Premiers pas à Brocéliande

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A mesure que je m'étais rapprochée de cette école de malheur, j'avais su que je vivrais l'enfer sur Terre.

Mon instinct ne m'avait pas trompé.

Cette certitude avait été mise en avant de suite après mon arrivée. Je n'avais pas pu obtenir la seule chose qui m'aurait éventuellement permis d'accepter ma nouvelle condition. Une chambre privée avec ensoleillement permanent.

L'homme à tout faire, un certain Wolfe - dont je doutais sincèrement des capacités - n'avait pas été des plus aimables, me refusant une chambre dont j'aurais eu seule l'usage. Je me voyais forcée et contrainte de partager mon espace personnel avec une étrangère.

Quelle horreur !

Mes bagages, une panoplie complète de grand ouvrage, attendaient au pied des escaliers. Je vérifiai que rien ne manquait ou n'avait été détérioré pendant mon absence. Une fois rassurée - le contraire eut été très fâcheux - je me penchai sur le plan que m'avait remis l'intendant, cherchant déjà à me repérer sur celui-ci.

Comprenant qu'il me faudrait deux voyages pour parvenir à tout monter jusqu'à l'étage, je perdis de mes couleurs et sentit le découragement me gagner.

― N'y a-t-il donc aucun domestique digne de ce nom dans cet affreux château ? m'emportai-je en tapant du pied au sol et en lâchant mon vanity-case qui retomba au sol.

Le soleil ayant fini par réapparaître en début d'après-midi, j'étais sorti dans le parc pour poursuivre mon observation des lieux. Je m'étais rendu au cercle de pierres où quatre monolithes ornés de différents signes se dressaient à chaque point cardinal... encore quelque chose d'étrange et de mystérieux ! Le château de Merlin semblait empli de secrets et d'énigmes, et, même si j'avais apprécié étudier à Westminster, cette école ressemblait de plus en plus à un terrain de jeu ! Et heureusement car cela me permettait de ne pas penser à Angel...

Je passai donc une bonne heure à croquer les pierres avant de les prendre en photo ; certains élèves avaient commencé à remarquer mon petit manège et ils s'arrêtaient parfois pour m'observer dessiner. Quelques uns me faisaient même la causette et je leur répondais aimablement ― d'une part, cela renforçait le sentiment que je ne faisais que me promener et tout croquer par passion, et d'autre, cela me permettait de me distinguer de la masse (l'anonymat n'était pas fait pour moi)...

Ce n'est que lorsque mes croquis furent terminés et les photos prises que je revins vers le château avec l'idée de passer par les cuisines, chaparder quelque chose à manger afin d'éviter le réfectoire... et Angel. Bonhomme, Jole ne me faisait jamais aucune remarque, ce que j'appréciais énormément. Il avait même commencé à me préparer une assiette rien que pour moi... tout comme il le faisait pour un autre élève : Songe, apparemment, avait un régime particulier. Je n'avais pas cette excuse mais cela ne paraissait pas l'embêter.

Je pénétrai dans le hall lorsque une voix féminine explosa :

― N'y a-t-il donc aucun domestique digne de ce nom dans cet affreux château ? s'emporta-t-elle, lâchant sa vanity-case de dépit.

Etincelle de mauvaise humeur...

― Vous êtes dans une école, pas un hôtel, fis-je doucement derrière elle. Vous ne trouverez ici ni laquais ni serviteur. Je peux toutefois vous accompagner aux bureaux de l'administration...

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Je sursautai et laissai échapper un cri de surprise. Portant une main à mon coeur tressautant, je me retournai vers celui qui avait parlé.

Avant de lui faire l'honneur d'une réponse, je procédai à une rapide inspection. J'aimais savoir à qui j'avais à faire. Je jaugeais telles des betes de foire, les qualités et les défauts de ceux qui me faisaient face. Et je dois avouer que ce que j'avais devant les yeux n'était pas pour me déplaire, au contraire ...

Quelques centimètres de plus que moi, une chevelure noire qui contrastait agréablement avec le bleu de son regard. Une association détonante qui donnait au jeune homme une beauté froide et énigmatique. Je ne m'attardai pas sur sa tenue - une veste d’uniforme, devinais-je - je n'avais pas poussé plus bas que ses lèvres joliment dessinées, mon inspection. Je savais reconnaître un noble quand j'en rencontrais un et ce dernier en faisait indéniablement parti.

Malgré cette égalité des classes, j'étais une Death. Les armoiries de ma famille, que je portai en médaillon autour du cou suffisaient à prouver mon identité. Je ne permettrais jamais que quiconque ait le dessus sur moi - hormis Père - tout aussi beau et noble puisse-t-il être.

― Me prenez-vous pour une imbécile ? Je sais pertinemment que nous ne sommes pas à l’hôtel ici, crachai-je presque.

Je portai un regard circulaire sur le hall et poursuivis avant qu'il ne me coupe la parole:

― Comment pouvez-vous ne serait-ce qu'imaginer que je puisse avoir envie de dormir en ces lieux de mon plein gré ?

Choc ― ces cheveux blonds d'une pâleur extrême, ces traits d'une finesse incomparable, ces prunelles d'un brun si clair... c'était elle ― la soeur d'Angel.

Je saisissais tout à coup pourquoi son frère m'avait mis en garde : Olympia avait un caractère trempé et, encline à la colère, semblait capricieuse en diable ! Etait-ce une surprise si, Ella ressemblant tant à sa soeur, elle l'agaçait plus que de raison ? Je ne pouvais le blâmer, faisant la même chose de mon côté : Ella me rappelant trop le jeune homme, j'avais pris le parti de l'éviter, elle aussi... Pauvre Ella.

Pauvre Angel, aussi, a devoir cohabiter avec une telle soeur ! La pensée, pourtant, me fit esquisser un sourire ― quelque chose me plaisait en Olympia : son arrogance, peut-être.

― Jamais je n'oserais, répliquai-je amusé, mais si je puis me permettre, évitez les questions idiotes si vous ne désirez en être prise pour une ! Quant à concevoir que vous puissiez dormir dans ce château de votre plein gré, je vous promets que le confort est au rendez-vous ! Maintenant, désirez-vous que je vous accompagne jusqu'aux bureaux de l'administration ?

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Quelle audace dans son regard. Quelle insolence dans ses paroles ...

Décidément, ce jeune homme représentait une distraction des plus agréables. Beau, énigmatique, cassant et insolent ... Il me donnerait presque des regrets de ne pas être venue à Brocéliande plus tôt.

J'adorais la chasse, sport que je pratiquais depuis de nombreuses années aux cotés de Père. Voilà un lion que je prendrais plaisir à dompter. J'avais toute une année pour ça ...

― Ne vous fatiguez pas à me promettre des choses dont vous ignorez la teneur. Vous ne savez rien de ce qui m’agrée et je doute de trouver ne serait-ce qu'une once de plaisir à partager ma chambre avec autrui .

Je me retournai vers mes bagages et ramassai le vanity ainsi que la plus petite des trois valises.

― Si le ciel vous a mis sur mon chemin, ce n'est certainement pas pour que vous restiez planté là à sourire bêtement. Aidez-moi plutôt à porter mes effets jusque ma chambre. Les bureaux, c'est déjà fait, annonçai-je en désignant d'un signe de tête, le plan que je tenais dans la main droite.

Je n'attendis pas sa réponse, je n'avais pas à le faire, et grimpai les marches soufflant et pestant contre le seul responsable de tout ça : Angelus.

― Vous n'êtes pas sans ignorer que je ne peux entrer dans la section réservée aux appartements des filles, répondis-je sans me démonter. Cela signifie que vous devrez vous-même porter vos effets les derniers mètres car je doute que vous puissiez trouver une demoiselles aux élans chevaleresques qui acceptera de vous aidez si vous leur parler ainsi ! Je n'accepte moi-même de le faire qu'en raison de votre sexe !

Et parce que cela énerverait Angel ― quoi que je doutais recherché la compagnie d'Olympia même pour faire enrager le jeune homme : j'avais d'autres choses à faire et ses manies de petites princesses gâtés ne seraient divertissantes qu'à un certain point !

Je me demandais tout à coup si l'administration, exaspérée par ses manière, avait évité de lui dire que Wolfe se charger de monter les bagages des élèves d'un simple charme ― histoire de l'embêter en la faisant elle-même monter ses affaires...!

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Je ne me retournai pas, continuant mon ascension la tête haute et la démarche assurée. Sa répartie me plaisait, je la trouvai ... réjouissante. Cela me changeait de mes autres interlocuteurs qui ne faisaient qu'obéir, tels des animaux bien dressés.

― Je ne vous ai nullement demandé de m'accompagner dans mes appartements. Pour risquer une telle entorse au règlement, il faudrait que vous en valiez réellement la peine. Et pour couper court à vos pensées, sachez que je n'ai cure de vos opinions sur ma façon de parler !

Je tentai de cacher le plaisir que j'avais à échanger avec celui dont j'ignorais toujours le nom. Je le saurai bien assez tôt ! Je n'avais nullement l'intention de le lui demander et s'il était aussi galant qu'il se plaisait à le penser, n'eut-il pas commencé par cela ?

Pour risquer une telle entorse au règlement, il faudrait déjà que je veuille y entrer, dans ses appartements ! pensai-je. J’évitai toutefois d’énoncer ces paroles tout haut, au risque de faire de la peine à la demoiselle... quoique je doutais que mes paroles l'affectent outre mesure, d'autant qu'elle semblait être de celles qui s'emportaient pour tout et pour rien !

― Est-ce votre façon de me dire que vous aimeriez que je vous propose un rendez-vous ? demandai-je alors que nous entamâmes notre ascension. Car pour savoir si j'en vaut la peine, il faut forcement apprendre à me connaitre !

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De plus en plus alléchante l'idée d'en faire un trophée. Je m'imaginais déjà user de tous mes atouts pour l'amener à me manger dans la main. J'en avais maté de plus hargneux que lui ... Je décidai, d'humeur taquine même s'il ne pouvait nullement déceler l'étincelle qui animait mes prunelles, de lui lancer une dernière pique.

― Je n'ai jamais rien dis de tel, prétentieux que vous êtes ! Pour que j'accepte un rendez-vous de votre part, il faudrait d'abord que je semble un temps soi peu intéressée par votre personne. Ne vous offusquez pas très cher, mais je n'ai pas besoin d'en arriver à de telles extrémités pour apprendre à vous connaitre. Un simple coup d’œil m'a suffit à me forger une opinion. Et je ne suis pas sure d'aimer ce que vous avez à me proposer.

Je n'allais quand même pas le laisser me traiter de la sorte. Encore moins lui faire croire qu'il pouvait m’être d'un quelconque intérêt.

Olympia Death n'était pas chassée. Elle chassait.

― Mais y a-t-il seulement une chose que vous aimiez, mis à part votre personne et votre bien-être ? ris-je.

Angel m'avait mis en garde et je devais avouer que le portrait qu'il avait brosser d'elle n'avait fait qu'esquisser ce qu'elle était !

― Soyez sans crainte, ceci dit, poursuivis-je alors que nous approchions l'étage réservé aux élèves, sachant cela, je ne m'aventurerai pas à vous proposer quoi que ce soit de crainte d'aigrir votre humeur déjà bien entamée par votre présence en ces lieux si détestables.

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J'arrivai tout juste sur le palier du quatrième étage, mon groom me suivant de près.

Je me retournai vers lui, sourire aux lèvres alors qu'il déposait son lourd fardeau à mes pieds. Je fis de même avec mon chargement, somme toute beaucoup plus léger, mais néanmoins encombrant.

― Alors si nous savons tous deux à quoi nous en tenir, je ne peux que vous féliciter pour votre vivacité d'esprit, clôturai-je en lui tendant la main.

Quelle belle ironie ! Mais je ne me démontais pas et, devant sa main tendue, je plaçais la poignée d'une de ses valises ― retour de bâton !

― Bonne soirée, donc ! pris-je congé d'elle avant de partir vers le dortoir des garçons...

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J'avouerai sans honte qu'il m'eût serré la main, m'aurait déçue. Le jeune homme aurait perdu de son intérêt à capituler trop rapidement.

Qu'il m'eût baisé la main, eut été plus dans mes attentes ... quoique tout aussi prévisible.

Mais il monta dans mon estime par son audace - solution que je n'avais pas envisagé. Son geste me surprit tellement que j'en restai sans voix. Il avait osé me tendre la poignée de l'une de mes valises ...

Je ne m'autorisai à sourire, seulement une fois certaine qu'il était hors de ma vue.

Décidément très prometteur ce séjour forcé.

― A charge de revanche, beau brun ! Vous remportez peut-être cette bataille, mais la guerre n'est pas finie !

Soufflant contre ce maudit règlement sexiste, je me penchai pour emporter mes bagages vers ma chambre. Quelle mauvaise surprise me réservait encore cette dernière ? Qu'allai-je y trouver une fois la porte ouverte et son seuil franchi ?