Chose promise...

Chambre 112. La température baisse tout à coup, le miroir se couvrant d'une mince couche de givre.

― C'était plus fort que toi, n'est-ce pas ? résonne la voix d'un esprit en colère, son ton aussi tranchant qu'une lame de glace.

Après avoir vu Merlin et partagé un thé avec Rosa, j'étais revenue me réfugier dans ma chambre. Je considérais un peu cet endroit comme un refuge. Du moins, je le pensais, car un froid terrible s'installa dans la pièce, allant jusqu'à givrer le miroir.

― C'était plus fort que toi, n'est-ce pas ?, tonna une voix, visiblement très en colère.

Mon souffle se coupa, je frissonnai et tournai la tête en tout sens afin de déterminer où était l'esprit.

― Qui est là ? Qui êtes-vous ?

― Qui d'autre que moi ? fait la même voix au creux de l'oreille de la jeune fille, un souffle glacé effleurant le côté de sa nuque. Ne t'avais-je pas promis de revenir si tu essayais de le blesser ?

Le courant d'air froid sur ma nuque, les paroles susurrées dans le creux de mon oreille m'indiquèrent avec une terrifiante certitude l'identité de l'esprit qui était présent. Mon sang se glaça dans mes veines et, dans une ridicule tentative pour lui échapper, je reculais précipitamment jusqu'à cogner douloureusement mon dos contre la fenêtre.

― Je n'ai rien fait... Je... je n'ai même pas... même pas revu Morgan depuis la dernière fois.... Bégayais-je, la peur s'emparant de moi.

C'était vrai. Je ne l'avais pas revu depuis notre conversation à la bibliothèque, et je n'avais absolument rien fait pour lui nuire. Pourquoi l'aurais-je fait d'ailleurs ?

― Et voir, Merlin, est-ce rien ! s'emporte l'esprit.

Le miroir de la coiffeuse commence doucement à se fissurer...

« Fais attention, Cléophée, reprend la voix, de nouveau tranchante. Ne te mêle pas d'une guerre qui ne te concerne ― Merlin te laisse la vie sauve pour le moment parce que tu sembles être utile... il serait moins clément si tu lui causais du déplaisir...! »

Je sursautai à son cri et remarquai avec effroi que le miroir se fissurait.
Mon souffle devint erratique, je paniquais.

― Mais... je... ça n'a rien à voir ! Jamais je n'ai dit le nom de Morgan ! Ca n'a pas de rapport avec lui !

Quoi que.... si cet esprit s'énervait tant, c'est qu'il y en avait un de rapport...

" De toute façon, vous n'avez qu'à être moins mystérieux, tous autant que vous êtes ! Personne ne m'explique rien. Je rends service, et je récolte un esprit caractériel qui brise les miroirs. C'est tout bonnement génial ! "

Je n'aurais peut-être pas dû dire cela, car il allait probablement s'énerver encore plus. Mais la colère avait débordée de moi, et je n'avais rien pu faire pour l'arrêter.

Le température baisse davantage, le givre s'épaississant sur le miroir.

― Il me semblait avoir été très clair sur le sort que je te réservais si tu t'amusais à blesser mon frère, rétorque l'esprit. Je commencerai le travail et je laisserai Merlin t'achever... car que crois-tu qu'il fera de toi, lorsque Morgan disparaîtra du jour au lendemain ? Aurais-tu la bêtise de croire qu'il prendra le risque de te laisser un jour raconter cette petite histoire...?

Si tant est que cela fut possible, je me plaquais encore plus contre la fenêtre derrière moi, tremblant de froid et de peur.
Cet esprit me terrorisait, mais je pressentais que je ne pourrais pas parler de lui à quiconque.

― Pourquoi Merlin me tuerai ? Je n'ai rien à voir là-dedans. Je n'ai fait que transmettre un message bon sang. Et si tout cela concerne Morgan, pourquoi vous ne voulez pas le mettre au courant ? Ca n'a aucun sens.

L'esprit ne répondit pas de suite et l'air, qui avait vibré de sa colère, resta comme en suspend un instant...

― La connaissance est aussi source de problèmes, finit-il par répondre. Problèmes pour Morgan... problèmes pour toi... Merlin n'hésitera pas à t'éliminer si cela peut l'aider à garder ses petits secrets.

Il semblait se calmer, mais je ne pouvais en être certaine...

― Vraiment ? Mais, Merlin paraît si.... gentil, sage...

J'avais vraiment du mal à croire ce que cet esprit me disait.

― Qu'est-ce que je dois faire alors ? Je suis incapable d'ignorer les esprits qui veulent que je transmette des messages, et je refuse de t'obéir aveuglément. Une pause. Et puis, comment puis-je savoir que vous n'essayez pas de me tromper ?

― Crois ce qu'il te plaira, rétorqua l'esprit, je n'en ai que faire ! Mais si tu recherches la vérité, lis donc les Légendes de la Table Ronde... ou demande encore à Morgan ce qu'il pense sincèrement de ce cher Merlin ! Tu pourrais être surprise...

Perplexe, je le dévisageai. J'avais beau dire, il ne me semblait pas mauvais. J'avais vraiment l'impression que la... sauvegarde de Morgan lui tenait vraiment à coeur... Et, bien qu'il me terrorisait, je commençais à croire qu'il ne me ferait pas de mal, du moins sans raison vraiment valable.
Je soupirais, perdue et ne sachant que faire.

― D'accord, je ferais ce que tu dis. Mais tu sais, tu m'aurais dit tout cela sans me menacer dès le départ, ça aurait été plus... courtois. Je ne suis pas bouchée. Et je t'assure que je ne veux pas de mal à Morgan. Je me tu une seconde, avant de reprendre. Et maintenant, au lieu de geler la pièce, tu veux que je fasse quelque chose ?

Après tout, je pouvais peut-être l'aider.

L'esprit observe une longue pause, dévisageant Cléophée d'un regard intense, ses prunelles bleues impénétrables.

― Tu dis une chose mais tu te précipites faire l'inverse, fait-il sans émotion. Ne t'avais-je pas prévenue ? Je suis réellement le méchant frère, et je fais ce que j'ai à faire pour protéger les miens, même si cela signifie traiter le mal par le mal... Fais seulement en sorte de ne pas faire de mal à Morgan, d'une manière ou d'une autre.

Un rire nerveux m'échappa. Cette situation semblait inextricable.

― D'accord, j'ai fait une erreur. Mais je ne savais pas que cela concernait Morgan. Je n'ai fais que transmettre le message d'un esprit qui a été pour le moins mystérieux. Je lui décochais un regard un regard furieux -et un peu apeuré je pense- avant de reprendre. Alors, continu de me menacer et de ne pas me croire, mais sache que je suis sérieuse lorsque je dis que je ne veux pas lui faire de mal. Simplement, si personne ne me dit rien, je pourrais faire par mégarde ce que tu redoutes.

J'étais fière de mon petit discours, mais je réalisais que l'effet était gâché par des tremblements incontrôlés qui me parcouraient.

Un sourire glacial orne les lèvres de l'esprit.

― Tu ne veux obéir aveuglément, mais c'est ce que tu fais à la première requête reçue et précisément ce que tu demandes ! Evite seulement de te mêler d'affaires qui ne t'apporteront que des problèmes... tu es mise en garde.

Et d'un claquement de doigt plus théâtral qu'autre chose, l'esprit disparaît.

Déboussolée, tremblante, je me laissais glisser contre le mur et m'assis sur le sol. Que devais-je faire maintenant ? Il était hors de question d'aller voir Merlin, celui-ci ne semblant pas être apprécié par l'esprit.
Lire les Légendes de la table ronde, cela serait facile et ne poserai pas de problème, mais aller interroger Morgan... Comment pourrais-je lui expliquer la raison de mes questions ?

J'avais vraiment des ennuis avec cet inconnu spectral....