé mes potes d'en faire autant ; ceci dit, je te recommanderais de choisir avec précaution à qui tu te confies car certaines personnes, apparemment, ne sont pas aussi bienveillante que tu ne le penses...

Je restais bouche bée, éberluée. Quelqu'un racontait à tout le monde ce que j'étais ? Mais, je n'en avais parler qu'à Morgan, Songe et Wynn... et j'avais du mal à croire qu'une des deux filles soit aller raconter tout ça. Ca ne pouvait être Morgan, vu qu'il venait me prévenir...
Ma respiration se faisait hachée tandis que la colère enflait en moi. Je luttais pour ne pas la laisser éclater, refusant de mettre le feu aux précieux ouvrages autour de nous.

― Je... hum... merci de m'avoir prévenue. J'ai du mal à y croire mais je ne vois pas pourquoi tu mentirais alors...

Me laissant tomber en avant, vers la table, je laissais mon front claquer douloureusement sur la surface en bois.

― Je suis vraiment stupide. Pourquoi est-ce que je fais si facilement confiance aux gens ?? J'aurais mieux fait de ne rien dire à personne...

Mentir... j'aurais aimé être en train de faire cela, précisément ; et peut-être était-ce que je faisais... après tout, le certain idiot qui m'en avait parlé était Nick ― Nick que j'avais fait taire avant de le ― les ―charger d'arrêter ceux qui essaieraient de propager la rumeur.

― Elle te plaît tant que ça ? avait demandé Klet.

Pas tout à fait mais j'avais acquiescé :

― Chasse gardée.

Même si ce n'était pas le genre de chasse gardée à laquelle ils songeaient.

― Je suis vraiment stupide, se lamenta Cléophée. Pourquoi est-ce que je fais si facilement confiance aux gens ?? J'aurais mieux fait de ne rien dire à personne...

Je lui offris un sourire compatissant.

― Je me charge de faire taire les rumeurs, dis-je doucement. Ça ira.

Et ça irait ― les cartes, c'est aussi ce qu'on en fait.

Je ne savais que faire, mais une chose était sûre : je ne devais plus parler à quiconque de mon don. Relevant la tête, j'aperçus le sourire compatissant de Morgan.

― Je me charge de faire taire les rumeurs, dit-il doucement. Ça ira.

J'espérais que ça irait. Avais-je trouvé un soutien en la personne de Morgan ? Je voulais le croire, mais ce qu'il venait de m'annoncer m'incitait à ne plus faire confiance à qui que ce soit.

― Je l'espère.

"Cléophée... Cléophée... Laisses-nous t'aider... Laisses-nous... Tu sais ce que l'on veut... Aides-nous et nous t'aiderons..."

― Ah ça suffit maintenant !, m'exclamais-je, hors de moi. Je ne supportais pas qu'ils tentent de se servir de moi alors que j'étais au plus bas.

Furieuse, j'agitais la main dans le nuage ténébreux qu'ils formaient à ma droite. Ils se dispersèrent sous mon geste. Puis, réalisant ce que je venais de faire, je fis de nouveau face à Morgan, les yeux écarquillés. Niveau discrétion, c'était raté...

Ookkaayy...

Si Cléophée poursuivait ainsi, même avec tous les efforts possibles et imaginables, je ne pourrais rien faire pour taire la vérité sur sa nature nécromante... Je balayai la pièce d'un rapide coup d'oeil, espérant que personne ne l'avait remarquée.

― Peut-être devrais-tu réfréner certaines réactions, dis-je. Essaie de les ignorer...?

Je me levai alors.

« Si tu veux bien m'excuser, je dois retrouver... »

J'hésitai un instant, le mot ayant toujours du mal à sortir seul :

« ...un ami ― »

― un petit ami : Angel. Le seul avec qui j'arrivais réellement à oublier que j'étais... impur.

« ― aussi dois-je te quitter ; mais je te dis à très vite ! »

Je lui offrais un sourire amical, repoussai ma chaise sous la table puis me retirai...

Morgan parti, un esprit lui ressemblant comme deux gouttes d'eau prends sa place.

― Il est adorable, n'est-ce pas ? s'enquit-il. Mon frère... si aimable, si prévenant...

Il détache son regard de Cléophée un instant pour le reporter sur le jeune homme qui sort de la bibliothèque.

« Lui, c'est le charmant petit frère, poursuit-il. Moi... je suis le méchant frère. »

Ses traits s'assombrissent.

« Si tu lui fais du mal, je ferai en sorte de faire de ta vie un enfer, » avertit-il, ses yeux cobalt droit dans ceux de la Nécromante.

Morgan avait raison, je devais être plus prudente, et éviter de tels gestes inconscients. Cependant, l'esprit qui vint occuper son siège après son départ n'allait pas m'aider. Je me figeai, bouche bée, en voyant combien l'esprit ressemblait à Morgan.
Pétrifiée, je l'écoutais parler.

― Il est adorable, n'est-ce pas ? s'enquit-il. Mon frère... si aimable, si prévenant...

Il détacha son regard de moi pour le porter sur Morgan qui quittait la bibliothèque, puis reporta de nouveau son attention sur moi.

« Lui, c'est le charmant petit frère, poursuit-il. Moi... je suis le méchant frère. »

Ses traits s'assombrissent et la frayeur glaça mon sang.

« Si tu lui fais du mal, je ferai en sorte de faire de ta vie un enfer, » m'avertit-il, ses yeux cobalt droit dans les miens. Je ne pouvais que comprendre la menace.

― Je... bredouillai-je doucement, je ne compte pas lui faire de mal...

C'était la stricte vérité. Morgan était gentil, et de toute façon je ne voulais faire de mal à personne. Plus jamais. Cela étant, je me demandais si je devais lui parler de cet esprit se disant être son frère, chose que j'avais du mal à mettre en doute vu sa ressemblance avec lui.

― Peut-être pas, répondit l'esprit. Pas encore... Mais je ne doute pas que ce jour arrivera ― rappelle-toi alors que je serai là. Je n'ai pas hésité à en occire d'autres ; et je n'hésiterai à faire ce que je
dois faire...

J'étais clairement effrayée maintenant, mais je ne me laisserais pas démonter par cet esprit, j'en avais vu d'autre.

― Écoute, qui que tu sois, je ne ferais rien à Morgan. Je ne vois même pas pourquoi je lui ferais quoi que ce soit. Mais si ça peut te... rassurer, considère-moi comme prévenue. Si jamais je lui fait la moindre petite chose, tu viendras m'éliminer, j'ai compris. Je fis une pause, reprenant mon souffle après cet instant de colère contenue. Oh et, ôte-moi d'un doute : je n'ai bien évidemment pas le droit de parler de toi à Morgan, n'est-ce pas ?

Je me doutais un peu de sa réponse, mais comme un doute subsistait, ça ne me coutait rien de demander.

L'esprit esquissa un sourire narquois.

― Et que lui dirais-tu ? railla-t-il.

Je me crispais face à son sourire narquois.

― Ne te moques pas ! Tu n'es qu'un esprit. C'est d'ailleurs ce que je lui dirais. Qu'un esprit se disant être son frère est venu me voir pour me menacer... Peut-être me croira-t-il. Ou pas. Mais en tout cas je ne vois pas pourquoi il mettrait mes paroles en doute. Il sait ce que je suis.

Mais lui, cet esprit, je ne savais pas s'il disait vrai. Après tout, peut-être était-il simplement en train de s'amuser à mes dépends.

L'esprit ne se départ pas de son sourire :

― Je t'en prie, dit-il doucement, posant sa main éthérée sur celle de la jeune fille.

Un courant froid et électrique la traverse aussitôt.

"Dis-lui tout ce qu'il te plaira... Ne fais seulement pas l'erreur de croire que je ne suis qu'un esprit..."

Un frisson effroyable me parcouru toute entière lorsqu'il posa sa main immatérielle sur la mienne.
Je secouais la tête doucement, me raisonnant après ses paroles.

― Je ne vais pas lui parler de ça sans une bonne raison. Mais tu n'as vraiment pas besoin de me menacer. Je fis une pause, me remémorant la fin de sa phrase. Mais... Si tu n'es pas qu'un esprit, qu'es-tu donc ?, demandais-je en fixant son regard.

J'avais du mal à croire qu'il puisse être un esprit et en même temps autre chose. Toutefois, je ne m'y connaissais pas vraiment alors tout restait possible.

Le sourire de l'esprit s'éteint...

― Cela ne te concerne pas..., fit-il sombrement.

Puis il s'efface lentement, laissant Cléophée face à une chaise vide...

A ma question, son sourire disparu, et c'est sombrement qu'il dit :

― Cela ne te concerne pas...

Et il s'effaça, me laissant seule et sous le choc. Je ne savais plus quoi faire. Devais-je en parler à quelqu'un ? Si oui, à qui ? Il n'était peut-être pas très judicieux d'aborder le sujet avec Morgan mais... cela semblait le concerner de près. Alors à un professeur peut-être ? Quelqu'un d'autre ? Ou devais-je me taire ?
Déboussolée, perdue, j'appuyais mes coudes sur la table et laissais tomber ma tête dans mes mains, tentant de faire le point.